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Quelques destins de "Malgré-Nous" de Barr

Dans l'impossibilité de retracer le parcours de chacun d'entre eux, nous nous efforçons de publier certains destins particuliers, dès lors que nous disposons d'informations. Nous encourageons celles et ceux qui détiennent des documents, photos, lettres etc. à nous contacter, afin de créer une page dédiée à leur parent incorporé de force.   

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Cette rubrique évoluera en fonction de la participation de nos lecteurs. Des pages complémentaires sont d'ores et déjà en cours de création.

 

Merci d'avance de votre contribution !

Eugène STOEFFLER (1912 – 1988)

Par Christian SCHMITTHEISLER

et Jean-Georges STOEFFLER

Eugène Stoeffler est né le 14 septembre 1912, au foyer d’Edouard Stoeffler et Justine HARTONG, 59 rue Neuve à Barr. Après sa scolarité, Eugène apprend le métier d’ouvrier tanneur qu’il exerce durant toute sa carrière.

En 1933, il est appelé sous les drapeaux et effectue son service militaire au 170e RI à Epinal. Libéré de ses obligations militaires le 6 octobre 1934, il est rappelé en tant que réserviste en septembre 1938 lors de la crise des Sudètes. 

La guerre semble imminente, mais le 29 septembre 1938 à Munich, se tient une conférence internationale réunissant les principaux chefs de gouvernement européens (Hitler, Mussolini, Daladier et Chamberlain) afin de sauvegarder la paix et de résoudre le conflit germano-tchèque : l'Allemagne obtient tous les territoires revendiqués et dès le 1er octobre 1938, la Wehrmacht occupe ce territoire dont une majeure partie de la population est germanophone. 
Dès le 28 août 1939, Eugène est à nouveau mobilisé et affecté au 22e Régiment d’Infanterie de Forteresse dans le secteur de Schoenenbourg où il restera jusqu’à l’invasion de la France en mai 1940. Son régiment est fait prisonnier le 17 juin 1940.

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Libéré le 2 juillet 1940 comme la plupart des Alsaciens-Lorrains, il peut réintégrer la tannerie Haas jusqu’à son incorporation de force le 9 octobre 1944.


Il est affecté au Grenadier Ersatz und Ausbildungs Btl. 179 à Traunstein en Haute-Bavière entre Munich en Allemagne et Salzbourg en Autriche.

 

Après sa période d’instruction, il est muté en janvier 1945 à la 1. Marsch Kompannie / Gren. Ers. Btl 17 en Prusse orientale, puis le Feld Ers. Btl 28 en Pologne et enfin le Jäger Rgt 83 près de Braunschweig.


Le 1er mars 1945, Eugène est blessé par éclat d’obus et hospitalisé au Reserve Lazarett à Friedrichsbrunn (Hartz) Allemagne du jusqu’au 12/03/1945. Une permission pour convalescence lui est accordée du 13 au 21/03/1945 à Güntersberge.


Début avril 1945, lors d’un repli, il reste isolé avec 2 camarades dont un Polonais et un nommé Joseph NADE de Metz.

 

Ils se cachent auprès des habitants dans un village où ils attendent l’arrivée des troupes US. Une fois le village pris et le calme revenu, ils se rendent aux américains le 12 avril 1945 après avoir jeté leurs armes dans une petite rivière.


Après une longue marche, ils sont rassemblés dans une grange avec d’autres prisonniers de guerre près de Rheinfeden où ils sont retenus. Eugène Stoeffler est rapidement rapatrié et démobilisé par le centre de Chalon-sur-Saône le 25 juin 1945

Eugène STOEFFLER au service militaire en 1933 

au 1er rang, 3e position en partant de la gauche

Eugène STOEFFLER en gare de Strasbourg en 1939

Raymond ARNOLD (1923-2009)

Par Christian SCHMITTHEISLER

et Guy ARNOLD

Raymond ARNOLD est né le 7 décembre 1923 à Barr. 
Il est le fils d’Alfred ARNOLD et Mathilde DRECH qui demeurent 2 rue de l’Île à Barr.

Son dossier indique qu’il a été affecté au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire), mais il n’a pas eu à intégrer le RAD.


Le 25 août 1943, il est incorporé de force dans la Kriegsmarine à la 11. Ersatz Marine Artillerie Abteilung à Deutsch-Eylau (Iława en Pologne) d’où il est muté le 1er septembre 1943 dans la même unité à Löbau en Saxe.


Le 10 décembre 1943, il est affecté à la 5. Marine Ersatz Abteilung Westerland sur l’île de Sylt au large du Danemark en mer du Nord.

 

Le 21 février 1944, il est muté à la Hafenschützflotille à Narvik en Norvège avant de rejoindre la 63. Vorpostenflotille, flottille de protection du port de Narvik où il restera jusqu’à la fin des hostilités.


Fait prisonnier par l’armée norvégienne, il est interné au camp de Trondheim en Norvège, puis Rimbo en Suède avant d’être rapatrié au centre de regroupement de Chalon-sur-Saône le 6 août 1945 pour être démobilisé le 10 août 1945 après 716 jours d’incorporation forcée sous l’uniforme allemand.

En 1950, Raymond épouse Martina Schrodi d’Huttenheim. Après l’école primaire au village, elle a été sollicitée comme aide à l’école maternelle. Elle a ensuite, comme elle dit, « appris un métier à la clinique Sainte-Odile de Strasbourg ».

Enrôlée pour le RAD à l’âge de 19 ans, elle a dû aller à Eilenburg, en Allemagne pour travailler dans une ferme. De retour après la guerre, elle a repris son travail à la clinique Sainte-Odile et rencontré Raymond Arnold.

Raymond a été un membre actif du corps des sapeurs pompiers et a travaillé comme technicien au Gaz de Barr.

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Raymond ARNOLD à Oslo en mai 1944

Pierre PERRIN (1923-1990)
Alfred PERRIN (1924-1944)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Louis PERRIN (maçon) et Marguerite STOEFFLER ont sept enfants dont Pierre né le 30 juin 1923 et Alfred né le 8 août 1924 à Barr.

Pierre PERRIN est affecté au Reichsarbeitsdienst début 1943 à Breisgau (Fribourg-en-Brisgau) dans le pays de Bade où il va être convoqué au conseil de révision.
Incorporé le 25 août 1943, tout juste un an après la promulgation de l’incorporation des Alsaciens, il intègre la Kriegsmarine à Eylau (Bagrationovsk) en Prusse Orientale pour y suivre son instruction militaire.
A partir du 26 novembre 1943 il rejoint la Flak dans un bataillon de défense anti-aérienne de la marine et après plusieurs affectations successives, son parcours le mène fin 1944 sur la tête de pont de Memel (Lituanie) encerclée par l’armée rouge. Au cours du siège, le 9 décembre 1944, il est grièvement blessé à la jambe droite par des éclats de mines.
Transporté au Hauptverbandsplatz 2/158 de Memel, son état nécessite une amputation de la jambe droite, avant d’être transféré pour convalescence au Reserve Lazarett de Koenigsberg (Kaliningrad), puis un second transfert à Meerane en Saxe.
Libéré par les alliés le 15 mai 1945, il est rapatrié par air à l’hôpital Bichat à Paris où il est démobilisé le 8 juin 1945. L’évolution de sa blessure étant défavorable, il est réopéré et ré-amputé au tiers moyen de la cuisse droite aux hospices civils de Strasbourg avant de poursuivre sa convalescence à Kehl.
De retour à Barr, Pierre a la douleur d’apprendre la disparition de son frère cadet Alfred PERRIN née en 1924 et dont la trace a été perdue en août 1944. 

Pierre PERRIN, en uniforme de la Kriegsmarine, grièvement blessé en décembre 1944.

Alfred PERRIN a été incorporé le 19 octobre 1942 dans un régiment d’infanterie à Erlangen (Bavière) puis affecté à un bataillon de grenadiers motorisés. A partir d’octobre 1943, il rejoint un bataillon de Panzer-grenadier. Son parcours indique encore qu’il a été hospitalisé à Regensburg en janvier 1944.
Après cette date, les autorités allemandes ont perdu toute trace d’Alfred PERRIN.
La dernière information connue à son sujet est son secteur postal de correspondance. Comme pour plus de 6500 malgré-nous, son portrait et un avis de recherche ont été publiés dans le recueil photographique des disparus du Bas-Rhin victimes de la conscription allemande, édité en 1948 à l’initiative de l’ADEIF et avec le soutien du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Sa mort a été fixée au 31.12.1944 au camp de Magnitogorsk où il aurait été encore vu vivant en décembre 44 (il a été reconnu d’après photo).

Il a été reconnu «mobilisé sous la contrainte» et déclaré «mort pour la France».

Alfred PERRIN, disparu à l'âge de 20 ans.

Après la guerre, Pierre PERRIN, malgré son lourd handicap, a exercé le métier de tailleur et exploité une boutique de confection et d’habillement au 3 de la rue des Boulangers, avant d’installer son commerce au N° 21 de la Grand’rue en 1962. 

Guy SCHWEITZER (1925-1993)

Par Marc SCHWEITZER

et Christian SCHMITTHEISLER

Guy SCHWEITZER est né le 10/02/1925 à Strasbourg. 
Il est le fils de Frédéric Schweitzer de Strasbourg et de Marthe Nebinger de Heiligenstein, et le petit neveu de l'illustre Albert SCHWEITZER, prix Nobel de la paix en 1952.
Le couple est installé à Strasbourg, mais le 26 juillet 1932, Frédéric Schweitzer décède des suites d’un terrible accident de la route survenu deux jours plutôt entre Entzheim et Innenheim. Sa veuve, grièvement blessée dans l’accident, décide alors de se rapprocher de sa famille et de s’établir à Barr. En 1940, la famille demeure au 40 de la rue du Dr Sultzer à Barr.

Pendant son séjour à Barr, Guy qui a intégré le Collège, se livre à une facétie de mauvais goût aux yeux de l’occupant : lors du 14 juillet 40, avec quelques camarades, ils ramassent des escargots, en peignent les coquilles en bleu-blanc-rouge, et les lâchent place de la mairie… !
La plaisanterie n’est pas appréciée et le jeune Schweitzer qui a été découvert ou dénoncé, doit en répondre et passer une nuit en cellule à la gendarmerie de Barr.
Les autorités allemandes le prénomment Hans (son 2e prénom est Jean) et l’incorporent au RAD à compter du 9 juin 1943 à Mertzig dans la Sarre où il reste jusqu’au 11 septembre 1943.

Incorporé de force le 30 septembre 1943 à Kaufbeuren en Bavière au Flieger-Regiment 92 sous le matricule 154-8.Kp/Fl. R. 92, il est successivement muté à Fürth, puis à Nuremberg et enfin à l’aérodrome de Graz-Thalerhof (Autriche) où il est affecté à la défense aérienne (Flugschutzeinsatz) jusqu’au 28 août 1944.
Muté dans la région de Berlin par décision disciplinaire, il est affecté au 6e Falschirmjäger Regiment von der Heydte en cours de reconstitution suite aux lourdes pertes subies en Normandie lors des combats dans la poche de Falaise consécutifs au débarquement des alliés.
Le 10 septembre, il intègre le 1er bataillon du 6e régiment de parachutistes et participe en tant que caporal sanitaire aux opérations menées en Hollande à Herde du 24 au 27 septembre 1944, puis au sein de 3e bataillon, à Bergen op Zoom du 7 au 27 octobre 1944 contre les troupes anglo-canadiennes.

Le 24 novembre 1944, alors que son bataillon s’était retiré dans la région d’Aachen (Aix-la-Chapelle), Guy Schweitzer qui avait appris la libération de Strasbourg, use d’une fausse-permission établie par l’Oberfelwebel responsable du bureau des services sanitaires (un séminariste bavarois anti-nazi). Après de multiples détours et péripéties, il arrive à rejoindre Donaueschingen par le train le 25 novembre, mais lors d’un contrôle de la Feldgendarmerie, sa fausse permission est découverte et il est emprisonné dans une ancienne usine électrique près de Fribourg en Brisgau en attendant d’être traduit devant le conseil de guerre pour désertion.
Profitant d’un violent bombardement, il arrive à s’échapper, traverse le Rhin à la nage et arrive à rejoindre Barr dans la soirée du 28 novembre 1944, où il se rend aux troupes de la 14e division blindée US.
A son grand désarroi, au lieu d’être remis aux autorités françaises, il est expédié dans un camp de prisonniers à Marseille et transféré par la suite à Périgueux où il est libéré en janvier 1945. La période n’est pas propice à un retour pour Alsace toujours en proie à de violents combats, il doit encore attendre le mois de mars 1945 pour être rapatrié à Barr.

