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1945-1971 - 25 ans de politique municipale

par Philippe SCHULTZ

L'ère Paul DEGERMANN (1945-1961)

Au lendemain de la guerre, la Commission de Libération des Forces Françaises de l'Intérieur, instituée par l'autorité militaire américaine en relation avec les réseaux de Résistance, mit en place un Conseil municipal provisoire composé de personnalités locales, afin de donner à la Ville une structure de gestion en attendant les prochaines élections normales des Conseils municipaux, programmées pour le 23 septembre de l'année suivante.

 

Le 9 décembre 1944, à peine dix jours après les combats, le nouveau Conseil se réunit dans la maison Schmitt, rue de l'Eglise. La mairie, gravement endommagée par l'incendie du 28 novembre, ne pourra être réutilisée que bien plus tard. Ce Conseil est composé de 14 membres ayant siégé au sein de l'ancien Conseil dissout par l'envahisseur en 1940 : Paul Degermann, Joseph Adloff, Robert Heydt, Alfred Haas, Henri Hagemann, Emile Hauswald, Emile Hering, Emile Lieber, Edouard Meckert, Jean Michel, Dr Yvan Muller, Auguste Oberlé, Georges Offner et Henri Rohrer et de 9 membres nouveaux : Georges Burgard, Othon Ruffenach, Robert Degermann, Charles Hablitzel, Charles Kaufmann, Paul Kling, Willy Barthelmebs, Adolphe Schneider et Paul Rauch.

Paul Degermann est nommé maire, le Dr Joseph Adloff et Robert Heydt sont respectivement désignés aux fonctions de premier et second adjoint. Il appartient désormais à cette équipe de régler les affaires les plus urgentes et de veiller au rétablissement progressif des valeurs républicaines.

Paul Degermann est né le 11 mars 1897. Il est le fils de Jules et de Marie Mathilde Petsch. Aux côtés de son frère ainé Georges et de ses cousins, il est dirigeant au sein de la tannerie familiale barroise. Elu maire en 1935, il avait été écarté de ses fonctions par les Nazis, en 1940, et remplacé d'autorité par un maire d'origine allemande.

    

Le 23 septembre 1945, 23 Conseillers sont élus selon les règles démocratiques, à l'occasion d'élections municipales organisées sur l'ensemble du territoire national. Il s'agit du Dr Joseph Adloff, Emile Schmitt, Jules Ponton, Henri Hagemann, Paul Degermann, Joseph Gerber, Louis Hering, Alfred Haas, Paul Rauch, Dr Yvan Muller, Emile Hauswald, Adolphe Schneider, Jean Diehl, Robert Degermann, Jean Michel, Henri Halter, Georges Offner, Louis Vogel, Charles Bohn, Willy Barthelmebs, Georges Burgard, Charles Lantz et Charles Hubach.

 

Le 4 octobre 1945, le Conseil désigna les membres de la municipalité: Paul Degermann à la fonction de maire, Dr Joseph Adloff, Charles Bohn et Georges Burgard aux fonctions respectives de premier, second et troisième adjoint.

Paul DEGERMANN - élu maire le 4 octobre 1945

P. DEGERMANN et son adjoint Georges BURGARD

Lors des élections législatives du 2 juin 1946, six listes étaient proposées aux électeurs. La liste démocrate-chrétienne M.R.P. conduite par Henri Meck et Pierre Pflimlin, celle de la S.F.I.O. menée par Naegellen, la liste communiste de Rosenblatt, la liste Scheer dite Républicaine-démocrate, la liste Défense Paysanne et la liste U.D.R.F., menée par un certain Capitant. Les 2257 Barrois votants répartirent leur voix de la manière suivante : M.R.P. (centre) : 25%, Communistes : 25%, S.F.I.O. (socialistes) : 19%, Républicains-démocrates : 6.9%, U.D.R.F. : 21% et aucune voix pour la liste Défense Paysanne.

Le 10 octobre 1947, les Barrois sont à nouveau appelés aux urnes. Il s'agit d'un scrutin de liste avec possibilité de panachage, c'est à dire que l'électeur peut, comme il le désire, rayer un ou plusieurs noms qui ne lui conviendraient pas. L'ensemble du conseil municipal élu en septembre 1945 est réélu au premier tour. C'est sur le Dr Joseph Adloff que se porte une majorité de voix, soit 1618 sur 2943 électeurs et 2081 suffrages exprimés. Ce résultat témoigne de la popularité du médecin. Dès le 24 octobre, Paul Degermann est réélu maire avec 22 voix sur 23. Ses trois adjoints sont le Dr Adloff, Charles Bohn et Georges Burgard.  Paul Rauch, chef de corps des sapeurs-pompiers est le plus jeune des élus, est désigné à la fonction de secrétaire du Conseil.

 

Un des objectifs majeurs que se fixe les nouveaux élus est de panser les plaies laissées par les combats de la Libération. C'est ainsi qu'une vingtaine d'incendies s'était déclarés durant les journées mémorables des 28 et 29 novembre 1944. Par ailleurs, l'école primaire protestante tout comme le logement de fonction de son directeur dans la rue de l'église, les deux églises, l'abattoir connurent des dégâts plus ou moins importants. Mais la mairie, presque totalement détruite, représentait probablement le plus grand chantier auquel il fallut faire face à cette époque. Le bâtiment, déjà classé monument historique, nécessitait des dispositions particulières pour sa reconstruction. C'est à l'architecte barrois André Caspar que la Ville confia les travaux, ce qui n'était pas particulièrement du goût des instances chargées des monuments historiques ! Mais il fallut agir au plus vite, afin de mettre l'ensemble hors eaux. Le choix des tuiles nécessita même l'intervention du ministre de l'éducation nationale de l'époque Marcel-Edmond Naegellen. La toiture devait, en effet, préserver son aspect originel. En 1946, le bâtiment était à nouveau couvert. Toutefois, le gros des travaux fut entrepris dans les années 1947 et 1948. C'est à cette époque que l'ancienne halle aux grains, au rez-de-chaussée, fut transformée en salle de réception et que la salle du Conseil se vit réaménagée à l'étage. Le chauffage central fut également installé, entre autres. Le 1er septembre 1948, l'administration municipale put reprendre possession des lieux et quitter enfin la maison Schmidt, rue de l'église, où elle occupait quatre pièces.  Restait la façade qui portait de profondes traces des combats. Celle-ci ne fut rénovée qu'en 1951. Le coût des travaux s'élevait à 16.200.000 frs. Les fonds de dommages de guerre couvraient 2.372.000 frs, deux emprunts contractés auprès de la caisse d'épargne permirent de financer à hauteur de 9.000.000 frs, auxquels s'ajouta une subvention du ministère de l'intérieur de l'ordre de 1.275.000 frs.

