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Panzerbrigade 106
Kampfgruppe Bäke - Battalion Bittermann

Les unités allemandes engagées à BARR

par Christian SCHULTZ

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L’histoire des unités de la Wehrmacht impliquées dans les combats de Barr mérite un éclairage nouveau issu d’un ensemble de documents provenant des archives militaires allemandes.

Pour l’essentiel, ces sources seront les « journaux de marche et des opérations[1] » du groupe d’armées G[2], de la 19ème armée allemande et surtout de la Panzerbrigade 106[3]. Ces journaux seront mentionnés sous l’acronyme KTB, désignant leur terme allemand de Kriegstagebuch-KTB.

Les unités allemandes engagées dans les combats de Barr les 28 et 29 novembre 1944 sont la Panzerbrigade 106 Feldherrnhalle et le Bataillon Bittermann alors aux ordres de la Panzerbrigade durant le temps des combats autour de Barr.  

Ces plus de 700 pages rassemblées dans un document commémoratif destiné aux anciens combattants de la Panzerbrigade 106, constituent donc une source historique de première main. Elles seront complétées par un témoignage que l’auteur de cet article a pu recueillir en 2002 auprès de Monsieur Friedrich Brunns, alors secrétaire de l’association des anciens membres de cette unité.

 

[1] Le Journal des marches et des opérations est un document relatant les événements vécus par chaque état-major et corps de troupe au cours d’une campagne.

[2] Le groupe d’armée G regroupe les 1ère et 19 ème armées allemandes durant la campagne de Lorraine et d’Alsace.

[3] 106ème Brigade blindée

 

Création de la Panzerbrigade 106
 

La Panzerbrigade 106 (PzBrig 106) fut constituée le 28 juillet 1944 à Danzig, dans l’actuelle Pologne, à partir d’éléments survivants de la Panzergrenadier-Division "Feldherrnhalle", décimée dans les combats du front de l’est, ainsi que de diverses unités de réserve. L’appelation « Feldherrnhalle » donnée presque accessoirement à la nouvelle brigade ne permettait pas pour autant de qualifier cette formation d’unité d’élite. Ses vétérans se considérèrent eux-mêmes d’ailleurs comme d’anciens membres d’une unité régulière de la Wehrmacht.[1]

Dès la fin août 1944 l’unité fut envoyée à Trêves en vue d’être engagée sur le front de l’ouest. A partir de septembre 1944, et jusqu’à l’abandon par les Allemands en février 1945 de la poche de Colmar, elle sera déployée et engagée en différents endroits situés entre le Luxembourg et la frontière Suisse.

 

[1] Le nom Feldherrnhalle rencontre un écho particulier dans l’histoire du mouvement national-socialiste. Il fait référence à un monument de Munich à proximité duquel une tentative de puch de Hitler échoua en 1923. Durant le Troisième Reich, ce lieu servit de coulisse à la célébration des martyres du régime. Outre une SA-Standarte Feldherrnhalle crée en 1934, composée de l'élite des SA, pas moins d’une demi-douzaine d’unités de la Wehrmacht portèrent successivement, ou parfois même conjointement, cette appellation qui permit à leurs membres de porter sur le bras gauche une bande comportant l’inscription « Feldherrnhalle».

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Le colonel Franz Bäke, commandant la 106ème Brigade

Parcours de la brigade préalablement son engagement à Barr

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Son déploiement illustre la forte mobilité d’une unité blindée. Fraichement engagée sur le front de l’ouest elle est d’abord déployée vers la mi-septembre 1944 au sud de Metz et impliquée dans un engagement significatif à Château-Salins.

Du 1 au 12 octobre 1944, elle se retrouve déployée à Héricourt, au sud de Belfort, puis sera engagée du 13 au 21 octobre dans des combats entre Gérardmer et La Bresse, notamment au col de la Grosse. Puis, déploiement au nord de Saint-Dié, avec des engagements dès le 26 octobre jusqu’au 9 novembre à Clairefontaine, Badonviller et Pierre Percée.