De retour à la vie civile, Guy Schweitzer entreprend des études et soutient sa thèse de médecine en 1952. Affecté au service de santé des troupes en Afrique Equatoriale Française, il réside à Lambaréné où il travaille à l’hôpital Albert Schweitzer aux côtés de son grand-oncle jusqu’en 1955.
La même année, de retour en Alsace, il se marie et s’installe à Rothau comme médecin généraliste où il exercera jusqu’en 1987.
Apprécié par la population, il s’investit dans la vie municipale et sera élu trois mandats consécutifs Maire de Rothau de 1971 à 1989, date à laquelle il doit renoncer à ses fonctions pour raison de santé.
Guy Schweitzer s’est éteint à l’âge de 68 ans le 11/07/1993 à Schirmeck.

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Frédéric, Jean et Pierre SCHNEIDER

Par Christian SCHMITTHEISLER

et Jean-Pierre SCHNEIDER

La famille SCHNEIDER a été particulièrement touchée par le second conflit mondial : Frédéric (Fritz) et Jean (Jängel) ont été incorporés de force dans la Wehrmacht. Leur jeune frère Pierre s’est engagé dans la 1ère Armée Française du général de Lattre de Tassigny, alors qu’il était âgé d’à peine 17 ans. 
Ils sont les 3 fils de Hugues SCHNEIDER, peintre, et Justine HALTER son épouse, demeurant 49 de la rue Neuve à Barr.

Frédéric SCHNEIDER (1922-1994)

Frédéric SCHNEIDER est né le 25 février 1922 à Barr. En 1940 exerce la profession de mécanicien aux « Ponts & Chaussées » à Strasbourg.
Il est appelé au RAD du 11 octobre 1941 au 2 avril 1942 à Nuremberg-Dutzendteich, l'ancien grand site de rassemblement du parti nazi qui comprenait la Kongresshalle (le Palais des Congrès), le Zeppelinfeld, le Stadion der Hitlerjugend (le stade des jeunesses hitlériennes), et bien d’autres installations de funeste mémoire.


Le 17 octobre 1942, il est incorporé de force dans la Wehrmacht et affecté à un régiment d’infanterie motorisée à Regensburg, avant de rejoindre un bataillon motorisé de grenadiers.
Finalement, en août 1943 il est affecté à la 4e compagnie d’une Panzer Division à Bamberg avant de rejoindre les ateliers de la 1. Kp/Panzer Regiment 35 où la Wehrmacht peut pleinement utiliser ses compétences de mécanicien.
C’est avec cette dernière unité qu’il participe aux combats sur de nombreux théâtres d’opérations d’abord en Russie dans le secteur de Briansk puis en Lettonie (1944). En janvier 45, il embarque à Libau (Lettonie) en direction de Copenhague et revient à Kiel en Allemagne où il s’évade début mai 45 pour rejoindre des éléments dispersés de l’armée française à Lübeck qui l’intègre immédiatement en qualité de chauffeur jusqu’à la fin des hostilités.
Au retour de la guerre, Fritz exerça le métier de contre-maître principal aux services techniques de la Ville de Barr. Avec son épouse Jeannette il était également concierge des bains municipaux. Enfin, il était bien connu pour son engagement sans faille au sein du corps des sapeurs pompiers de Barr.

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SCHNEIDER Frédéric

"Fritz"

Jean SCHNEIDER (1925-1989)

Jean SCHNEIDER est né le 3 janvier 1925 à Barr. A la déclaration de guerre il n’a même pas 15 ans, mais dès l’arrivée des Allemands en 1940, il manifeste des sentiments profondément français et hostiles à l’occupant. A ce titre, avec quelques camarades, Paul GELB, Auguste EISENECKER père et fils, et Georges KUBLER, ils écoutent clandestinement la «radio de la France Libre». Jean colporte les nouvelles de Londres auprès de ses nombreuses connaissances, surtout auprès de la jeunesse, entretenant ainsi l’espoir d’une victoire finale des couleurs de la France.
C’est par suite d’une dénonciation anonyme que le jeune Jean et ses comparses sont arrêtés 16 avril 1941 par les gendarmes accompagnés par 8 SS. Après un interrogatoire musclé par la Gestapo à Sélestat, Jean est incarcéré à la prison de la rue du Fil à Strasbourg où il séjourne jusqu’au 28 mai. De son propre aveu, il a échappé à une condamnation plus lourde en raison de son jeune âge, mais dès sa libération il s’adonne à nouveau à ses activités clandestines.


Le 15 février 1943 il est appelé au RAD et libéré de ce service dès le 1er mai 43.
Qualifié de «Politisches Unzuferlässig» (non fiable politiquement aux yeux du régime nazi), il est incorporé dans la Wehrmacht le 25 mai 1943 à Königsberg (Kaliningrad) en Prusse Orientale et envoyé au front russe dans le secteur de Baranovitchi dès le 8 juin.
Dirigé sur un régiment d’infanterie à Braunsberg (Braniewo, Pologne), puis muté dans un régiment de grenadiers, il est grièvement blessé par balle au poumon et au bras droits aux environs de Schirwindt (Kutuzovo, localité rurale du district de Krasnoznamensky de l'oblast de Kaliningrad, en Russie), évacué sur le poste de secours puis hospitalisé à Allenstein (Olsztyn, Pologne). Déclaré guéri le 9 décembre 1944, il est renvoyé au combat dans son unité. 
Son parcours ne s’arrête pas là !
Durant son hospitalisation il est à nouveau surpris à écouter la radio anglaise. Arrêté le 7 décembre par la Feldgendarmerie, il est incarcéré à la prison militaire de Koenigsberg.
Le 18 mars 1945, il réussit à s’évader de la prison («Stutthof-Danzig») et se cache parmi des prisonniers français dont il a endossé l’uniforme. Il suit ces prisonniers jusqu’à Pilau, mais un Feldgendarme le reconnaît et Jean est à nouveau arrêté le 18 avril 1945. Deux heures plus tard, il est traduit devant le tribunal militaire de Koenigsberg-Pilau sous l’inculpation de «démoralisation des troupes et sabotage» où son ancien chef de bataillon, le major VEISENBERG, prononce sa condamnation à mort.
Aussitôt après le jugement, un gardien le conduit vers son lieu d’exécution, tout en le maltraitant à coups de poings et de bottes. A bout de nerfs et excédé par les maltraitances, Jean se révolte et administre un coup de poing à son gardien qui se retrouve au sol. Il lui enlève son pistolet, l’abat, puis prend la fuite en direction des lignes russes qui le font prisonnier à 15 heures.
Au moment de se rendre, il est encore touché par une balle allemande qui lui sectionne le médius de la main gauche.
D’abord soigné à l’hôpital militaire français à Intersburg, il est ensuite envoyé dans un camp de rassemblement de prisonniers français à Gumbinnen (Goussev en Russie), d’où il est rapatrié par un convoi en partance pour Paris le 26 mai 1945.
Rapatrié par le Centre Michelet à Paris, Jean SCHNEIDER rentre à Barr mi-août 1945 et poursuit ensuite sa convalescence à l’hôpital complémentaire de Kehl.
Après sa démobilisation, Jean exerce la profession de mécanicien et chauffeur poids-lourd au service des ponts et chaussées à Barr. Il présidera une vingtaine d’années la section cantonale de l’union des Associations de déportés internés et familles de disparus (UNADIF) et comme son frère, il sera l’un des fidèles volontaires du corps de sapeurs pompiers de Barr.

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Pierre SCHNEIDER (1927-1945)

Leur jeune frère, Pierre SCHNEIDER né le 15 juillet 1927, alors qu’il n’est âgé que de 17 ans, s’engage en janvier 1945 comme volontaire dans la 1ère Armée Française. Malheureusement il devait succomber le 7 avril 1945 à Herxheim en Rhénanie-Palatinat, avant le retour au foyer de ses frères.
Son corps fut rapatrié en 1946 et inhumé au cimetière catholique de Barr.

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SCHNEIDER Jean

"Jangel"

La levée du corps de Pierre SCHNEIDER en 1946

Robert EICHERT
(1922-2014)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Robert EICHERT est né le 6 mai 1922 à Barr. Il est le fils de Robert EICHERT et Hilda GOETTELFINGER.

Au moment de son incorporation, il demeure au N°37 de la Grand-rue et exerce le métier de coiffeur chez Ernest GOETTELFINGER, maître-coiffeur à Barr. 
 

Le 14 octobre 1941, il est affecté au Reichsarbeitsdients où il reste jusqu’au 21 février 1942.
Huit mois plus tard, le 14 octobre 1942, il est appelé sous l’uniforme allemand en compagnie d’un autre Barrois Paul GILLMANN. A Sélestat, lors de cette journée de premier rassemblement il exprime avec véhémence son mécontentement aux autorités militaires, ce qui lui vaut un interrogatoire en règle dans les locaux de la Gestapo et un bref emprisonnement pour rébellion. Quelques jours plus tard, il est incorporé au 136e bataillon de chasseurs alpins à Landeck (Autriche) où il retrouve Paul GILLMANN.

A partir de janvier 1943, il combat contre les troupes soviétiques sur le front Est dans le secteur de Mourmansk.

Le 10 octobre 1944, alors qu’il est affecté à un bataillon de reconnaissance, il est blessé à la tête par un éclat d’obus et soigné par l’infirmerie régimentaire.
Finalement, les combats le conduiront dans les fjords de Norvège où son régiment est fait prisonnier par les troupes anglaises dans le Secteur de Trondheim le 20 mai 1945.
Après une période de captivité en Norvège au camp de prisonniers de Malvik, il est rapatrié fin septembre 1945 avec un autre compagnon d’infortune Barrois, René FRIEDERICH.
En transit au centre de démobilisation de Chalon sur Saône, ils sont libérés tous les deux début octobre 1945.

De retour à la vie civile, Robert EICHERT épouse Madeleine WOHLGEMUTH de Longeville-lès-Metz et intègre la tannerie Degermann où il sera affecté au « travail de rivière » jusqu’à sa retraite.
Spectateur passionné de basket, il suivra attentivement les performances de ses deux fils, dont l’un d’eux, après avoir porté les couleurs de l’AC Barr, évoluera plusieurs saisons à la SIG puis à Cognac.

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A droite, Robert EICHERT en uniforme de Gebirgsjäger.  Son camarade est inconnu (Photo A. Gillmann).

Les deux frères RIEHLING

Charles (1922-2012)
Georges (1923-1990) 

Par Christian SCHMITTHEISLER

documents : Michel BURGARD

Charles RIEHLING en uniforme de tankiste

Charles est né en 1922 à Strasbourg. Il exerce la profession de mécanicien-dentiste. Georges est né à Barr en 1923. Ils vivent avec leurs parents Joseph et Alice, au 20 de la rue Neuve (Hartmannsgasse).

 

Charles, âgé de 20 ans, est appelé au RAD (Reichsarbeitsdienst), service de travail obligatoire en Allemagne, dès le 18 mai 1942 et en est libéré le 26 septembre. A la mi-octobre, il tente d’échapper à l’incorporation de force en prenant la fuite, mais échoue dans son entreprise. Son incorporation dans la Wehrmacht ne tarde pas et il est affecté, dès le 15 octobre, à la compagnie d’état-major de la 25. Panzer Ersatz Abteilung à Erlangen (Bavière), avant d’être muté à Schweinfurth (Bavière), puis à Detmold en Rhénanie du Nord.

 

Ses parents sont régulièrement convoqués à Sélestat, pour faire peser sur eux la menace d’une déportation, dans l’hypothèse où Charles viendrait à déserter.

 

Au printemps 1943, il rejoint une unité d’infanterie blindée stationnée à Sorel (Somme), puis est affecté en juillet 1943 au 3. Panzer Regiment à Angers, une unité armée des redoutables chars Panther. A partir ce cette date, son régiment est engagé sur différents théâtres d’opérations et c’est le 28 février 1945 que Charles s’évade dans le secteur de Duisbourg et se rend à l’Armée Française. Après une brève captivité, il est rapatrié et démobilisé par le centre de Nancy le 17 mars 1945. Charles décède en 2012.