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Le Dr Joseph ADLOFF (au centre)

Le chantier de la mairie (IGN 1946)

Le coût total des travaux de restauration des différents bâtiments communaux s'éleva en définitif à 27.130.000frs, dont 4.199.000frs furent pris en compte par le ministère de la reconstruction et de l'urbanisme, le MRU. A ces chantiers s'ajoutèrent, enfin, des travaux de voirie non négligeables, beaucoup de rues étant devenues difficilement praticables en raison des dégâts causés par les chars américains en automne 1944. La Ville connut quelques difficultés à s'approvisionner en bitume et en machines adéquates.

Le décès subit de Charles Moser, propriétaire de l'hôtel Buhl, mit en apparence des difficultés économiques à assurer la pérennité de l'établissement qui avait fait les beaux jours de Barr depuis deux générations. Le souci de la Ville de préserver la fréquentation du collège Edouard Schuré amena les élus à décider l'acquisition de cet établissement afin d'y installer l'internat pour le collège classique, alors que le collège moderne disposait, depuis 1934, des bâtiments de la rue du lycée. Le complexe coûta 12.000.000frs. Plusieurs autres bâtiments furent acquis, notamment la maison Zimmermann, au 13 de la rue du Dr Sultzer, qui reçut la perception, ainsi que l'immeuble Kayser, rue de la promenade, lequel fut affecté au collège moderne.  D'autres acquisitions, plus discrètes s'ajoutèrent à cette liste.

Le traitement des ordures ménagères fut également un souci important pour l'équipe du maire Degermann, dans ces premières années d'après guerre. Un dépotoir existait alors route de Strasbourg, mais ne permettait plus aucune extension. La solution de la rue du Muckenthal fut alors choisie. Qui ne se souvient pas du "Drakloch" dont les odeurs nauséabondes, poussées par les vents dominants, envahissaient, jusque dans les années 1970, tout le quartier de la gare ! Toujours est-il qu'un terrain de 2 ha fut acquis avec beaucoup de mal, certains propriétaires de parcelles devant être expropriés. Le nouveau dépotoir municipal fut opérationnel en 1953.

Se posa aussi la question de l'eau. 50 années étaient passées depuis que le maire Richard Dietz entreprit les prémices de l'adduction d'eau à Barr. Après quelques travaux dirigés en 1935 par le maire Paul Degermann, de nouveaux problèmes se posèrent au lendemain de la Libération. Le réservoir de la Vallée contenait alors 1000 m3 répartis en deux citernes de capacité égale. L’une d’entre elles était réservée à la lutte contre l’incendie. Le débit des sources de captage était, dans la période la plus sèche de l’année, estimé à 10 litres par seconde. En de telles circonstances, le réservoir recevait encore un minimum de 860.000 litres par jour, ce qui correspondait à 160 litres par habitant. Ces chiffres furent publiés dans le Journal de Barr du 17 juin 1950, afin de rassurer une population inquiète par quelques rumeurs annoncant un risque de pénuries en période estivale. Par la suite, un règlement pour la fourniture de l'eau fut publié. De nombreuses conduites furent posées afin d'étendre les réseaux. La question de la création d'un second réservoir fut, un moment, à l'ordre du jour, mais se vit reportée pour diverses raisons. Une meilleure gestion des sources permit, en revanche, de faire face à l'été 1952, particulièrement aride.

Après une première tentative, au lendemain de la Libération, de mise en place de cycles de formation continue, c'est grâce à M. Muller de Goxwiller, professeur au collège moderne de Barr, que les cours professionnels virent le jour. Il s'agissait de compléter les cours pour adultes, destinés, depuis 25 ans, à permettre aux Barrois de suivre un enseignement général et plus particulièrement de se familiariser avec la langue française. Les cours professionnels s'adressaient aux jeunes apprentis qui, jusque-là, devaient se rendre chaque semaine à Obernai afin de bénéficier de l'enseignement théorique adapté à leur futur métier. A l'époque, Barr comptait environs 100 apprentis. Au départ, les cours recevaient 62 élèves, essentiellement des apprentis des branches du bois et de la métallurgie, répartis dans 4 classes. L'année scolaire 1950-51 vit le nombre des élèves augmenter jusqu'à 108, ce qui nécessité l'ouverture d'une cinquième classe.  Sur les 45 qui passèrent le diplôme de compagnon, 40 furent reçus !  Certains élèves se virent gratifiés de prix d'honneur et premiers prix lors de l'exposition artisanale de Strasbourg en 1951. Le cours professionnel fut honoré du diplôme hors concours avec félicitation du jury. En 1953, les cours comportaient 167 inscrits !

Fidèle à ses principes, l'envahisseur allemand avait détruit le monument aux morts qui s'élevait à côté des bâtiments de l'hôpital. A la Libération, un cénotaphe fut érigé à cet endroit, en attendant qu'un monument nouveau ne soit construit. En février 1948, le Conseil municipal créa un comité du monument aux morts. Celui-ci décida, dès le mois de juin, de réserver à cet effet la partie supérieure du jardin Kohler, rue des lièvres - avenue des Vosges. D'emblée le choix d'un monument sobre, ne rappelant aucune figure guerrière, fut arrêté. Se posa ensuite la question du financement.