 

Le 19 novembre, elle reçoit l’ordre de rejoindre Saarbrücken, où elle restera trois jours pour se rassembler et se restructurer. Dans la nuit du 22 novembre, elle reçoit l’ordre d’embarquer son matériel dans les gares de Brebach et Blickweiler[1] pour faire route vers Mulhouse.

Les compagnies seront regroupées à 20 km au nord-ouest de Mulhouse, à Soulz puis Guebwiller, où elles arrivent dans la nuit du 23 novembre.

La prise de Strasbourg par la 2ème DB française est évoquée lors du point de situation de son état-major. Les unités reçoivent ordre de se déployer entre Baldersheim et Ottmarsheim pour s’opposer aux avancées des Américains à partir d’Altkirch.

 

Le 24 novembre elle est engagée dans des combats autour de Mulhouse, entre Rixheim et Habsheim, avec pour ordre de reprendre l’ile Napoléon. Une ligne d’arrêt provisoire est constituée dans la forêt de la Hardt, le long du canal du Rhin au Rhône, et ce jusqu’à Thann.

 

Vers la fin de l’après-midi du 24 novembre 1944, le front sud de l’Alsace étant provisoirement consolidé, et face à l’évolution de la situation dans la partie nord de la future poche de Colmar, le groupe d’armées G[2] ordonne à la 19ème armée allemande de désengager trois unités dont la Panzerbrigade 106, afin de redéployer cette dernière au sud d’Obernai…

 

A 15h47 le chef du groupe d’armées G informe l’état-major de la 19ème armée que la Kampfgruppe Bäke est considérée comme disponible pour être engagée dans la région de Molsheim, mais que la décision finale de son engagement reste subordonnée au Führer.

 

A 16h45 le colonel Bäke reçoit l’ordre de se désengager immédiatement de toute action pour se mettre en route au plus vite vers le nord de Sélestat. Une forte réplique d’artillerie allemande doit favoriser son désengagement.

 

A 17h22 le BvTO[3] de la 19ème armée informe de l’arrivée à la gare de Bantzenheim de trains servant à transporter la brigade à destination de Sélestat.

 

A 22heures, le chef d’état-major de la 19ème armée allemande transmet au BvTO : « je souhaite que le transport par voie ferroviaire puisse se faire plus loin que Sélestat, de préférence jusqu’à Barr ». Le BvTO lui réplique que les conditions de déchargement seront plus compliquées là-bas mais qu’il s’efforcera de diriger le transport ferroviaire aussi loin que possible (vers le nord) [4].

Deux trains sont mis à disposition à cet effet.

 

[1] Ce chargement peut se réaliser de jour en raison du temps pluvieux et de l’absence de menaces aériennes

[2] L’état-major de ce groupe d’armée se trouve alors à l’hôtel Westernhöher à Bergzabern dans le Palatinat.

[3] BvTO : Bevollmächtigter Transportoffizier, l’officier chargé des transports

[4] Fernsprechprotokoll der 19. Armee vom 24.11.44

 

Constitution de la « Kampfgruppe Bäke » 

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Tout au long de ses différents engagements décrits précédemment et afin de donner à sa mission les meilleures chances de réussite, la Brigade reçoit régulièrement des renforts ponctuels mis à la disposition de son chef de corps.

Renommée « Kampfgruppen », ces formations de circonstance prendraient aujourd’hui le nom de « Task force ». Composées de différentes unités, il est fort probable que ces formations ne disposaient plus, au moment de leur engagement à Barr, de l’ensemble de leurs effectifs, en raison des pertes subies et de la situation critique du front allemand à ce moment.