Georges RIEHLING

Georges, qui a appris le métier de tonnelier, est affecté au RAD d’avril à septembre 1942. Comme son frère, il est incorporé le 15 octobre 1942 dans un régiment d’infanterie à Ansbach en Bavière. Dès Noël 1942, il est envoyé sur le front de l’Est où il est blessé une première fois le 19 février 1943 par éclat d’obus dans le secteur de Stepanovo (Russie). Evacué vers le poste de secours principal, il est vite remis remis sur pied et renvoyé au combat. Deux jours plus tard, le 21 février 1943, il est blessé par balle à la cuisse gauche près de Porkov en territoire Russe où il est hospitalisé au Kriegslazarett 4/551. Cette nouvelle blessure lui vaudra d’être transféré à l’arrière du front au Reserve-Lazarett à Allenstein (Olsztyn en Pologne) avant un nouveau transfert à Landshut en Bavière où il est finalement constaté que la balle entrée par la cuisse a atteint l’articulation du genou gauche.

Malheureusement pour Georges, cette blessure n'est pas le "Heimatschuss"(*) tant espéré: Déclaré apte au service de garnison fin juillet, il est renvoyé au 186. Grenadier Ersazt Btl à Ansbach et bénéficie d’une permission de 15 jours. Fin 1943, Georges est muté dans un bataillon de fusiliers et doit subir une nouvelle blessure par éclat d’obus près de Bialopol en Ukraine.

(*) Heimatschuss : Une telle blessure devrait idéalement être suffisamment grave pour permettre un retour au domicile, mais ne pas entraîner d'invalidité permanente grave .

Evacué vers l’Autriche, il est fait prisonnier par l’armée américaine le 8 mai 1945 et interné dans un camp de prisonnier à Steyr. Après 3 mois de captivité, il est rapatrié à Strasbourg, au centre du Wacken, le 20 août 1945, après presque 3 années d’incorporation. Pour ces trois blessures, la Wehrmacht lui décerne le «Verwundetenabzeichen in Silber».

Très durement ébranlé par les combats et éprouvé par les blessures subies au front, Georges Riehling peut enfin rentrer à Barr où une cure de repos lui sera prescrite. De retour à la vie civile, il exerce le métier de plâtrier. Georges RIEHLING décède en 1990.

Les trois frères GILLMANN

Paul (1922-1989)
Robert (1925-1996) et Edmond (1927-1980)

documents mis à disposition par

André GILLMANN

Synthèse : Christian SCHMITTHEISLER

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Paul GILLMANN en est affecté dans un bataillon de chasseurs alpins. Remarquez l'édelweis sur sa casquette

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Paul GILLMANN au RAD en 1942

Paul GILLMANN est né le 25 juillet 1922, au domicile de ses parents Prosper GILLMANN, maître tailleur, et Emma HEITZ, couturière, qui demeurent au 8 de la rue Taufflieb à Barr.
Paul est l’aîné des 3 fils de la famille.
Il exerce le métier de tailleur d’habits qu’il a appris à Urbeis : par tous les temps , tous les lundis matin, dès l’âge de treize ans, il enfourchait sa bicyclette pour rejoindre Urbeis et rentrait le samedi par le même moyen (40 km). 


Au début de la guerre, Paul est fiancé à Marlise LOEWENGUTH mais doit quitter Barr d’octobre 1941 à mars 1942 pour accomplir son service au RAD en Allemagne.

Dès le 12 octobre 1942, il est affecté dans un bataillon de chasseurs alpins basé à Landeck dans le Tyrol Autrichien où il reçoit son instruction militaire avant de rejoindre Klagenfurt, près de la frontière Yougoslave où son régiment participe aux combats pour surveiller les proches fortifications  et combattre les positions ennemies.


Le 10 avril 1943, le régiment est rebaptisé Gebirgsjäger-Ersatz-und Ausbildungs-Regiment 139 et à partir de mai 1943, Paul GILLMANN est affecté au Gebirgsjäger-Regiment 141 en Norvège et en Laponie.
En septembre 1944, il se trouve dans le nord de la Finlande et dans le secteur côtier Norvégien de Narvik.

 

A partir de février 1945, les troupes sont menacées depuis l’est et le nord par l’armée rouge, et par les Anglais depuis le sud. Pris en tenaille, elles combattent jusqu’aux derniers jours de la guerre.
Fort heureusement, Paul GILLMANN, miraculeusement épargné par les blessures alors que son unité est pratiquement anéantie, son régiment se rend aux Anglais le 7 mai 1945, à la veille de la capitulation allemande. Durant sa captivité dans le camp de prisonniers français d’Opdal en Norvège il participe aux travaux dans les familles norvégiennes où il peut exercer ses compétences en matière de couture, ce qui a rendu sa captivité plutôt agréable.

Libéré en septembre avec 300 camarades alsaciens-mosellans, Paul GILLMANN qui faisait partie de la chorale Saint-Martin, prend l’initiative d’entonner la Marseillaise sur le quai de la gare d’Opdal et la dirige tel un chef d’orchestre pour les prisonniers libérés qui la reprennent en chœur. Un moment d’émotion exceptionnel qui restera à jamais gravé dans ses souvenirs de guerre.


Le convoi ferroviaire est dirigé vers le centre de regroupement de Chalon-sur-Saône et Paul est libéré en compagnie d’un autre Barrois, Joseph GRIVEL de la rue des cigognes : ils reçoivent des effets civils, 3 paquets de cigarettes et un petit pécule avant de rentrer en Alsace.

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De retour à Barr, il découvre la maison de ses parents entièrement détruite lors des combats de la libération. 
Il épouse Marlise le 23/11/1945 et reprend son métier de maître-tailleur qu’il exerce jusqu’à sa retraite au 47 de la rue de la Kirneck. Le couple aura 6 enfants, André, Patrick, Denise, Jeannine, Pierre et Martin. Paul GILLMANN, outre la chorale St Martin intègre l’Harmonie Chorale de Barr et sera élu président de la corporation des tailleurs de l’Arrondissement de Sélestat. 


En 1980, accompagné de son fils André, il retourne en pèlerinage en gare d’Opdal où il est accueilli à bras ouverts par une famille norvégienne avec laquelle il a gardé des contacts chaleureux. Ces derniers sont venus à leur tour à Barr à deux reprises pour lui rendre visite. Son fils André et son épouse Françoise se rendront une seconde fois rendre visite à la famille VINDAL à Opdal en 2007 et leur visite sera couverte par un article dans le journal local.

Robert GILLMANN échappe à l'incorporation de force et s'engage dans les rangs de la 1ère Armée Française

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Edmond, qui vient d'être libéré du RAD suit les traces de son frère Robert.

Son frère Robert GILLMANN, né en 1925 échappe à l’incorporation : grâce à un genou récalcitrant, il peut déboîter sa rotule lorsqu’il se présente au conseil de révision ce qui lui vaut d’être réformé par les Allemands. En revanche, une fois l’Alsace libérée, il s’engage dans les rangs de la 1ère Armée Française en compagnie d’André JAMBU, Pierre SCHNEIDER et d’autres encore.. 
Sportif accompli à l’impressionnant gabarit, il porta également les couleurs du FC Barr et du Basket-club Cercle St Martin.
Professionnellement, Robert est bien connu pour avoir été restaurateur, notamment à la Colonne à Illkirch, aux Bons Amis, à la Mauresse et au restaurant de la patinoire du Wacken à Strasbourg.

Edmond, le cadet des fils GILLMANN né en 1927, échappe justesse à l’incorporation de force. Affecté au "Reichsarbeitsdienst" (service de travail obligatoire) le 10 juillet 1944, il est libéré de ses obligations le 14 novembre 1944, peu avant les combats de la libération de Barr. Les autorités allemandes en pleine débâcle, n’auront plus le temps de l’incorporer. Il n’hésitera pas à rejoindre les engagés volontaires barrois de la 1ère Armée Française, aux côtés de son frère Robert.

Par Philippe SCHULTZ

documents mis à disposition par

Emmanuelle VAN DER GIESSEN

André SIMON (1912-1944)

Henri Edouard André SIMON est né à Barr, le 26 mars 1912. Il est le fils de Maurice SIMON, tanneur à Barr et de Madeleine née DIEHL.

 

Son arrière-grand-père, Charles SIMON, était le premier à introduire la tannerie industrielle à Barr.

 

André réside à Villé, au moment où éclate la seconde guerre mondiale. Il y a exercé le métier de comptable dans une filature, avant de rejoindre la tannerie de son père, à Barr. 

Il est incorporé de force dans l'armée allemande le 15 janvier 1944. Il va alors sur ses 32 ans. André, comme la plupart des Alsaciens, est envoyé sur le front russe. En octobre 1944, il se trouve entre Prusse Orientale et Lituanie. 

On le considèrera comme disparu, puis, bien plus tard, déclaré mort au combat, entre le 16 et le 23 octobre 1944. On ne retrouvera jamais son corps...

Les dernières lettres d'André à son père et sa sœur

André écrit deux lettres, quelques jours seulement avant de disparaître.

 

La première va à sa sœur Annette. Elle est datée du 14 octobre 1944. André s'adresse à Annette en français. Le lendemain, 15 octobre, il envoie un courrier à son père Maurice. Cette lettre est rédigée en allemand. La maman d'André est décédée depuis 1943.

 

Les deux courriers contiennent, globalement, les mêmes informations sur son quotidien au front. Celle destinée à sa sœur contient néanmoins quelques informations complémentaires intéressantes que nous préciserons par la suite. Nous avons souhaité traduire la lettre adressée à son père et qui, selon toute vraisemblance, est la dernière qu'il ait écrite, peut-être même la veille de sa mort. 

                                                                                      Le 15 octobre 1944

Mon cher papa,

J’ai réceptionné, hier soir, ton journal du 28/9 qui m’a très intéressé. Même si nous recevons de temps en temps un journal du front, il est agréable de tenir en main un quotidien de la maison. Dans le journal du front, qui est édité en une page, on peut lire un rapport officiel de la Wehrmacht, quelques brèves, quelques nouvelles de guerre et quelques autres histoires.

Chez nous, cela va toujours bien, même si le front est un peu plus actif. Les avions nous survolent un peu plus, depuis quelques jours, afin de reconnaître le secteur. Globalement, on a l’impression que les Russes ont l’intention d’entreprendre quelque chose ici. Nous sommes souvent en état d’alerte.

Nous sommes toujours dans la même position, mais depuis avant-hier, notre section est rattachée à une autre compagnie. Dès lors, je dispose d’un nouveau code postal : 17209B. Cela ne change toutefois rien au fait que nous recevons toujours notre courrier de notre ancienne compagnie. Dans notre position, nous sommes encore réunis. Nous sommes ravitaillés depuis hier par notre nouvelle compagnie et cela, comme en ce moment, autour de midi, ce qui est très agréable. Il s’agit d’un transfert du personnel et du matériel. A notre place, sont arrivés des canons légers et nous ne serons désormais plus autant en position avancée.

Les portions sont les mêmes dans la nouvelle cuisine, mais j’ai remarqué qu’il y avait davantage de « Eintopf » (plats dont tous les ingrédients sont cuisinés ensemble), dans la mesure où il n’y a pas de femmes de la région qui, contrairement à l’ancienne compagnie, épluchent les pommes de terre. Pour aujourd’hui, nous sommes même obligés de cuire nous-même les pommes de terre, la cuisine nous livrant la goulache qui l’accompagne. Cela fonctionne en ce moment, vu que les pommes de terre ne nous manquent pas, ce qui explique probablement la chose.

En ce qui concerne notre activité, nous autres conducteurs nous portons bien, depuis huit jours. Nous nous occupons à maintenir notre véhicule en bon état, construisons des garages avec des planches, ce qui est très agréable. D’autres doivent toujours remuer la terre. Il y a toujours du travail pour eux. Pour cette raison, personne ne s’occupe de nous et si nous en avons assez, nous retournons dans notre abri et discutons entre nous. Il a été décidé que les conducteurs devaient être réunis au niveau du commandement du régiment. Ainsi, nous étions, la semaine dernière, en formation pendant une demi-journée. On nous a raconté beaucoup de choses sur les papiers de bord, les cartes d’identité, la protection hivernale et les postes de réparation. On nous a demandé de quels permis de conduire nous disposons. Beaucoup n’avaient pas de permis de la Wehrmacht, ce qui est mon cas aussi. On nous a dit que nous l’obtiendrons, sans avoir à passer d’examen.