Le comité organisa donc, courant de l'été 1948, une fête champêtre au Holtzplatz. Celle-ci permit, avec quelques dons, de collecter, dans un premier temps, la somme de 100.000 frs. Un concours d'idées fut lancé en 1949. Un jury de qualité, dans lequel siégèrent des personnalités comme Robert Heitz, président des artistes indépendants d'Alsace ou encore L. Ph. Kamm, directeur de l'école des arts décoratifs de Strasbourg, attribua, aux meilleurs projets, des lots allant jusqu'à 40.000frs. En définitif, après une consultation de la population par voie… référendaire, la commission attribua, après trois tours de scrutin, les travaux à l'architecte barrois Caspar, associé pour la circonstance au tailleur de pierre local Méon. Le prix des travaux s'élevait à 3.000.000 frs. Ce choix, probablement politique, n'étant a priori pas celui de la majorité des Barrois, fit quelques remous au sein de la population.   

Le monument fut toutefois inauguré en grande pompe, le 29 novembre 1953, en présence du Préfet Paul Demange, du Général Pique-Aubrun, du Dr Gillmann, vice-président du Conseil général et de bien d'autres personnalités.

 

La population y fut largement conviée et une place d'honneur fut réservée aux parents, veuves et enfants de victimes de guerre. Un détachement de la fanfare et un peloton de la garde républicaine, les porte-drapeaux, les sapeurs-pompiers et la musique municipale composaient le gros des troupes. C'est à un orphelin de guerre que revint l'honneur de dévoiler le monument. A l'issue de la cérémonie, un défilé conduisit les participants vers la mairie où la municipalité invita à un vin d'honneur.

Le budget communal de 1947 s'éleva à un peu plus de 22.000.000 frs, pour passer, en 1953, à 103.000.000 frs. L'équipe municipale de l'époque qualifia sa gestion de raisonnable "eine väterliche Verwaltung". Elle le justifia, chiffres à l'appui, dans de longs articles parus dans le Journal de Barr. Sur un plan purement fiscal, la comparaison des 7 exercices budgétaires, de 1947 à 1953, permit de mettre à jour une évolution importante des taxes exceptionnelles témoignant, en revanche, d'investissements importants. D'autre part, les taxes destinées à soutenir l'activité scolaire ont également augmenté de 50% dans cette même période. Globalement, les élus considéraient, en 1953, que le taux d'imposition, basé sur la valeur du centime additionnel, avait atteint un niveau qu'il n'était plus possible de dépasser dans l'immédiat. Quant à l'épargne populaire, les quelques chiffres qui suivent présentent la situation que connaissait la caisse d'épargne de Barr en 1953. L'épargne représentait alors un peu plus de 300.000.000 frs. Le plafond, pour un livret, était fixé à 500.000 frs avec un taux d'intérêt de 3% net. A partir de janvier 1952, les intérêts perçus furent exonérés d'impôt, ce qui fut grandement apprécié par les épargnants.

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Construction du monument aux Morts

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Inauguration du monument, le 29/11/1953

Le Journal de Barr, bulletin local connu sous l’appellation "Barrer Blattel", put enfin reparaître en décembre 1950, après dix années d'une période trouble et difficile. Des négociations entre la Ville et le propriétaire de l'imprimerie du Journal de Barr permirent cette heureuse reparution. Il faut aujourd'hui particulièrement louer cette initiative.

 

L'auteur de cet article s'en félicite d'autant qu'il a puisé une grande quantité d'informations dans les archives de la bibliothèque universitaire de Strasbourg où sont rassemblées les éditions de ce fameux journal local aujourd'hui malheureusement disparu. Cette publication hebdomadaire permettait aussi à la municipalité de mieux communiquer avec la population, tout en laissant les colonnes ouvertes à l'opposition, particulièrement en période électorale. Le "Barrer Blattel" redeviendra une véritable institution, après le succès qu'avait eu son prédécesseur, certes édité sur un plan cantonal, le "Barrer Kantonsblatt". Si le journal d'après guerre ne put rivaliser avec la version précédente, bien plus complète, il permit indiscutablement, avec ses 4 à 6 pages, de promouvoir une tribune locale prisée par tous les foyers. C'est ainsi que le Journal de Barr relatait tant les événements associatifs et culturels que les comptes-rendus des Conseils municipaux, en passant par l'état civil et la publicité des artisans et commerçants. L'on y trouvait aussi d'intéressants articles historiques, à côté des résultats sportifs ou des commentaires sur tel ou tel texte de loi nécessitant un éclaircissement. Le "Barrer Blattel" cessa de paraître en juin 1976, probablement faute de rentabilité. Bien dommage !

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Le Journal de Barr

Dès 1950, la question de la rentabilité des abattoirs municipaux fut publiquement posée. A l’occasion du débat budgétaire, Paul Degermann déplora que depuis la fin de la guerre, il n’a plus été possible d’éviter un déficit chronique dans la gestion de cet équipement communal. Les raisons alors évoquées sont nombreuses. Les bâtiments n’avaient pas été conçus initialement pour un tel usage, s’agissant d’une ancienne tannerie. Depuis leur affectation, ils n’avaient connu que peu de modifications et l’entretien laissait à désirer. De surcroît, il fallut réparer des dégats importants provoqués par les combats de la Libération, de sorte que le coût d’exploitation était au plus haut. Les revenus de l’abattoir provenaient de deux sources. D’une part, la taxe à l’abattage, de l’ordre de 1 franc par kilogramme de viande, dont environ 30 centimes revenait à l’Etat, d’autre part, quelques revenus fiscaux annexes, plutôt symboliques. La commune se trouvait donc devant l’obligation de maintenir un équipement d’intérêt public, sans réellement en disposer des moyens nécessaires. La situation est, en 1950, d’autant plus délicate que les revenus sont strictement encadrés par l’Etat et que, comble de la difficulté, les dépenses ne doivent pas dépasser les revenus ! Le déficit s’élève alors à 150. 000 francs. Pourtant, les abattoirs municipaux poursuivirent leur activité durant une vingtaine d’années encore. 3520 têtes de bétail furent ainsi abattues au courant de la seule année 1962, ce qui correspond à 307 tonnes de viandes.