Au soir du 24 novembre la brigade ne dispose ainsi plus que d’une douzaine de chars[1]. Pour renforcer l’action du colonel Bäke, la PzBrig 106 devient l’ossature d’une « Kampfgruppe Bäke » constituée de :

- la PzBrig 106

- la brigade de canons d’assaut 280[2], commandée par le major Kühne

- la seconde compagnie d’une unité d’infanterie mécanisée provenant du WK V[3], commandée par le capitaine Bittermann, dit « Bataillon Bittermann »

- deux autres compagnies d’une Kampfgruppe Reuter (SaP)

- une compagnie de reconnaissance

 

Cette présentation de la Kampfgruppe Bäke mérite que l’on s’attarde sur le Bataillon Bittermann, largement mentionné dans les divers récits existants sur les combats de Barr. Nous disposons en fait de peu d’informations à son sujet, sauf qu’il fut constitué au sein du

« Wehrkreis V - WKV », soit la 5e région militaire allemande qui contrôlait le pays de Bade, le Wurtemberg et l'Alsace. Il s’agit donc d’un recrutement local.

 

Le KTB de la 19ème armée allemande nous indique que c’est la seconde compagnie mécanisée qui fut intégrée dans la Kampfgruppe Bäke. Commandée par le capitaine Bittermann, cette compagnie devint le Bataillon homonyme de son commandant[4]. Une compagnie d’infanterie de la Wehrmacht était constituée d’environ 200 à 300 hommes.

 

[1] Fernsprechprotokolle der 19. Armee vom 24.11.44

[2] StuGeschBrig 280 ou Sturmgeschützbrigade

[3] Wehrkreis V.

[4] Et non la « Sturmbrigade Bittermann » comme parfois mentionnée dans certains récits.

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Insigne de la 106ème Panzebrigade Feldherrenhalle

chars Panther en Alsace en décembre 1944

Char Panther

soldats allemands équipés de Panzerfaust

Doctrine d’emploi

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Successivement aux ordres de la 1ère puis de la 19ème armée allemande[1], elle sera utilisée comme unité mobile autonome blindée, en capacité d’être déployée rapidement à un endroit du front qui risquait de connaitre une percée menaçante de la part des alliés.

Selon le document cadre de sa création signé par l’inspecteur général des troupes blindés allemandes, ses atouts résideront « dans la mobilité, la puissance de feu et la protection blindée. Les conditions de succès de son emploi reposeront sur la capacité de mener des attaques surprises et audacieuses par l’ensemble des éléments qui la compose »[2].

 

[1] La 19ème armée allemande sera par la suite encerclée dans la poche de Colmar du 20 janvier au 9 février 1945. Son état-major sera situé à Gebwiller.

[2] Der Generalinspekteur des Panzertruppe - Vorläufige Richtlinien für Führung und Kampf der Panzer-Brigade, Abt.Ausb.Nr.9657/44 geheim, OKH, 26. Juli 1944 

 

Constitution

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Commandée par le Colonel Franz Bäke[1], la Panzerbrigade 106 comptera un effectif total d’environ 2000 hommes.

Les unités qui constitueront seront :

- une compagnie de commandement.

- un groupe blindé (Panzer-Abteilung) de 4 compagnies de chars dont une compagnie de chasseurs de chars, commandée par le capitaine Paul Te Heesen[2]

- un bataillon de 8 compagnies d’infanterie mécanisée (Panzergrenadiere Bataillon),

- une compagnie de génie,

- une compagnie de réparation

Les trois compagnies de chars seront équipées chacune de 11 chars de combat de type « panther » (et non des « tigres » comme parfois mentionné dans certains récits).

La compagnie de chasseurs de chars est équipée de « Sturmgeschütze », des canons d’assaut motorisés qui seront largement utilisés comme chasseurs de chars.

 

[1] Franz Bäke, vétéran de le Première guerre mondiale, exercera le métier de dentiste entre les deux guerres. Reprenant du service dès 1939 dans une unité de chasseurs de chars, il se forgera une réputation d’as et de spécialiste des panzers. Il sera décoré de la croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chêne et glaives et finira la guerre comme général.

[2] Le Capitaine Paul Te Heesen tiendra un rôle décisif dans les combats de Barr.

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Le colonel Franz Bäke et l'Etat-Major de la 106ème Brigade

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Le capitaine Paul Te Heesen, commandant du groupe blindé de la Panzerbrigade

char panther engagé dans la bataille de

Char Panther

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