Sinon, je n’ai pas davantage à raconter et conclus avec mes meilleures salutations et bons baisers.

                                                                                                          André

Lettre à sa sœur Annette du 14 octobre 1944

Dans la lettre à Annette, sa sœur, André évoque, en plus, les actions de propagande orchestrées par les Soviétiques afin d'encourager les soldats allemands à déserter !

 

... Depuis quelques nuits, le Russe fait de nouveau entendre sur le front, sur haut-parleur, musique et parodies de propagande (rendez-vous encore aujourd'hui, demain il sera trop tard, etc.). On n'entend jamais bien tout, de là où nous sommes.... 

L'ultime combat de Maurice : retrouver son fils André... !

Maurice SIMON n'a plus de nouvelles de son fils André, à partir de fin octobre 1944. Plus le temps passe, plus l'inquiétude grandit, mais l'espoir semble demeurer.

 

Où est André, comment va-t-il ? Maurice va, dans les mois qui suivent, consacrer tous ses efforts à la recherche de son fils.

 

Dans un premier temps, l'information d'une blessure de guerre bénigne lui redonnera de l'espoir...   

Maurice SIMON, en 1948, avec sa petite fille Christiane STAHL

Maurice s'adresse aux autorités françaises, passe des annonces dans la presse, toujours en quête de nouvelles d'André dont il suppose qu'il se trouve en URSS, après avoir été fait prisonnier par les Russes.

Il rédige à la main des petites cartes et plans qu'il distribue, probablement à chaque occasion...

Maurice SIMON meurt le 5 novembre 1949, sans n'avoir jamais su ce qu'il est arrivé à son fils André ! Annette, la sœur d'André, épousera Jules STAHL, professeur de médecine à Strasbourg. Elle décèdera en 2008.

Il faudra attendre 1974, 30 années après la disparition d'André, pour que les circonstances de sa mort soient un peu mieux connues. La Croix Rouge allemande, service de recherche des victimes de guerre, informait alors la famille de ce qui suit :    

Le résultat de toutes nos recherches nous conduit à la conclusion que André SIMON est très vraisemblablement tombé entre le 16 et le 23 octobre 1944 dans le secteur de WIRBALLEN – EBENRODE (VIRBALIS, en LITUANIE – NESTEROV, Oblast de KALININGRAD en RUSSIE).

Nous étayons nos conclusions sur les bases suivantes :

Lors de son offensive de l’été 1944, l’Armée Rouge avait occupé la quasi-totalité de la Lituanie. Sa progression vers la Prusse Orientale fut freinée, en septembre 1944, par la 4ème Armée allemande.

Ordre fut donné à la 561ème Volks-Grenadier-Division, en octobre 1944, d’établir un front de barrage, à l’ouest du fleuve Sirvinto, 10 à 15 km au sud-ouest de Virbalis. 

Le 16 octobre, les troupes soviétiques ont percé cette ligne de défense à plusieurs endroits, après un bombardement d’artillerie de deux heures, renforcé par de nombreux avions et chars. Les troupes soviétiques progressèrent entre Wystitis et Nesterov, en direction de l’ouest. Dans la nuit du 17 octobre, la Volks-Grenadier-Division fut contrainte à se retirer en direction de la frontière de la Prusse Orientale. Lors de cette manœuvre, des unités de cette division furent encerclées et décimées. Seules des petites formations réussirent, jusqu’au 23 octobre, à s’extraire, au sud de Nesterov, en direction de Muhlgarten.

…/… Depuis ces combats, de nombreux soldats de la 561ème Volks-Grenadier-Division sont portés disparus. Pour certains, les témoignages de rescapés permettent de savoir qu’ils sont morts. Beaucoup, toutefois, sont tombés lors de combats de rues ou encore dans les forêts et marécages traversés, sans que leur disparition n'ait pu être constatée. Le feu de l’artillerie et des chars russes avait également atteint des ambulances ainsi que des postes hôpitaux de campagne.

Nous n’avons aucune indication sur le fait que le disparu ait pu être capturé. Il n’a pas davantage été vu dans un camp de prisonniers, par la suite. Toutes ces constatations nous conduisent à la conclusion qu’il est mort lors de ces combats.

A Munich, le 23 août 1974.      

Paul SCHMITTHEISLER (1918-1988)

Par Christian SCHMITTHEISLER

son fils

Paul sous l'uniforme allemand (1942-1944)

Paul sous l'uniforme français (1939-1940)

Paul de garde à Dijon

1944 - Lazaret (hôpital) de Schwandorf

Paul Joseph SCHMITTHEISLER est né à Wintzenbach le 13 février 1918. Né dans une famille modeste, il est le fils de Joseph SCHMITTHEISLER qui exerce la profession de cocher à l’Hôtel de la Couronne et d’Emilie HOFFMANN. La famille vit dans un appartement situé au 1er étage du 22 de la rue des Cigognes à Barr.

 

Après sa scolarité à l’école catholique, il fait son apprentissage de typographe à l’imprimerie du Journal de Barr. Passionné par son métier, il a en outre une affection toute particulière pour le football qu’il pratique au sein du FC Barr dès 1936.

 

Il est appelé sous les drapeaux le 27 novembre 1939 et affecté au 81e dépôt d’infanterie de Dijon où il effectue ses classes. Le 16 avril 1940, il embarque à Marseille à destination de Bône (Algérie) pour intégrer le 35e Régiment de Tirailleurs Algériens (RTA). Le régiment passe la frontière Algéro-Tunisienne le 29/05/1940 à destination de Sfax et Gabès en Tunisie, où la troupe sera principalement occupée à la construction de retranchements et de positions défensives afin de protéger le territoire d’une invasion de l’armée italienne qui occupe la Libye voisine.

Après la capitulation de la France en juin 1940, Paul est réaffecté au 11e RTA (par dissolution du 35e), son régiment franchit la frontière Tuniso-Algérienne le 16/10/1940, puis entre au Maroc pour arriver à Fès le 18/10/1940. Dirigé vers le centre de regroupement d’Oujda, Paul est démobilisé le 26/12/1940, puis rentre à Barr, occupé par les Allemands.

Dès mars 1941, il est incorporé au Reichsarbeitsdienst (RAD) et affecté dans une imprimerie à Radolfzell au bord du Bodensee où il peut à nouveau exercer son métier de typographe. Le 25 août 1942, le jour même de la promulgation de l’ordonnance du Gauleiter Wagner, il est convoqué au conseil de révision à Singen (Pays de Bade).

 

Incorporé de force dans la Wehrmacht par le Wehrbezirskommando (W.B.K.) de Konstanz, il est affecté dans l’infanterie à la Stamm Kompanie Grenadier Ersatz Batallion 477 à Mezeritz (Miedzyrzecz Pologne) du 26/06/1943 au 14/07/1943, avant de rejoindre le II Feldausbildungs Regiment 720 du 15/07/1943 au 31/12/1943. Selon son parcours militaire, le régiment combat dans les secteurs de Sunasch et Nervel en Russie.

Le 1er janvier 1944, toujours sur le front russe, il rejoint le II Grenadier Regiment 565 jusqu’au 04/04/1944 où sa compagnie est chargée du convoyage d’un train de munitions à destination du secteur de Vitebsk en Biélorussie où les armées allemandes et russes sont au contact.

Après un arrêt dans le secteur de Wolkowitz (Lituanie), le destin de Paul va basculer : il est l’un des derniers soldats à monter dans les wagons de queue du train qui a déjà pris un peu de vitesse et un soldat, lui aussi incorporé de force, lui tend la main pour monter à bord.

 

Déséquilibré par son équipement et embarrassé par son fusil, la main de son camarade lui échappe. Il glisse du marchepied et tombe sur la voie. Dans sa chute, il est happé par la fin du convoi et traîné au sol sur plusieurs dizaines de mètres, s’agrippant au ballast pour survivre.

 

Le convoi est arrêté en urgence et les soldat se précipitent mais restent démunis devant la gravité des blessures : une jambe est entièrement sectionnée au-dessus du genou et la seconde, broyée, ne tient plus avec sa botte que par un mince lambeau de chair. Toujours conscient, Paul implore ses camarades de le secourir, de lui poser des garrots à l’aide de leurs ceinturons. Puis les infirmiers se précipitent et voyant l’hémorragie, demandent des volontaires pour donner leur sang. La transfusion se fait à même le sol, directement de bras à bras au moyen d’une pompe manuelle.

Une fois le blessé stabilisé et pansé, il est transporté d’urgence par une ambulance au service de chirurgie du Reserve Lazarett de Byalistok (Pologne) où le verdict est sans appel : son état est critique et l’amputation des deux jambes au niveau du tiers moyen des deux cuisses est inévitable. Un mois plus tard, le 06/05/1944, il est transporté au Reserve Lazarett de Deutsch Krone en Poméranie (aujourd’hui Walcz en Pologne), où il peut reprendre quelques forces et entamer sa longue rééducation.

Début septembre 44, il est rapatrié au Reserve Lazarett de Mulhouse-Dornach où il poursuit sa convalescence, mais l’avancée des troupes libératrices de la 1ère armée française se fait menaçante et à peine une semaine plus tard, il est renvoyé vers Schwandorf, puis vers Straubing et enfin Regensburg (Ratisbone) où il sera fait prisonnier le 26/04/1945 par les troupes américaines avant d’être libéré pour être rapatrié 26/06/1945 par le centre de Metz.

Débarqué quelques jours plus tard en gare de Barr, il retrouve enfin sa femme Alice et sa fille âgée de moins de 3 ans.

Le retour à la vie civile fut compliqué : amputé des deux jambes, il ne pouvait plus exercer son métier de typographe et malgré une reconversion professionnelle au centre de rééducation des mutilés à Strasbourg, où il a appris le métier d’horloger, il ne retrouva plus d'emploi, faute d’employeur pouvant recevoir un travailleur handicapé.

Il s’est alors consacré à sa famille, sa maison et son jardin, s’est investi à l’ADEIF pour aider ses camarades incorporés de force à constituer leurs dossiers, et enfin s’est engagé dans la vie municipale où, auprès du Maire Krieg, il a assumé trois mandats de conseiller municipal, sans jamais oublier sa passion pour le football dont il restera un supporter et spectateur assidu jusqu’à la fin de sa vie, en 1988.

1944 - Lazaret (hôpital) de Regensburg

1944 - Lazaret (hôpital) de Mulhouse-Dornach

Paul, fervent supporter du FC Barr

Paul, lors de l'inauguration du monument aux morts de Barr, en 1954

Robert HUCHELMANN (1925-1944)

Par Philippe SCHULTZ

d'après des documents mis à disposition par

Emma HUCHELMANN, sa belle-soeur

Robert HUCHELMANN est né à Barr, dans une famille d'ouvriers, le 11 août 1925. Il habitait rue des Cigognes où il vivait avec ses deux frères cadets Henri et Willy et sa maman Christine, née RENCK. Son père Joseph étant décédé en 1935, Christine s'était remariée avec Auguste RUTSCH.

La date de son incorporation de force dans l'armée allemande ne nous est pas connue, mais au vu de sa date de naissance, il est fort probable que ce soit 1944. Robert disparaîtra le 3 décembre 1944, en Hollande, à l'âge de 19 ans, dans des conditions décrites dans le courrier adressé à son frère Henri, lui-même incorporé de force :

" Le 18 janvier 1945 - Cher Huchelmann, 

Votre frère, le canonnier Robert HUCHELMANN, est tombé au combat le 3 décembre 1944 à Tegelen sur Maas, en Hollande du sud.

L'ennemi attaquait alors notre tête de pont à Blerick, près de Venle, en Hollande du sud. Les positions d'artillerie à l'ouest de la Maas subirent un violent feu ennemi. Votre frère était affecté à la 1ère batterie et fut victime d'un éclat de grenade qui le toucha à la tête, alors que sa batterie était en pleine action pour contrer l'attaque ennemie.

 

Votre frère fut enterré, avec deux de ses camarades, au cimetière de Wachtendonk. Votre beau-père Auguste RUTSCH fut prévenu par le chef de batterie dès le 7 décembre 1944. Probablement que la lettre qui avait été adressée à l'Ortsgruppenleiter (représentant du parti nazi à Barr) n'est pas arrivée à destination. .../..."