Les élections municipales du 26 avril 1953 ne créent pas de surprise. L'équipe de Paul Degermann est reconduite avec quelques nouvelles têtes comme Adolphe Schneller, Jacques Meckert et J. Haas, trois Conseillers de l'équipe élue en 1945, Jules Ponton, Alfred Haas et Henri Hagemann étant décédés au cours de la législature précédente. Sur les 2682 électeurs inscrits, 1946 iront voter, soit 72 % de participation, malgré la présence d'une liste unique. 1786 suffrages exprimés permettront de déterminer la composition du nouveau Conseil. Paul Degermann obtint le plus grand nombre de voix avec 1695 suffrages, suivi du Dr Joseph Adloff, avec 1680 voix, de Louis Hering, avec 1641 suffrages et Paul Rauch, avec 1639 bulletins. Le 4 mai 1953, Paul Degermann est réélu au poste de maire. Il sera assisté de deux adjoints : le Dr Joseph Adloff et Georges Burgard. Ces élections s'inscriront donc dans la continuité du choix exprimé par la population au lendemain de la Libération. Il faut toutefois préciser qu'aucune opposition structurée n'existait alors à Barr, ce qui facilita grandement la brillante réélection des sortants.

Puisque la question électorale est soulevée, il est intéressant, au vu des résultats des élections municipales de 1953, de revenir un instant aux élections législatives de 1951 et de comparer les suffrages exprimés par les Barrois. Cinq listes sont alors en lice. Le M.R.P. (parti démocrate-chrétien) avec Pierre Pflimlin, une liste indépendante menée par Jesel, la liste du R.P.F., le parti gaulliste, conduite par le Général Koenig, la liste socialiste de la S.F.I.O. de Woehl et la liste communiste de Rosenblatt. Le centre obtient 477 voix, le parti gaulliste 793 voix, la liste communiste est créditée de 342 voix, la liste de la S.F.I.O. de 200 suffrages, alors que la liste des Indépendants est choisie par 199 électeurs. En conséquence, le centre et la droite totalisent près de 63% des voix, la gauche composée des communistes et de la S.F.I.O. obtient néanmoins 27% des suffrages et près de 10% des voix vont aux Indépendants. Au vu de ces résultats, l'on constate que les Barrois font bien la différence entre les élections communales et le scrutin national. Comme nous le verrons par la suite, les résultats des élections municipales de 1959 confirment ce constat.

Le 4 juillet 1953, le maire Paul Degermann se vit remettre, par le préfet Paul Demange, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur, en présence de Pierre Pflimlin, ancien ministre et président du Conseil général, Radius, sénateur du Bas-Rhin, Frey, maire de Strasbourg, Naegell, conseiller général et Grettner, sous-préfet de Sélestat.

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Paul DEGERMANN et Georges BURGARD

Paul DEGERMANN Chevalier de la Légion d'honneur

L'année 1954 fut marquée, à Barr, par d'importants chantiers de voirie. C'est ainsi que l'éclairage public fut installé dans l'avenue des Vosges. Dans la grand'rue, il fut décidé de se séparer enfin des pavés qui, modernisation oblige, furent remplacés par un revêtement bitumeux, estimé bien plus confortable. Les travaux furent réalisés par les Ponts et Chaussées et s'étendirent également dans la rue de la gare où l'îlot circulaire fut mis en place devant le bâtiment alors exploité par la Société Générale Alsacienne de Banque.

En mai 1955, après de longs débats au sein des différentes équipes municipales qui se succédèrent, tant avant qu'après la guerre, le nouveau terrain de sport put enfin être inauguré. Deux ans de travaux avaient été nécessaires. Ce projet, comme toutes les grandes réalisations barroises, était, pour le moins, controversé et avait fait couler beaucoup d'encre. Le maire ne manqua d'ailleurs pas, lors de son discours inaugural, de lancer, en présence du Préfet Paul Demange, une pique à ceux qui s'opposèrent à cette réalisation et qui, selon lui, défendaient une position quelque peu primaire qu'il n'hésita pas à qualifier de " Rebenhacken-Ansicht" ! Autrement dit, Paul Degermann estimait qu'il y avait autre chose, dans la vie, que la culture de son lopin de vigne… Le nouveau terrain de sport, avec ses installations annexes telles que vestiaires et douches, répondait alors à une aspiration de la jeunesse de l'époque et avait lourdement fait défaut depuis de nombreuses années. Cet équipement, qui, par la suite, fut appelé "stade Paul Degermann", allait servir près de quarante ans durant, avant d'être transformé en espace sportif destiné à la population scolaire, suite à la construction d'un nouveau stade dans le quartier du Muckenthal.

Le 18 mars 1956, la synagogue de la rue des lièvres fut officiellement inaugurée, après avoir fait l'objet d'importants travaux de transformation. Le bâtiment avait beaucoup souffert et fut totalement pillé durant l'occupation. De surcroît, un obus d'artillerie y causa d'importants dégâts, pendant les combats de la Libération.

Les vestiaires du stade Paul DEGERMANN

La plateau de basket

La construction d'une nouvelle école maternelle démarra en 1956. Située rue de la Binn, elle comprend cinq classes et une salle de jeu. Le coût de ce projet s'éleva à 36 000 000frs.

 

Cette réalisation permit de regrouper l'ensemble des classes maternelles jusque là réparties à différents endroits et notamment dans des locaux dépourvus d'installations sanitaires convenables.

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L'école maternelle de la rue de la Binn

D'une manière plus générale, l'amélioration de l'habitat et la recherche d'une réponse à la pénurie de logement était, en ces années d'après-guerre, une préoccupation constante, tant de la Ville que des particuliers. Les terrains de construction étaient alors rares à Barr, et ce n'est qu'à partir de 1950 que la cadence de construction de nouvelles maisons individuelles commença à s'accentuer. Fin 1958, l’on ne dénombrait pas moins de 94 nouvelles constructions individuelles réalisées. Une nouvelle quarantaine se rajouta entre 1958 et 1962. A partir de 1954, la Ville octroyait une prime à la construction d'une valeur identique à celle allouée par le Département. Cette aide à la construction fut maintenue par le Conseil municipal jusqu'en 1959, pour être remplacée par une subvention en faveur de la rénovation des façades de style régional. L'évolution de l'habitat individuel a été possible grâce à la création de lotissements tels que celui du "Lerchenberg", en bordure de la route de Sélestat. Enfin, dès 1956, avec le concours de l'office d'habitations à loyer modéré du Bas-Rhin, les bâtiments collectifs de l'avenue des Vosges furent planifiés, puis construits. En 1963, deux immeubles totalisant 40 logements étaient habitables.