Emma HUCHELMANN, née HALTER, qui épousera après guerre son frère Willy, se souvient, bien qu'elle ne fut alors qu'une jeune fille, des circonstances dans lesquelles la maman de Robert apprit la mort de son fils.

 

Henri, sans nouvelles de son frère, avait décidé d'entreprendre les démarches auprès des autorités allemandes, dès fin 1944. C'est donc lui qui a réceptionné le courrier annonçant la mort de Robert. Pendant plusieurs jours, il garda sur lui cette lettre, n'ayant pas la force d'annoncer à sa mère cette terrible nouvelle. Un matin, il se décida de poser le pli sur la table de la cuisine, avant de partir au travail.

 

Emma, très jeune encore, à ce moment là, habitait à proximité et n'a jamais pu oublier le cri de douleur de Christine qui résonna, ce matin-là, dans tout le quartier... Après tant d'années (nous avons rencontré Emma en 2020), elle-même relate ses souvenirs avec beaucoup d'émotion, ce qui montre bien que certaines plaies restent béantes, malgré le temps qui passe...

courrier reçu par la famille pour annoncer la mort de Robert

La dépouille de Robert HUCHELMANN sera exhumée et rapatriée à Barr, en 1946, où il repose désormais au cimetière protestant, après une cérémonie à l'église. Le hasard du calendrier voudra que le même jour, à l'église catholique, Pierre SCHNEIDER, né en 1927 et qui s'engagea dans l'armée française début 1945, fut conduit à sa dernière demeure. Il n'avait que 18 ans lorsqu'il est tombé lors de combats en Allemagne, au sein de la 1ère Armée française du Général de Lattre de Tassigny. 

Ainsi, le même jour, on rendait les honneurs à deux Barrois, l'un soldat allemand, incorporé de force, l'autre soldat français, engagé volontaire après la Libération. Tous les deux n'avaient pas 20 ans et se sont sans aucun doute connus, n'habitant qu'à une centaine de mètres l'un de l'autre...

Par Christian SCHMITTHEISLER

Paul RHINN (1918-2008)

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Paul RHINN, conscrit de la classe 1918-1938

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Paul (au centre) sous l'uniforme français en juin 1940 à Vichy. Il est chauffeur  du Commandant des opération aériennes en AFN

Après avoir bénéficié d’un régime alimentaire amélioré et revêtu des uniformes soviétiques tout neufs et un calot frappé de l’étoile rouge, les 1500 sont répartis en quatre compagnies.

 

Ils quittent le camp le 7 juillet 1944, derrière un drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine, en défilant devant le général Ernest Petit, chef de la mission militaire de la France libre en URSS et du général Petrov, représentant l’Union Soviétique.

Paul RHINN est né à Saint-Pierre le 26 juin 1918. Il est le fils d’Aloyse RHINN qui s’installe comme boulanger au N°37 de la Grand-rue à Barr vers 1920 et de Marie Antoinette HUFFLING. Après sa scolarité à l’école catholique, il apprend le métier de boulanger dans le commerce de ses parents.

A partir du 3 novembre 1938, il effectue son service militaire à Dijon au bataillon de l’air 102. Dès le début du second conflit mondial, il est affecté à Base Aérienne 117 à Brétigny-sur-Orge, en région parisienne, avant de rejoindre la BA 20 de BLIDA où il est mis à la disposition du Commandant supérieur de l’Air en Afrique du Nord à ALGER. Démobilisé le 12/12/1940, il se retire à Barr.

Incorporé de force dans l’armée allemande le 19/4/1943, il s’évade le 6/2/1944 dans le secteur de Mariewka/Nicopol où il est caché par des civils russes. Il se constitue prisonnier, est interné au camp de Saporoje (Ukraine) puis est transféré au sinistre camp de détention 188 de Tambov.

Comme tous les prisonniers du camp, il subit les privations, les mauvais traitements, les corvées, les travaux harassants et des conditions sanitaires effroyables dans des baraquements infects.

Au printemps 1943, dans l’entourage du Général de Gaulle, mais aussi en Union Soviétique, on constate la présence d’Alsaciens et de Mosellans sur le front de l’Est. On envisage alors la création, avec les nombreux Malgré-nous, d’une brigade Alsace-Lorraine qui combattrait aux côtés de l’Armée rouge et qui prolongerait la fraternité d’armes des pilotes de l’escadron Normandie-Niemen, constituée en novembre 1942.

Finalement, les autorités de la France Libre et de l’Union Soviétique envisagent l’envoi d’un contingent de prisonniers en Algérie pour étoffer les troupes de la France libre.

 

Cette option est acceptée, début mai 1944, par le gouvernement soviétique qui donne son accord pour le rapatriement de 1 500 prisonniers sur les 1 900 Alsaciens-Mosellans alors regroupés au camp 188. Les prisonniers malades, trop faibles ou d’autres qui ne paraissent pas idéologiquement sûrs, ne font pas partie de ce convoi.

A Châlons-sur-Marne, la France a rassemblé des déportés et prisonniers de guerre russes en vue de leur rapatriement. Aucun autre échange n’eut lieu par la suite.

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Paul RHINN sous l'uniforme allemand (au centre du dernier rang)

Sur cette photos figurent 11 incorporés de force alsaciens.

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Pour défiler devant le général français Ernest Petit et le général russe Petrov, les malgré-nous portent l'uniforme russe.

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7 juillet 1944 : embarquement en gare de Rada

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Un périple de 2 mois

en noir le trajet en train -  en rouge en camion - en bleu par bateau

Quatre Barrois font partie de ce convoi: Paul RHINN, Emile GANDER, Edouard KLING et Charlot HENNINGER.

Les prisonniers sont embarqués en gare de Rada pour un long périple en direction de Rostov et Bakou, puis ont continué leur route vers l’Arménie et le 14 juillet 1944, ont traversé la rivière ARAS qui constituait la frontière entre l’URSS et l’IRAN. 


Arrivés à Téhéran, les prisonniers sont pris en charge par les Anglais qui leur remettent un uniforme et un casque colonial en feutre. La nourriture est bien meilleure mais les prisonniers en tombent malades en raison du changement brutal de régime alimentaire.

 

Le 1er août, le convoi reprend la route en direction de BAGDAD avant de rejoindre le port d’HAÏFA où les 1500 «Malgré-nous» sont embarqués à bord d’un navire hollandais «Le Ruys» en direction de TARENTE.

 

Arrivés dans le sud de l’Italie, ils sont transbordés sur un navire français la «Ville d’Oran» jusqu’au port d’Alger qui est atteint le 1er septembre 1944 où ils réintègrent l’armée française après un périple de près de 2 mois.

Paul RHINN qui fait partie de cet unique échange de prisonniers, passe sa première nuit en France Libre à «Maison Carrée» près d’Alger avant d’être envoyé à Blida et Ténès. Le 07/10/1944, il est affecté au Centre d’Organisation de l’Infanterie Coloniale N°3 à Constantine où il sera nommé caporal en mai 1945.
 

Rapatrié à Marseille par le paquebot «La Providence» en compagnie de nombreux Alsaciens et Lorrains issus du convoi de Tambov, il est dirigé vers le centre de démobilisation de Châlon-sur-Saône où il sera rendu à la vie civile le 16/08/1945.
 

En ces 6 années de guerre, Paul RHINN a successivement porté l’uniforme français, allemand, russe, anglais puis à nouveau français.
 

Moralement très affecté et physiquement affaibli par sa captivité à Tambov, Paul RHINN reprendra l’activité de la boulangerie familiale de ses parents décédés peu avant la guerre.

 

Il exercera son métier de boulanger jusqu’à sa retraite en 1979.

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Le Paquebot "La Ville d'Oran", dernière étape vers l'Algérie.

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août 1945 : Paul Rhinn regagne la France libérée à bord du paquebot

"La Providence"

Par Christian SCHMITTHEISLER

d'après les souvenirs personnels de Paul PFLEGER

Paul PFLEGER (1926-2006)

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Paul PFLEGER est né le 16 juin 1926 à Barr. Il est le fils cadet d’Auguste PFLEGER, galochier à Barr, et d’Emma née RIEBER originaire de Gertwiller. Lors de la déclaration de guerre en 1939, il n’est âgé que de 13 ans.

 

En 1943, il est incorporé au Arbeitsdienst à Sellingen (Pays de Bade) pour y effectuer des travaux agricoles. En réalité, il va subir 6 semaines de formation pour renforcer sa condition physique et l’initier au maniement des armes. 
 

Par la suite, il est transféré au Mannesmann Werke, un producteur de tubes d’acier pour l’industrie de guerre allemande, pour réparation des dommages de guerre causés par les bombardements alliés.

Après une permission de quelques jours à Barr, il est incorporé de force à Deutsch Krone (actuellement Walcz en territoire polonais) où il suit une formation à l’endurance au centre de formation de la Kriegsmarine avec notamment des plongeons dans l’eau glacée, exercice d’endurcissement qui pouvait s’avérer mortel, puisque l’un de ses camarades a coulé à pic et n’est jamais remonté à la surface.


Après cette formation, il est affecté à bord du Nordland, un croiseur d’origine danoise, endommagé en 1943 par des bombardiers allemands. Délibérément échoué par son équipage pour échapper à sa capture, il est renfloué quelques mois plus tard par les Allemands, pour devenir navire-école de la Kriegsmarine. 
Ensuite, il est affecté sur un dragueur de mines dans le port de Kiel, l’une des bases de sous-marins les plus importantes de la Baltique.

Nordland

Le navire école Nordland

Mais début octobre 1943, alors que l’armée allemande doit faire face à la poussée de celle de Staline, Paul PFLEGER est transféré au Tempelhof à Berlin où des troupes sont rassemblées pour être acheminées sur le front en Lituanie.


C’est là que Paul PFLEGER connaît ses premiers combats, les premières confrontations avec la guerre et la mort, tapi dans des trous individuels, avec des attaques quotidiennes des troupes de l’armée rouge.


Au cours d'une contre-attaque, Paul est soulevé de terre par une explosion et perd connaissance. Revenant à lui, il constate qu’il est blessé au genou gauche et à la main droite. Par chance, un char peut le ramener vers l'arrière avec un autre blessé, un jeune d'Epfig, qui devait disparaître plus tard dans la tourmente.


Transféré à l'hôpital de Libau (Lubawka), un infirmier qu’il avait connu durant l'instruction à Deutsch Krone rend son séjour un peu plus agréable. C'est grâce à lui que Paul est porté sur une liste pour un transport par avion. Après une escale à Koenigsberg (Kaliningrad), il est hospitalisé à Berlin. Durant sa convalescence à l'hôpital, il se lie d’amitié avec une famille de Minkwitz (Saxe) dont la jeune fille lui suggère de venir chez eux en cas de problème. Déclaré apte au service à la mi-janvier 44 il est renvoyé dans un bataillon près de Leipzig.

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La ville de Dresde, ravagée par les bombes incendiaires

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Le port de Kiel avec au premier plan à gauche le bunker Kilian qui pouvait contenir jusqu'à 12 sous-marins

Dans ce bataillon, sur la ligne de front, les soldats ont peine à sortir de leurs trous individuels, constamment mitraillés par les tirs ennemis. Les semaines passent, le ventre creux et la mort partout.
Paul a toujours eu horreur des armes et ne se sent pas concerné par cette guerre absurde contre un ennemi devenu allié de la France. Il décide de déserter, de s’évader pour rejoindre la famille à Minkwitz et s’y cacher. Malheureusement il se fait arrêter par la Feldgendarmerie à Cottbus. Qualifié de traître et de déserteur, après plusieurs jours au pain sec et à l’eau, il est emprisonné à Dresden.
Parmi les gardiens anciens blessés de la Wehrmacht certains sont corrects, au contraire des jeunes gardiens qui se montrent intraitables envers les prisonniers.
Le 13 février 44, vers 23 h 30, les premières bombes incendiaires de l’attaque combinée de la RAF et de l’US Army Air Forces s’abattent. 1300 avions, déferlant par vagues, larguent 2431 tonnes de bombes «HE» (high explosive, à grand pouvoir explosif) et 1475 tonnes de bombes «IB» (bombes incendiaires) au cours de 4 raids successifs qui réduisent la ville en cendres avec ses habitants et les réfugiés qui pensaient être à l'abri.

Pour les prisonniers, plus question de les fusiller, il faut ramasser les cadavres. Le nombre de morts est inestimable (35000 selon les évaluations officielles dont seulement 25000 ont pu être identifiés). Et pour Paul PFLEGER, c’est le retour au front, cette fois dans un bataillon disciplinaire à une quarantaine de Km de Leipzig, avec un fusil et trois cartouches pour affronter toute l'armada russe. C'est alors qu’il réussit à déserter et à rejoindre Minkwitz, chez cette famille où il se cache jusqu'au 8 Mai 1945. Si la famille qui l’a recueilli a été épargnée par les atrocités il n'en a pas été de même pour tous les habitants de cette localité.


Le premier juin, planqué entre deux wagons, il réussit à rejoindre Mainz. Au cours du trajet, à Fulda, un soldat noir américain est prêt à l'abattre, mais il peut s’adresser à lui en français ce qui lui sauve la vie.
Lors d’un arrêt du train, un capitaine français qui rapatrie des prisonniers et des travailleurs forcés vers la France le prend en charge et c’est ainsi qu’il arrive à Metz, jusqu’au centre de démobilisation.
Après une désinfection au DDT et une rapide visite médicale, il perçoit un petit pécule, sa fiche de démobilisation et saute dans le premier train en partance pour Strasbourg.


En sortant de la gare, il tombe sur Jean-Pierre DIETZ de Barr, un camarade de classe qui se trouve là par hasard avec sa camionnette et qui le reconduit à Barr.
 

De retour à Barr le 6 juin 1945 après deux années de cauchemar, il a toujours gardé en lui le spectacle des atrocités commises pendant cette terrible guerre et une pensée émue pour tous ces Malgré-nous qui ont péri au front ou sont rentrés gravement mutilés. A son retour à la vie civile, il réintègre la tannerie Degermann avant de rejoindre les Tanneries de France à Lingolsheim jusqu’à sa retraite en 1986.

Destins croisés des copains de la classe 1938

Joseph LEDIG (1918-2007) et quelques autres...

Par Philippe SCHULTZ

Autour de Joseph LEDIG sont regroupés sur cette photo ses copains, tous nés, comme lui, en 1918.

Avant de retracer le parcours de Joseph, qui n'a pas été un "Malgré-Nous", rappelons le destin de certains de ses camarades de classe.

Cet article risque d'être incomplet, en raison de l'absence d'informations concernant la plupart des Barrois présents sur la photo. Nous restons preneurs de tous renseignements provenant de nos lecteurs...

Joseph GRIMM a été incorporé de force dans l'armée allemande. Capturé par les soviétiques, il a été incarcéré au camp de TAMBOV et y est mort le 4 août 1945, à l'âge de 27 ans.

Gustave GRIMM, également incorporé de force, a disparu à Rawicz, en Pologne, le 30 novembre 1944, à 26 ans. Le hasard du calendrier fera que Barr fut libérée la veille de sa disparition !

Trois inséparables copains devenus ennemis malgré-eux...

Mais arrêtons nous sur les destins croisés de trois d'entre eux, inséparables copains et qui, malgré leurs parcours très différents, le resteront jusqu'à leur mort.

Pour Paul SCHMITTHEISLER et Paul RHINN, les informations dont nous disposons ont permis de leur dédier une page personnalisée. 

Les deux incorporés de force dans l'armée allemande ont connu un parcours atypique et ont traversé des épreuves très dures. Ils ont néanmoins survécu, malgré de graves séquelles.

Joseph LEDIG a 20 ans, en 1938. Il s'engage alors dans la marine nationale. Au début de la guerre, il est affecté comme jeune marin sur l'aviso "Arras", bâtiment français, basé à Dunkerque. C'est là qu'il connaitra les premiers combats, en participant à des convois de rapatriement vers l'Angleterre de troupes encerclées dans la fameuse poche de Dunkerque.

De retour à Dunkerque, face à la situation catastrophique et l'arrivée imminente des Allemands, son navire regagne in extremis l'Angleterre pour se réfugier à Portsmouth. Au vu de la complexité du contexte international et de la défaite française, l'équipage de l'Arras est, dans un premier temps, retenu prisonnier des Anglais. Puis, le choix fut laissé à chacun des marins : rester ou rentrer en France. De tout l'équipage, Joseph LEDIG est alors le seul à opter pour la France Libre, ce qui l'amènera à rester en Angleterre. "Je savais", dira-t-il par la suite, "qu'un retour au pays aurait impliqué, pour moi, de devenir Allemand. J'avais entendu parler du Général de Gaulle et espérais pouvoir continuer à servir en Angleterre." 

 

Jusqu'en 1942, Joseph fut maintenu à Portsmouth, et finalement muté sur le contre torpilleur "Léopard". Puis ce fut le grand large, avec des missions aux Caraïbes, aux Açores, au Portugal, à la Réunion et aux Iles Maurice, pour n'en citer que quelques-unes. C'est à proximité des Canaries que son navire coula, fin 1942, un sous-marin allemand. Malheureusement, le "Léopard" échoua lui-même, le 28 février 1943, dans le même secteur.    

Joseph fut alors affecté à la "Marine du Levant" et connut les côtes de Sayda et de Beyrouth où il restera jusqu'à la fin de la guerre.

 

Etranges destins croisés de trois copains d'enfance qui, dans des conditions qui auraient pu être réunies, se seraient alors retrouvés face à face, bien malgré-eux, et contraints de s'affronter dans une guerre qui n'était pas la leur.  

Joseph LEDIG poursuit sa carrière militaire

La carrière militaire de Joseph se poursuit alors en Indochine. Il sert en tant que canonnier sur le "Jeanne d'Arc", puis sur le porte-avions "Arromanches". Second maître de première classe, il est définitivement admis à la retraite en 1956, après avoir été brièvement rappelé, pendant quelques mois, en Algérie. 

En 1953, Joseph LEDIG est cité à l'ordre de la Division, citation qui comporte l'attribution de la Croix de Guerre des TOE avec étoile d'argent. Le Journal de Barr se fait, en 1953, l'écho de sa citation. En 1995, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur.

Emile GANDER (1919-1971)

Par Philippe SCHULTZ

et Marie-Reine GANDER-PIERONI, sa fille

Emile GANDER est né le 9 septembre 1919 à Barr. Il est le fils de Charles GANDER, ouvrier aux chemins de fer, et de Louise BAUR. 

Lorsque la guerre éclate, Emile est instituteur. Dès 1939, il est appelé dans l'armée française et entre à l'école des sous-officiers de Valence. Il est nommé sergent en 1940. 

 

Après la défaite, il sera un temps affecté dans les chantiers de jeunesse, sous le régime de Vichy, puis rentrera à Barr en 1941.

 

Considéré par les nazis comme "politisch unzuverlässig" (politiquement non fiable), GANDER est déplacé d'office à DIENSTADT (Pays de Bade) pour y exercer le métier d'instituteur. 

Le 23 juin 1943, il est enrôlé de force dans l'armée allemande et affecté dans un régiment d'artillerie lourde à ANSBACH (Allemagne). Du 12 juillet 1943 au 15 août 1943, il suit une formation au Grenadier Feld Ausbildungs Regiment, puis est envoyé au front russe où il participe à la lutte contre les partisans, dans le secteur de BOBRUISK. Il est affecté à la 230ème Division d'Infanterie, puis dans l'artillerie motorisée.   

Emile GANDER déserte l'armée allemande et se rend aux Soviétiques...

Le 25 septembre 1943, Emile est définitivement convaincu que sa place n'est pas là où il se trouve alors. Il refuse de poursuivre le combat dans les rangs de l'armée allemande et prend la grave décision de déserter !  

Dans son journal, il écrit : " Je suis envoyé pour combler les vides dans une unité complètement anéantie qui n'existait donc plus. En pleine déroute, je fuis vers l'ouest. Avec ROOS de Wilwisheim, je déserte et me cache dans une forêt, la troupe allemande nous tire dessus. Après trois jours, nous sommes pris en compte par une unité russe... /.... Ma désertion étant évidente, mon père a été incarcéré un certain temps au camp de Schirmeck". 

Jeudi 23 septembre 1943  : "Maintenant, j'en ai ras-le-bol avec cette duperie. Me suis caché avec mon camarade ROOS dans la forêt, lors d'un changement de position. Nous allons essayer de passer chez les Russes. Ce qui est notre juste place." 

Vendredi 24 septembre 1943 : "Jusqu'à présent, tout se passe bien. Bien passé la nuit. Avec un peu de chance nous devrions réussir. Nous nous faisons un emplacement agréable sous les sapins." 

Samedi 25 septembre 1943 : " Passé une bonne nuit. Je n'entends que le fracas lointain des armes. Il est maintenant 13 h. Nous nous mettons en route et sortons de la forêt pour voir s'il n'y a plus de danger. Puis trois villages. Enfin vers le soir, nous rencontrons des soldats soviétiques. Très bien reçu. Tout de suite à manger."

Dimanche 26 septembre 1943 : " Deux anciens camarades PAULUS et PEIL se sont joints à nous. Nous sommes maintenant à quatre. Nous nous portons tout à fait bien."

Lundi 27 septembre 1943 : " Nous marchons gentiment un certain moment. Encore un sergent allemand déserteur..."

La désertion de soldats allemands et particulièrement des Alsaciens et Mosellans est immédiatement utilisée par les soviétiques pour alimenter les actions de propagande. Un tract est imprimé et diffusé par voie aérienne sur les positions allemandes.

 

De telles démarches sont alors fréquentes et concernent de nombreuses unités allemandes d'où sont issus des déserteurs. Il s'agissait d'inciter les soldats allemands à suivre l'exemple de leurs camarades, en mettant l'accent sur un accueil "amical" qui leur sera réservé, dès leur arrivée dans une unité russe.

Le document ci-contre en est un exemple. Il est rédigé en français et concerne deux Malgré-Nous alsaciens qui ont déserté la 260ème Division d'infanterie allemande. Lorsque l'on connait le destin de milliers d'Alsaciens et Mosellans en captivité dans les camps de prisonniers soviétiques, dont le fameux camp de TAMBOV, on ne peut que s'interroger sur l'objectivité du contenu de ces tracts... 

Le cas Emile GANDER, relevé dans un tract spécialement rédigé par les Russes...

Les Soviets utiliseront le journal personnel d'Emile GANDER, dans ce tract diffusé par avion, au-dessus des lignes allemandes.

Le tract de propagande est introduit comme suit :

" Soldats Alsaciens ! Quatre Alsaciens, soldats de l'armée allemande et un Allemand, sous-officier, ont trouvé, le 25 septembre, une solution simple mais efficace pour mettre fin avec la guerre et sauver leur vie; ils se sont rendus aux Russes et ont été accueillis amicalement. Ils se trouvent aujourd'hui à l'arrière du front et sont, par conséquent, à l'abri des horreurs et tracas de la guerre que vous êtes contraints de vivre, par la faute de Hitler. 

Beaucoup d'entre vous aimeraient suivre l'exemple de ces soldats, mais ne savent pas comment s'y prendre. Nous diffusons quelques lignes du journal de l'Alsacien Emile GANDER qui s'est rendu aux Russes le 25 septembre. Tirez-en les enseignements. le journal est diffusé avec l'autorisation de GANDER.

Comme vous le voyez, l'affaire n'a pas fait de difficulté particulière, il ne faut qu'un peu de volonté. Soldats alsaciens, n'hésitez pas plus longtemps ! N'oubliez pas : chaque jour supplémentaire de votre présence dans l'armée d'Hitler est un jour de honte.

 

Car vous aidez, comme soldat de cette armée, le bourreau de votre patrie: Hitler. Chaque jour, vous êtes en danger de mort par les armes russes. Chaque jour vous rapproche du rude hiver russe. Du gel rigoureux, des vents froids et des tempêtes de neige vous attendent. Vous ne pouvez pas supporter le froid rigoureux. Vos cadavres raidis par le froid resteront loin du pays natal sur les champs enneigés de Russie.  Décidez-vous, avant qu'il ne soit trop tard !" 

De TAMBOV à ALGER-CHERCHELL...

Emile GANDER est interné au camp de prisonniers de TAMBOV. Là, il a pu bénéficier des mesures exceptionnelles de libération de 1.500 Malgré-Nous, négociées par le gouvernement de la France Libre.