Le 8 mars 1959, ont lieu les élections des conseillers municipaux. Cette fois-ci, les électeurs ont le choix entre deux listes : la première, sous l'appellation "liste d'entente pour la défense des intérêts économiques et sociaux de la Ville de Barr", conduite par le maire sortant Paul Degermann, la seconde, dénommée "liste d'union pour le renouveau communal", menée par Jean-Jacques Rauch. Malgré cela, les élections se concluent, dès le premier tour de scrutin, par un échec cinglant pour la liste conduite par Jean-Jacques Rauch qui, il faut le dire, n'a pas mené une campagne très offensive. Sur 23 candidats présentés par Paul Degermann, 19 furent élus. La liste concurrente n'obtint que 4 postes. Paul Degermann venait, en plus, de conforter sa position personnelle, obtenant le plus grand nombre de voix avec 1482 suffrages. Le 16 mars, Paul Degermann fut réélu maire. Le Dr Joseph Adloff conserva son poste de premier adjoint, alors que Louis Klipfel accéda à celui de second adjoint.

On peut objectivement s'interroger sur la stratégie du maire sortant, jusqu'à se demander si la liste d'opposition n'était pas, finalement, née sous sa propre impulsion ! Dans une séance extraordinaire du 28 avril 1959, le Conseil décida de créer un troisième poste d'adjoint qui fut confié à Jean-Jacques Bossert, colistier de Jean-Jacques Rauch… Le nouveau Conseil se composait désormais comme suit : Paul Degermann, Louis Hering, Dr Joseph Adloff, Jean Alfred Haas, Alfred Fritsch, Jacques Meckert, Jean-Jacques Bossert, André Heintz, Henri Brumpt, Robert Degermann, Dr Jean Bossert, Dr Yvan Muller, Dr Emile Wagner, Alfred Sattler, Charles Lantz, Louis Vogel, Georges Offner, Willy Barthelmebs, Emile Gander, Jules Friederich, Jean-Jacques Rauch, Louis Klipfel et Charles Hubach, l'énumération étant fonction du nombre de voix obtenues.

Pour Paul Degermann, ce nouveau mandat s'annonçait visiblement sous les meilleurs auspices.  Le rayonnement de sa personnalité était alors tel qu'aucune opposition locale n'était en mesure de se structurer et d'influer sur une politique qui, plus que jamais, s'inscrivait dans la continuité de la démarche engagée au lendemain de la guerre.

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La mairie reconstruite sous P. DEGERMANN
salle du conseil (actuel bureau du maire)

La mairie reconstruite sous P. DEGERMANN
hall de réception

Le 27 décembre 1961, Paul Degermann succomba à une crise cardiaque. Le 29 décembre, il fut porté à sa dernière demeure. De la cérémonie proprement dite, le Journal de Barr du 6 janvier écrivit, entre autres : " Ce fut un enterrement que Barr n'avait jamais vu encore, une énorme manifestation de sympathie douloureuse envers la famille de ce grand disparu dont la mémoire restera éternellement liée au nom de la petite Ville de Barr, dont il fut de son vivant le plus grand serviteur."  De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à ces obsèques, dont Pierre Pflimlin, maire de Strasbourg et M. Bernard, secrétaire général de la Préfecture représentant le Préfet du Bas-Rhin, et l'on ne compta pas moins de 28 discours et hommages prononcés devant la dépouille mortelle. Plusieurs jours durant, les Barrois se recueillirent sur la tombe de leur ancien maire, recouverte d'une montagne de fleurs. Barr venait de perdre le premier des siens, un homme d'une grande popularité. Ainsi s'achevait ce que Louis Klipfel, premier adjoint, dans son discours funèbre, appela "l'ère Paul Degermann". Celle-ci avait en effet commencé dès 1929, lorsque celui-ci entra au Conseil municipal pour accéder, en 1935, à la fonction de maire, avant d'être écarté par les Allemands, en 1940. 

Les principales réalisations à mettre à l'actif de Paul Degermann peuvent être résumées ainsi, si l'on en croit à la liste publiée par son fidèle secrétaire général Emile Rieb :

  • captage de nouvelles sources, dès 1935, pour l'amélioration de l'adduction d'eau

  • création, en 1960 et 1961, d'une station de pompage améliorant l'adduction d'eau

  • réalisation de l'assainissement général de Barr et d'une station d'épuration

  • modernisation de l'éclairage public

  • construction d'un stade municipal

  • construction d'une nouvelle école maternelle

  • aménagement d'un internat pour garçons à l'ancien hôtel Buhl

  • transformation d'une ancienne usine désaffectée en logements et construction d'un immeuble collectif d'habitation ainsi que réalisation du lotissement Lerchenberg

  • importants travaux de voirie et d'aménagement de places publiques

  • agrandissement et modernisation de l'hôpital

  • travaux d'aménagement et de modernisation de la caisse d'épargne

  • construction d'un bâtiment de service pour l'inspection des eaux et forêts

  • remise à neuf de toutes les maisons forestières

  • construction d'une nouvelle route forestière de 6,5 km

  • création des cours professionnels

  • création de l'école de musique

  • création de la maison des jeunes et de la culture

  • création du syndicat intercommunal du canton de Barr à attributions multiples (notamment pour l'exploitation en commun d'un parc de voirie et la construction d'une école de viticulture…)

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Emile RIEB - secrétaire général

L'homme très influent aux côtés des maires DEGERMANN et KLIPFEL

L'ère Louis KLIPFEL (1961-1971)

Le 28 janvier 1962 eurent lieu des élections complémentaires. Les trois candidats proposés par le Conseil furent Claude Degermann, fils de l'ancien maire, le Dr Marcel Krieg et Jean Hutt. Par ailleurs, 16 autres candidats avaient tenu à se présenter, sur par moins de…11 listes ! Au premier tour de scrutin, le Dr Marcel Krieg et Claude Degermann furent élus avec respectivement 961 et 933 voix, sur 1855 suffrages exprimés. La participation fut importante et se situait autour des 70%. Jean Hutt n'ayant pas obtenu la majorité absolue, fut néanmoins élu au second tour avec 750 voix, devant Ernest Diebold (liste dite des "spectateurs du Conseil municipal…") et Barthélémy Sonzogny (liste du renouveau communal). Désormais le Conseil était à nouveau au complet, mais le nombre de listes en présence témoignait d'un changement profond dans l'attitude des Barrois quant à leurs élections locales. L'ère Paul Degermann était bel et bien finie.