Il arrive à ALGER, par TEHERAN, le 30 août 1944, et se présente à l'école des officiers d'ALGER-CHERCHELL. A sa sortie de formation, il est affecté au 146ème régiment d'artillerie (armée française) à METZ et immédiatement affecté en Allemagne. C'est là qu'il sera grièvement blessé au combat et subira un taux d'invalidité de 95%. La médaille des évadés lui sera décernée le 29 juin 1970. Il a, par ailleurs, été titulaire de la Croix de guerre. 

Après la guerre, Emile GANDER poursuivra, malgré son handicap, une carrière dans l'éducation nationale qu'il terminera à Barr, comme directeur de l'école des Vosges.    

Sources : Staline parle aux Alsaciens en Russie (Archives départementales du Haut-Rhin - Colmar 3001) - Klaus Kirchner et André Hugel.

Georges SILBER (1920-1984)

Par Jean-Georges SILBER

son fils

Georges SILBER est né le 18 novembre 1920 à St-Pierre. Après la débâcle de l’armée française en juin 1940, et l’annexion de l’Alsace et de la Moselle au Reich Allemand, les Alsaciens Mosellans ont été incorporés de Force dans la Wehrmacht, à partir de août 1942.

Mon père aurait dû partir parmi les premiers, mais en jouant au football il s’était abimé le ménisque. Il a été opéré, et cela a ensuite différé son incorporation, devant aller faire une rééducation de son genou. Cela lui a peut-être évité de partir sur le front Russe !

Il est finalement parti en novembre 1943 et a été envoyé à Neuruppin au nord de Berlin, en formation dans un régiment d’Artillerie, Canon de 220 mm, tube long, de 40 km de portée, il était pointeur sur le canon. Après cette formation, il est parti en Norvège avec son régiment, où il est resté jusqu’en fin 1944. Pendant cette période, son régiment s’est déplacé du nord au sud de la côte Norvégienne. Ils sont allés jusqu’à Narvik, au-delà du Cercle Polaire, mais il ne m’a pas parlé de combats en Norvège.

 

Fin 1944, son régiment est revenu dans le nord de l’Allemagne, dans la région de Hambourg, où il a assisté à de nombreux bombardements des alliés sur la ville de Hambourg. Après ces bombardements, il a participé au sauvetage de nombreux civils bloqués dans les caves et abris. Ces bombardements étaient souvent faits avec des bombes au phosphore (il faut s’imaginer l’état des brûlures des blessés).

 

Toujours fin 1944, son régiment s’est déplacé vers la région de Bastogne dans les Ardennes, où il a participé à une dernière offensive d’envergure de l’armée allemande. 

 

Les Allemands ayant été battus à Bastogne, son régiment a traversé le Rhin en bateau pneumatique, sous le feu des alliés, en laissant tout leur matériel (Canons, camions, etc ). Après regroupement des troupes et réattribution de matériel, ils sont venus se positionner vers Strasbourg, côté Allemand du Rhin, où ils ont tiré vers la banlieue (La Wantzenau) où se trouvait la 2ème DB du Général Leclerc, qui venait de libérer Strasbourg.

Mon père étant pointeur sur son canon, il essayait, dans la mesure de ses possibilités, de dérègler le tir pour que l’obus rate sa cible. Aussi près de l’Alsace, il aurait bien aimé déserter, c’était impossible, même quand il allait faire ses besoins naturels, un Allemand le suivait pour le surveiller !

Georges SILBER, conscrit de la classe 1940

De l'armée allemande à la 2ème DB du Général LECLERC !

Suite à la prise de Strasbourg par la 2ème DB, de la réduction de la poche de Colmar et de l’entrée des troupes en Allemagne, le régiment s’est replié vers la Bavière.

 

Une nuit, le régiment s’est trouvé encerclé par les Alliés, Russes d’un côté, Américains et 1ère Armée Française avec la 2ème DB de l’autre.

 

Dans cette situation, leur Capitaine a fait le choix de se rendre aux Américains plutôt qu’aux Russes. C’est en se présentant aux Américains que mon père a présenté sa carte d’identité Française! Il l’avait cachée sur lui pendant toute la période d’incorporation. Au regard de cela, les Américains l’on confié à la 2ème DB du Général Leclerc qui était dans les parages. Après enquête, il a intégré cette unité. Le fait de conserver et de cacher sa carte d’identité française aurait pu lui valoir le passage devant le peloton d’exécution, s'il avait été repris par les Allemands !

 

Par la suite, avec la 2ème DB, il a participé à l’assaut pour investir le Berghof et le Nid d’Aigle de Hitler à BERCHTESGADEN. Après l’Armistice du 8 mai 1945, il a participé à l’occupation d’une partie de l’Autriche (Tirol et Vorarlberg) en étant cantonné à Dornbirn.

 

Il est revenu dans son village de Saint Pierre en automne 1945, pour reprendre son métier de boucher-charcutier chez ADAM à Barr, où il a fait la connaissance de ma mère Jeanne HALTER. Ils se sont mariés en mai 1946. De cette union sont nés, Jean-Georges le 31 janvier 1947 et Danièle le 5 janvier 1950.

 

Mon père a fait partie de l’ADEIF et porte drapeau des anciens combattants de Barr. Il est mort le 21 juin 1984 et ma mère le 3 août 1997.

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La 2ème DB à Berchtesgaden, le 4 mai 1945. Le Général LECLERC

source : Fondation Maréchal Leclerc de Hautecloque

Charles MEYER (1911-1980)

Par Philippe SCHULTZ

d'après les documents de Alfred MEYER, son fils

Charles MEYER est né à Barr, le 1er septembre 1911. 

 

Après son service militaire dans l'armée française, où il sert, au début des années 1930, dans une musique régimentaire, Charles s'installe à Barr en tant que maître tailleur.

 

Charles a deux frères : Georges (né en 1919) et Alfred (né en 1921).

En 1938, il se marie avec Elfriede NEU. Le couple aura quatre enfants: Colette, Alfred, Roland et Danielle.

Charles était un homme bien connu à Barr, au vu du métier qu'il exerçait et de ses nombreux engagements associatifs (musique municipale, orchestre folklorique les Loejelegücker, Croix Blanche). Il  fut également, pendant de nombreuses années, sous-officier au corps de sapeurs-pompiers. 

Comme beaucoup de Barrois de sa classe, il servira, bien malgré-lui, sous des drapeaux différents et en des circonstances qui méritent d'être rappelées. 

Au début des années 1930, Charles est affecté dans une musique régimentaire (probablement du 27ème Régiment d'Infanterie stationné à Dijon). C'est là qu'il pourra travailler ses compétences musicales qu'il saura, par la suite,  mettre à profit des formations barroises dont il sera, soit le créateur, soit un membre actif et apprécié. 

La guerre éclate ! Charles est rappelé sous le drapeau français

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Alors qu'il est marié et père de la petite Colette qui a moins d'un mois, Charles est mobilisé dans l'armée française, au 68e RIF à partir du 3 septembre 1939. 

La débâcle française le conduira rapidement en captivité allemande, dès le 2 juillet 1940. 

En tant qu'Alsacien, il sera libéré quelques jours plus tard, le 12 juillet 1940, ce qui lui permettra de rentrer à Barr et retrouver les siens et son travail. Mais le répit ne sera que de courte durée... 

L'incorporation de force dans l'armée allemande

Ordre de mobilisation de Charles MEYER

avec sa traduction française.

Le 8 janvier 1944, Charles reçoit l'ordre de se présenter au centre de sélection de la SS. Cette première étape sera suivie d'un ordre de mobilisation qui lui parviendra dès le 10 février 1944Charles MEYER est enrôlé dans une unité de Police militaire (Ordnungspolizei), situation exceptionnelle, à l'époque, pour un Alsacien enrôlé de force dans l'armée allemande. Il est convoqué à l'école de la "Polizei Waffenschule III" (école de police armée), à DEN HAAG (Hollande). 

Charles MEYER (2ème à partir de la gauche)

avec des camarades de son unité.

Charles est fait prisonnier par les Anglo-Canadiens, puis libéré

Le 22 août 1944, Charles est admis à l'hôpital militaire allemand d'ERMELO (Hollande), pour y être soigné, suite à une otite qui s'est aggravée. Il quittera ce Lazaret le 5 septembre 1944.

Le 7 avril 1945, il subit une triple blessure par balles à la jambe gauche, à l’abdomen et au bras droit lors de combats dans la région de Nimègue en Hollande où il est fait prisonnier par les troupes anglo-canadiennes. Il passera 6 mois entre hôpitaux et captivité et sera remis aux autorités françaises, le 1er octobre 1945. Son sauf-conduit lui permettant de rejoindre les siens a été établi à CHALON-SUR SAONE et daté du 2 octobre 1945.

Les frères de Charles et son beau-frère Rodolphe NEU, tous incorporés de force !

Georges MEYER

(1919-1996)

Alfred MEYER

Rodolphe NEU

(1920-1944)

Les frères de Charles, Georges et Alfred, ont également survécu à leur incorporation de force dans l'armée allemande. Son beau-frère Rodolphe NEU, le frère de son épouse Elfriede, Barrois au moment de son incorporation, n'a pas eu cette chance. Il décèdera près de VARSOVIE, en Pologne, le 30 juin 1944, à l'âge de 24 ans.

Georges MEYER (1919 - 1996)

Par Jean-Pierre SCHMITTHEISLER

d'après les documents de Marc MEYER, son fils

Georges MEYER est né le 08/10/1919 à Barr au foyer de ses parents (Adolphe et Salomé) domiciliés rue de la Kirneck. Il passe une enfance heureuse en compagnie de ses deux frères Charles (1911) et Alfred (1921). Il apprendra le métier de menuisier ébéniste chez Robert DEGERMANN rue de la Gare à BARR.  Il exercera son métier au sein des menuiseries Schwimmer (rue neuve) puis Alfred Bossert (quai de l’Abattoir). Passionné de musique, comme ses frères il intègre la musique municipale de Barr dès son adolescence.

Le 21/05/1939 il est appelé sous les drapeaux et intègre le 158e RIF  à Strasbourg. Il profite de la période de la « drôle de guerre » pour se perfectionner au sein de la fanfare régimentaire, mais en mai 1940 avec l’invasion de l’armée allemande il est appelé (237e RI) à combattre en Seine et Marne où il est fait prisonnier à Provins le 15/06/1940. Le 29/091940 il est libéré et rentre au bercail pour reprendre ses activités de menuisier-ébéniste. Le 18/07/1942 il convole en justes noces avec Anne Nonnenmacher.

Le 21/05/1943 il est incorporé de force et affecté à l’Inf. Pionnier - Ersatz Kompanie à Hambourg-Fischbeck. Les bombardements alliés sur Hambourg se multiplient et Georges se retrouve le plus souvent à dégager les décombres et ramasser les cadavres. 
Le 25/02/1944 marque son départ pour le front russe. Peu de temps après, le 09/03/1944, près du Lac Ladoga (Russie), il est blessé par un éclat d’obus qui lui transperce le bras droit près de l’épaule. S’en suit une longue hospitalisation et convalescence au Marine Lazarett de Libau en Lettonie (du 11/03/44 au 22/03/1944), puis au Reserve Lazarett Neustettin en Pologne (du 30/03/1944 au 04/05/1944), puis au Reserve Lazarett de Sélestat (du 06/05/1944 au 14/09/1944) avant de repartir en Allemagne au Reserve Lazarett Langensalza en Thuringe (du 17/09/1944 au 03/11/1944).

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Georges MEYER au sein de la musique régimentaire

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Georges MEYER à Hambourg-Fischbeck en 1943

En ce début novembre 1944, il sollicite une permission de convalescence de quelques jours pour rejoindre Lahr (pays de Bade) avec le secret espoir de pouvoir franchir le Rhin pour rentrer en Alsace. Ayant obtenu le précieux sésame pour une permission du 08/11/1944 au 24/11/1944 à Lahr, il tente sans succès de franchir le Rhin à Kehl.
Après avoir obtenu un laissez-passer il traverse le Rhin à Marckolsheim, prend le train en direction de Sélestat où il est pris en charge par Joseph SCHWANGER qui y effectuait son ramassage de lait. Rentré à Barr, son arrivée est enregistrée par les autorités allemandes. 
Le 24/11/1944, dernier jour de permission il se rend à la gare de Barr pour prendre le dernier train en direction de Strasbourg, il fait tamponner son laissez-passer par le chef de gare avant de s’arranger pour rater le départ du train. Il se réfugie chez ses parents, rue de la Kirneck sans en toucher mot à son épouse et ses proches. Profitant de la débâcle allemande, il n’est pas recherché et attendra le jour de la libération de Barr, le 28/11/1944 pour sortir de sa cache. Il est déclaré réfractaire de l’armée Allemande, le 11 novembre 1944.