Le 7 février 1962, le Conseil municipal désigna Louis Klipfel comme nouveau maire de la Ville de Barr. La séance fut présidée par le doyen du Conseil, Alfred Fritsch qui, après avoir eu une pieuse pensée pour celui qui devait être remplacé, appela ses collègues à choisir le plus capable d'assumer cette lourde tâche.  Louis Klipfel fut élu au premier tour avec 17 voix, contre 4 à Jean-Jacques Rauch, 1 à J.A. Haas et 1 au Dr Marcel Krieg. Jean-Jacques Bossert fut élu au poste de premier adjoint et Jean-Jacques Rauch à celui de second adjoint.

Issu d'une famille de vignerons, Louis Klipfel est né à Barr le 19 novembre 1903, comme fils d'Emile Klipfel, restaurateur et viticulteur. Après ses études à l'ancien collège Schuré de Barr, il entra dans la vie active, auprès de son père. Après son service militaire, en 1925, il adhéra au syndicat des viticulteurs de Barr pour être élu, en 1954, à la présidence de l'association des viticulteurs d'Alsace. Au moment de prendre ses fonctions de maire, Louis Klipfel est à la tête d'une entreprise vitivinicole florissante, la plus importante à Barr.

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Louis KLIPFEL et ses adjoints J-J BOSSERT et
J-J RAUCH

Le musée de la Folie Marco fut ouvert le 30 juin 1963. L'immeuble et ses annexes, datant de la moitié du XVIIIème siècle, avait été acheté, en 1922, à la famille Trawitz, par les frères Henri et Gustave Schwartz. Par dispositions testamentaires, ces deux frères léguèrent l'immeuble à la Ville de Barr pour en faire un musée. Lorsqu'ils disparurent, en 1960, la Ville de Barr, devenue propriétaire des lieux, dut se conformer à la volonté des légataires. Louis Klipfel avait délégué le conseiller municipal Dr Marcel Krieg à la question du musée. C'est suite au soutien de M. Hans Haug, directeur des musées de Strasbourg, que l'ouverture au public put se faire rapidement. Le Conseil municipal mit en place une commission du Musée chargée des aspects matériels de l'immeuble et des investissements. Par ailleurs, un comité de surveillance, présidé par le maire, devait surveiller l'exécution du testament des frères Schwartz. Enfin, un comité de gestion, formé par M.M. Haug, Moeder et Rieb assurait le fonctionnement de l'établissement. Lors de la petite cérémonie d'ouverture le Dr Marcel Krieg qui, jadis, fut le médecin traitant et ami des frères Schwartz, fit visiter les lieux aux invités, après le discours de circonstance prononcé par le maire Louis Klipfel. Une gerbe fut déposée, à l'issue de la cérémonie, sur la tombe des légataires.

L'inauguration officielle ne se déroula que l'année suivante, le 28 juin 1964, sous la présidence de Pierre Pflimlin, ancien Président du conseil et maire de Strasbourg, en présence du sous-préfet Belin de Sélestat. Désormais, Barr avait son musée !

Inauguration du Musée de la Folie-Marco

le 30 juin 1963. De gauche à droite : Sénateur KIEFFER, Sous-Préfet et Mme BELIN, Hans HAUG et Pierre PFLIMLIN

Le 20 mars 1962, le Conseil municipal adopta le projet de construction, à Barr, d'une école de viticulture. Cette idée provenant d'Alfred Kieffer, alors conseiller général et maire d'Eichhoffen, devait, dans un premier temps, être portée par le syndicat intercommunal du canton de Barr. Des obstacles divers n'ayant pas permis de développer ce projet sur un plan intercommunal, la Ville décida de le mener seul. La perspective de réaliser, sur un même site, un foyer dit "de Progrès Agricole" renforça les élus dans leur décision. Le projet fut confié à l'architecte barrois Karl, mais…, ne vit jamais le jour !

Les élections municipales du 14 mars 1965 mirent trois listes en concurrence. Louis Klipfel avait décidé de mener deux d'entre elles, celle de l'union du Conseil municipal sortant ainsi que la liste pour le renouveau communal, alors que la liste de rénovation communale, conduite par Martin Fleischmann était la seule à proposer une véritable alternative aux Barrois. Le climat de la campagne fut tendu, en tous cas plus que d'habitude. Sur un tract électoral, le maire sortant appelle les électeurs de Barr en ces termes : "Ne vous laissez pas tromper par une phraséologie électorale dépourvue de tout sens pratique et n'ayant pour seul but que cet autre principe : ôte-toi de là que je m'y mette." Au premier tour de scrutin, 15 candidats furent élus, tous issus de la liste du conseil sortant. Au second tour, 8 candidats de la liste de rénovation communale furent élus : Martin Fleischmann, Dr. François Eissen, Martin Werner, Raymond Souville, Gaston Mutzig, Jean Lehner, André Werli et Claude Amé.

Les élections de la municipalité qui eurent lieu fin mars, permirent à Louis Klipfel de retrouver son siège de maire. Jean-Jacques Bossert et Jean-Jacques Rauch furent nommés adjoints. A l'occasion de l'élection du maire, Martin Fleischmann prit la parole pour féliciter Louis Klipfel pour sa réélection et l'assurer que son groupe le soutiendra à chaque fois que la décision ira dans l'intérêt des Barrois. Mais la trêve ne dura pas.

de droite à gauche : Louis HERING, J-J RAUCH, Louis KLIPFEL, Alfred KIEFFER (sénateur), J-J BOSSERT et BELIN (sous-préfet)

Le 22 septembre 1965, le groupe rénovation communale décide de s'abstenir dans le vote du compte administratif. Le porte-parole du groupe est alors Jean Lehner. Son groupe pense, en effet que "la Ville de Barr vit au-dessus de ses moyens et utilise l'argent des investissements pour payer les dépenses courantes. Comme si l'on utilisait l'argent destiné à construire une maison pour payer le loyer de celle que l'on veut quitter." L'explication publique de vote du groupe rénovation communale conclue comme suit : "On comprendra, dans ces conditions que, sans mettre en cause la probité de quiconque, l'on puisse parler de gestion financière malsaine, car qui pourra prétendre que celui qui dépense plus que ce qu'il gagne gère sainement ses finances ?" Cette position fera l'objet de prises de positions publiques dans les rubriques du Journal de Barr où, plusieurs semaines durant, les uns répondront aux arguments des autres. Le maire lui-même s'exprimera sur une page entière et conclura par ces propos : "En résumé, je suis de l'avis que l'homme moyen et surtout le contribuable, s'intéresse plutôt au résultat final du compte administratif…,…qu'aux débats stériles ayant trait à des jeux d'écriture ou de gymnastique comptable, car ce qui compte en la matière, c'est la réalisation de projets et de travaux utiles et nécessaires et c'est là que nous avons toujours fait triompher l'intérêt général…" Désormais, il fallait compter sur une opposition déterminée au sein du Conseil barrois !

Au second tour des élections présidentielles du 19 décembre 1965, les Barrois voteront massivement pour le Général de Gaulle qui obtiendra 1757 vois contre 467 pour François Mitterand. Cette fidélité au Général se confirmera lors du référendum de 1969, où plus de 66% des votants opterons pour le OUI. Les élections présidentielles qui suivront le départ du Général de Gaulle, en juin 1969, donneront à Georges Pompidou 1148 voix barroises sur 2030 votants. Aux élections législatives du 23 juin 1968, Albert Ehm (U.D.R.), élu, obtiendra 1385 voix barroises, contre 383 pour Georges Klein (PDM), 166 pour Etienne Werle (Communiste) et 135 pour René Carl.

En 1967 et 1968, les statistiques démographiques font apparaître 223 et 215 naissances sur le territoire de la commune et en particulier à la maternité de l'hôpital civil. Rapportés à la seule Ville de Barr, ce sont respectivement 59 et 64 enfants qui sont nés, auxquels il y a lieu de rajouter des naissances d'enfants de couples installés à Barr mais nés à l'extérieur, au nombre de 11 pour 1967 et de 9 en 1968. Par ailleurs, 61 Barrois décèderont en 1967 et 70 en 1968. Le rapport reste donc positif. Cette tendance est confirmée en 1970, où 70 petits Barrois naissent, alors que 57 de leurs aînés disparaissent. Cette année là, la maternité enregistre encore 207 naissances, contre 262 en 1962.

En matière de population, Barr est passé de 4430 habitants en 1946 à 4459 en 1968.

En 1970 se concrétisa le jumelage entre Barr et la ville bretonne de Perros-Guirec. Les raisons de ce mariage furent, dans un premier temps, d’ordre touristique. Perros-Guirec, capitale de la Côte de Granit Rose, est une charmante station balnéaire située à proximité de Lannion. Avec une population de 7000 habitants, Perros-Guirec disposait, en 1970, de 65 hôtels, restaurants et pensions de famille, avec une capacité totale de 1500 chambres. La station était particulièrement connue pour ses trois plages : Trestraou, Trestignel et Saint-Guirec. En période estivale, la population se voyait doublée, voire triplée. Le 18 avril 1970, le maire Louis Klipfel accueillit la délégation bretonne conduite par M. Yves Paranthoen, maire de Perros-Guirec et M. René Martin, Président du syndicat d’initiative.  Une promenade à travers la ville et son vignoble permit aux amis bretons de découvrir Barr. Après avoir visité la cave du maire et dégusté quelques crus locaux, les représentants des villes jumelées se rendirent, musique municipale en tête, à l’Hôtel de la Couronne où fut servi le banquet officiel de jumelage. Un menu de circonstance fut concocté par un chef breton : fruits de mer de la Côte d’Armor, langoustes des Sept Iles en Bellevue, homard grillé, fonds d’artichauts à la Trégorerie, le tout suivi de crèpes bretonnes flambées au Kirsch. En soirée, après une promenade digestive et une visite du musée de la Folie Marco, ce fut le tour des spécialités aslaciennes où tarte flambée rivalisa avec Munster. La seule constante de la journée, chacun l’aura compris, fut le vin de Barr !

Ainsi se concrétisa le jumelage entre Barr et Perros-Guirec. Pendant de longues années et jusqu’à nos jours, d’inombrables contacts se nouèrent entre les deux villes. Et ce mariage de raison finit aussi par générer un mariage d’amour, au moins pour un petit Barrois qui, grâce à cette initiative, trouva sa Bretonne pour la vie… !

Louis KLIPFEL et Yves PARANTHOEN, maire de PERROS-GUIREC, en 1970

Les deux mandats de l'équipe Louis Klipfel ne marqueront probablement pas l'histoire. Les années 60, caractérisées par une conjoncture économique florissante ne profiteront pas ou très peu à Barr qui stagnera sur ses positions, malgré quelques trop rares entreprises locales qui, a l’instar de la société ESTRA embaucheront plusieurs dizaines de personnes en 1963, offrant ainsi d’intéressantes perspectives à la main d’œuvre locale. La proche ville d'Obernai connaîtra, à la même époque, une belle expansion démographique, en raison de l'essor de son bassin d'emploi, conséquence d'une politique locale plus expansive. Le marché de l'emploi obligera plus d'un Barrois à trouver un emploi à l'extérieur. Beaucoup d'entre eux travaillent alors à Obernai. Curieusement, malgré cela, les années 60 seront aussi, pour Barr, celles de l'appel à la main-d'œuvre étrangère, en particulier pour les travaux de viticulture. Mais n'oublions pas que nous vivons, à ce moment-là, une époque de plein emploi. Sur demande des Vins d'Alsace Klipfel, des familles turques s'installent à Barr et constituent ainsi la première vague d'une immigration qui s'étendra sur plusieurs décennies. 114 Turques seront ainsi recensés dès 1970 et formeront, sur 185 étrangers résidant à Barr à ce moment là, la plus forte communauté étrangère.

Louis Klipfel décèdera le 17 février 1983.

Louis KLIPFEL lors de la remise du Labkueche

dans les années 1960

En 1971, Barr n'offre plus que 470 emplois secondaires et près de 500 personnes partent chaque jour travailler à l'extérieur. C'est sur le thème de l'emploi et de la politique sociale que s'ouvrira la campagne pour les élections municipales.

Au sein de l'équipe sortante, les discutions s'ouvrent rapidement sur la désignation d'un chef capable de rassembler et possèdant les qualités d'un futur maire. Louis Klipfel, alors âgé de 68 ans a la velléité de se représenter. Le Dr Krieg menace alors de constituer une liste dissidente. Le maire sortant finit par se résigner et laisse à Marcel Krieg la place de leader d'une équipe comprenant 18 candidats en lice lors des élections de 1965, dont 14 avaient siégé au conseil sortant. Louis Klipfel se retire ainsi de la vie publique, évitant probablement un revers électoral. Deux autres listes se déclarent, l'une conduite par Jean-Jacques Rauch (liste de renouveau social et communal) et qui comporte 8 candidats de sa liste aux élections précédentes, dont 4 avaient siégé au sein du conseil sortant. La seconde liste est appelée liste d'expansion et de promotion communales. Elle ne comporte que des candidats jusque là jamais élus.

La veille du scrutin, le 13 mars 1971, Emile Rieb, secrétaire général de la Ville et fidèle des maires Degermann et Klipfel, commente, dans une rubrique de la presse locale, une réunion électorale tenue par le Dr Marcel Krieg et les candidats de la liste "d'union et d'action municipale". Le fonctionnaire, après avoir déjà réagi publiquement à un tracte communiste la semaine précédente, sort, une nouvelle fois, de sa réserve. On sait combien, en de telles circonstances, sa plume est éloquente ! Il s'étonne d'entrée des propos tenus par Marcel Krieg pour qui le programme proposé devrait enfin permettre à Barr de sortir du marasme dans lequel la commune se trouve… Emile Rieb se sent personnellement attaqué. "On peut se demander, écrit-il dans un supplément du Journal de Barr, comment 14 membres du Conseil municipal sortant ont pu vivre dans ce marasme pendant 6 ans, certains pendant 10 ou même plus, sans réagir plutôt d'une façon plus énergique voire plus concrète". Le secrétaire général revient avec énergie sur les difficultés rencontrées par les différents maires, face à l'ampleur des tâches rencontrées au lendemain de la guerre. Il se sent obligé de réhabiliter la gestion communale passée, finalement la sienne, en énumérant les principales actions menées afin, dit-il, de "rafraîchir la mémoire de ceux qui ne voudront peut-être plus se souvenir ou ceux qui n'étaient pas encore à Barr ou en étaient absents pendant toute cette période".  A travers ces mots, Emile Rieb semble vouloir jouer son ultime atout. Il conclue son bilan en ces termes : "Il n'y a pas de plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Mais ces quelques exemples devraient suffire pour pouvoir poser la question en toute franchise si on peut appeler cela du marasme." L'intervention d'Emile Rieb, dont il n'est pas exclu qu'elle trouva, en partie, son inspiration dans l'amertume du maire sortant, n'aura, en définitif, que très peu d'influence sur les électeurs. Il n'existe, en effet, pas de réelle alternative à la personnalité du Dr Krieg. L'ancien homme fort de la mairie, dont d'aucuns prétendent qu'il tenait, de nombreuses années durant, un rôle bien plus important que celui qui lui était normalement dévolu à la tête de l'administration municipale, a choisi de frapper son dernier coup. Il quittera ses fonctions quelques mois plus tard. Une nouvelle page se tourne alors à Barr…

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Emile RIEB lors d'un tournage à Barr, en 1961. Il mènera son dernier combat politique lors des élections de 1971, mais restera en bons termes avec le successeur de Louis KLIPFEL.

Le début de l'ère Marcel KRIEG (1971-1989)

Le 14 mars 1971, l'équipe conduite par le Dr Krieg, constituée sur la base d'un programme orienté vers les trois objectifs majeurs que sont le logement, l'emploi et le tourisme, obtient des résultats très favorables. La stratégie de Marcel Krieg, entre autres la présence sur sa liste du communiste Barthélémy Sonzogni, venait de porter ses fruits. 20 candidats sont élus dès le premier tour. Il s'agit de Martin Werner 1550 voix, Martin Fleischmann 1498 voix, Gaston Mutzig 1423 voix, Alfred Dietz 1389 voix, Dr Jean Bossert 1370 voix, Jean Hutt 1366 voix, Ernest Leininger 1344 voix, Dr Emile Wagner 1301 voix, Dr Marcel Krieg 1291 voix, Henri Brumpt 1284 voix, Jean Lehner 1270 voix, Claude Amé 1231 voix, Barthélémy Sonzogni 1227 voix, Jules Friederich 1218 voix, Jean Bossert 1180 voix, Marie-Anne Hickel 1168 voix, Dr François  Eissen 1145 voix, André Werli 1136 voix, Albert Fuchs 1125 voix et Jean-Pierre Friedrich 1079 voix. Eric Hamborg, Alfred Schwob et René Brandner se représenteront au second tour, mais n'obtiendront pas les voix suffisantes pour être élus.

Au second tour de scrutin, le 21 mars 1971, les trois élus qui complèteront désormais le Conseil municipal seront tous issus de la liste de Jean-Jacques Rauch, à savoir Robert Liebau 1176 voix, André Jacob 1166 voix et Paul Schmittheisler 1163 voix.

Le contexte et les résultats de ces élections municipales de 1971 où le Dr Krieg sera élu maire de BARR, marquent un tournant indiscutable dans la politique barroise et annoncent une rupture avec une certaine idée de la gestion des affaires publiques qui dominait depuis la Libération.

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Le Dr Marcel KRIEG, maire de 1971 à 1989

Sources : Journal de Barr (archives de la bibliothèque universitaire de Strasbourg) 

Fonds d'images collection privée : fond J-P VESPER (L'Alsace), fonds Mme Paul DEGERMANN, Dr Marcel KRIEG, Jean-Pierre SCHMITTHEISLER - Vidéo Philippe SCHULTZ 1994. 

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