Georges Meyer sera démobilisé le 18/07/1945 au centre de Strasbourg. Il reprendra son activité de menuisier-ébéniste, notamment au sein de la Tannerie Degermann. Tout naturellement il réintégrera la musique municipale de Barr en tant que clarinette SOLO, en même temps il dirigera la musique de Zellwiller de nombreuses années ainsi que la musique CONCORDIA de Meistratzheim. Avec son frère Charles ils vont créer l’Orchestre Folklorique «LES LOYELEGÜCKER» de BARR.

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Georges MEYER au Lazarett en 1944 avec quelques camarades d'infortune

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Georges MEYER se retrouve miraculeusement à Barr en novembre 1944

Deux frères dans la tourmente

Par Christian SCHMITTHEISLER

d'après les documents de Jean-Marc BARTHEL

Ernest et Albert LEDIG

Ernest LEDIG né le 9 septembre 1926 et son frère Albert né le 15 juin 1925 sont les enfants de Camille LEDIG et Sophie MEYER, habitant dans la vallée Saint-Ulrich à Barr.

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Ernest est incorporé au RAD (service du travail obligatoire) du 4 octobre 1943 au mois de février 1944 pour y suivre le programme de formation paramilitaire et d’endoctrinement préalable à l’accomplissement du service armé. En février 1944 il est incorporé de force et affecté à la 2e SS Panzer Division « Das Reich » avant de rejoindre la SS Panzer Grenadier Regiment 3 «Deutschland».


Pour mémoire, cette unité d’élite avait enregistré de lourdes pertes lors de la bataille de Koursk, en juillet et août 1943, qui reste à ce jour la plus grande bataille de chars de l’Histoire. Il importait alors de reconstituer cette force qui comptait plus de 18.000 hommes, ce qui fut réalisé en incorporant 9.000 jeunes recrues dont notamment des Alsaciens incorporés de force, issus de la classe 26.

En juin 1944, son régiment est dépêché en Normandie pour repousser le débarquement allié. Ernest se bat dans la région de Caen où il est blessé par un éclat d’obus dans la cuisse droite le 4 août. Deux jours plus tard il est admis dans un hôpital parisien. L’avancée rapide des troupes alliées lui vaut d’être transféré à Zweibrücken, puis à Schirmeck où il poursuit sa convalescence et peut espérer un retour au domicile. Il n’en sera rien, puisqu’en décembre 44 et janvier 45, il participe à des combats près d’Anvers, puis à la contre-attaque allemande dans les Ardennes.

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Albert LEDIG dans l'équipe junior du FC Barr au stade de la Meinau

(accroupi, tout à droite de la photo)

L’échec de cette opération conduit l’état-major à renvoyer le régiment en Hongrie pour s’opposer à la prise de Budapest par l’Armée Rouge. Le 11 mars 1945, Ernest est blessé une 2e fois par éclat d’obus, toujours à la cuisse droite. Ernest est finalement fait prisonnier le 3 mai 1945 à Bregenz en Autriche et rapatrié à Strasbourg le 13 novembre 1945. 

De retour à la vie civile, Ernest LEDIG qui exerce le métier d’ouvrier tanneur, épouse en juin 1949, Charlotte Werlé, originaire de Barr. Le couple n’aura pas de descendance.


Par la suite, il intègre le Gaz de Barr en qualité d’ouvrier, jusqu’à son décès en 1986.


Il fut aussi pendant de longues années, membre actif du corps des sapeurs pompiers de Barr.

Son frère Albert LEDIG, lui aussi incorporé de force dans la Wehrmacht, connut un sort plus funeste, puisqu’il fut tué le 12 mars 1944 à Olchowez en territoire Russe où son corps repose au cimetière militaire de Grundinia.


De 1940 à 1942, il avait joué en équipe junior du FC Barr, notamment lors d’un match disputé en 1942 au stade de la Meinau contre le Rasensport Club Straßburg.

Jules FRIEDERICH (1924-2009)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Jules FRIEDERICH est né le 26 mars 1924 à Barr. Il est le fils de Charles FRIEDRICH et de Louise MEYER son épouse.

Il est affecté au RAD du 18/04/1942 au 25/09/1942 à Munich. Il est à cette époque, maçon dans l’entreprise Goetzmann-Offner à Barr
 

Dès le 19 octobre, il est incorporé de force au Infanterie-Ersatz-Bataillon 186 à Ansbach en Bavière et est affecté par la suite à un bataillon de grenadiers.
 

Fin 1942, son régiment en transféré vers les fjords de Norvège à Sunndalsøra. En octobre 1943, son unité se redéploie en Croatie et en Dalmatie où elle se repliera progressivement.

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Le 29 novembre 1944, Jules FRIEDERICH apprend par la radio que d’intenses combats sont livrés pour la libération de Barr et le 1er décembre il est promu au grade de caporal-chef.
Selon les éléments que nous avons pu recueillir, il se rend aux troupes des partisans yougoslaves aux environs de Zagreb vers le 10 mai 1945.

 

Retenu prisonnier à Belgrade, il est libéré de captivité le 15 août 1945 et démobilisé le 6 septembre par le Centre de Chalon sur Saône.
Au retour de la guerre, Jules FRIEDERICH reprend son métier de maçon. Il s’investit par ailleurs dans le corps des sapeurs-pompiers, la croix-blanche et sera élu au conseil municipal en 1965.

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Jules FRIEDERICH sous l'uniforme allemand (3e en partant de la gauche)

Frédéric KAYSER (1926-2008)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Frédéric KAYSER est né le 14 septembre 1926 à Barr.
En 1942, il exerce la profession d’employé de bureau et demeure, au 5 de la rue de l’Île, chez ses parents Charles KAYSER et Berthe LEHMANN.

Il est affecté au Reichsarbeitsdienst du 4/10/1943 au 3/1/1944 à Mayence en compagnie de plusieurs autres Barrois de son âge.
Un mois plus tard, il est enrôlé de force le 8 février 1944 dans la 4e SS Panzergrenadier-Division alors qu’il n’a même pas 18 ans et reçoit son instruction militaire au camp de Souge près de Bordeaux, puis Castets-en-Dorthe (Gironde) et Caraman (Haute-Garonne).
Le 6 juin 1944, son régiment est mis en alerte et dépêché en Normandie pour s’opposer au débarquement des alliés.

Le 28 juin 1944, alors qu’il combat dans le secteur de Caen aux côtés d’un autre Barrois, Ernest LEDIG, il est grièvement blessé par éclat d’obus dans le poumon.
Pris en charge dans un hôpital de campagne près de Caen, il est éloigné des zones de combats, successivement transféré à Alençon, Bagnoles de l'Orne, Garches en région parisienne, Bruxelles, Munster (Westphalie), Arlosen près de Kassel, Koenigstein et enfin Falkenstein (Bavière) où il termine sa convalescence.
A partir de janvier 1945, il rejoint son régiment qui a été transféré à Prague, pour s’opposer à l’avancée de l’armée rouge.

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Le 10 mai 1945, il est fait prisonnier par les troupes américaines.
Sa captivité dans le camp secteur d’Eger près de la frontière Tchécoslovaque, s’achève fin juillet. Il est remis aux autorités françaises et rapatrié par le centre de regroupement de Châlon-sur-Saône le 26 juillet 1945.
De retour à la vie civile, il est employé de bureau à l’usine Moïse, puis exerce la fonction de comptable au Gaz de Barr et sera président de la section locale de l’Union des Invalides de Guerre et Anciens Combattants.

Edouard KLING (1916-2016)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Edouard KLING est né le 11 octobre 1916 à Barr.
En 1936, il s’engage en tant que volontaire à l’Intendance Militaire de Strasbourg au titre du 159e régiment d’infanterie de montagne à Grenoble, puis au Bataillon de l’Air N°102. effectue son service militaire dans l’infanterie. 
Rappelé au service armé en avril 1940 au dépôt d’infanterie N°147, il fait prisonnier le 26/06/1940 à Saint-Germain.
Après deux mois de captivité, il peut regagner l’Alsace où il exerce le métier de professeur et refuse de se soumettre à l’administration allemande.

Le 19 avril 1943 il est incorporé de force dans la Wehrmacht et dirigé vers Zittau en Saxe pour une courte période d’instruction, avant de passer par des camps de rassemblements en Galicie et en Pologne pour être finalement dirigé vers le front russe central.
Incorporé au 215e régiment de la Sturmdivision commandée par le général Traut , il gagne le front dans le secteur de Kursk-Orel.
Après avoir participé à d’innombrables replis et décrochages, le 21 septembre 1943 vers 1 heure du matin, il profite d’un nouveau retrait pour rester dans la tranchée et se laisser capturer par les Russes dans le secteur de Strigino-Potchinok, au sud de Jelnja.
Le 20 novembre 1943, son chef de compagnie, l’Oberleutnant Hammerich adresse un courrier aux parents, leur annonçant la terrible nouvelle de la disparition d’Edouard leur laissant toutefois l’espoir qu’il aurait pu être en captivité.
Fait prisonnier par les troupes de Staline, il est dirigé vers le camp de rassemblement des Français de Tambov.
Malgré toutes les privations et les conditions sanitaires épouvantables, Edouard KLING qui subit le sort de tous les prisonniers du camp 188, survit aux rigueurs de l’hiver russe.
Le 7 juillet 1944, il fait partie du convoi des 1500 Français rapatriés à Alger.

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Très éprouvé physiquement et moralement par 9 mois de captivité, il doit renoncer à s’engager et est affecté au groupement des Français rapatriés de Russie à Maison Carrée. Il reste en Algérie jusqu’à sa démobilisation le 13 août 1945.

Après la guerre, il sera enseignant au Collège de garçons de Barr et terminera sa carrière vers 1966 en tant que surveillant général.

René LUTZ (1926-2004)

René LUTZ est né le 15 août 1926 à Barr. Il est le fils de Léon LUTZ et Marie MEYER domiciliés à Barr.

En octobre 1943, alors qu’il est apprenti ferblantier installateur chez Charles KIEFFER à Barr, il est affecté à la RAD Abteilung 6/252, tout d’abord à Mannheim puis à Mainz jusqu’au 3 janvier 1944. Durant cette période, il est en compagnie d’Ernest Diebolt, de Frédéric Kayser et d’autres Barrois encore.

Le 8 février 1944, il est incorporé de force dans la Marsch Kompanie / SS division das Reich, Regiment « Deutschland » au camp militaire de Souge, aux portes de Bordeaux, puis à Bazas.
Le 6 juin 1944, son régiment est dépêché en urgence sur le front de Normandie où les alliés viennent de débarquer. Il reste au combat dans ce secteur jusqu’au 23 juillet.


Le 24 juillet, son unité est transférée à Bastogne, sur le front de Belgique jusqu’en février 1945, pour un retrait à Prüm dans l’Eifel.
Le 8 mars 1945, son régiment est encore transféré en Hongrie pour tenter d’endiguer l’avancée de l’armée rouge, jusqu’au 5 mai 1945 où René Lutz est capturé à Budapest par les forces américaines.


Emprisonné en Autriche à Linz, Innsbrück puis Bregenz il est démobilisé à Strasbourg le 18 décembre 1945, 679 jours après son incorporation de force.

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Revenu à la vie civile, il reprend son métier d’installateur, se marie en 1947 avec Odette MENARD et intègre plus tard l’équipe technique du Gaz de Barr.
Il a fait partie de la musique municipale et des Loeyelegücker où il joue de la grosse caisse.

Lucien DIEBOLT (1919-1991)
Ernest DIEBOLT (1926
-1998)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Lucien et Ernest sont les fils de Michel DIEBOLT, maître sellier à Barr au 68 de la Grand-rue, et de Catherine LIBS, son épouse. Avant la guerre, ils ont tous deux appris le métier de sellier-bourrelier auprès de leur père.

Lucien DIEBOLT né le 29 février 1919 exerce la profession de sellier lors de la déclaration de guerre. En 1939, il effectue son service militaire au 94e régiment d’artillerie de montagne à Nice. Lors de l’invasion allemande, il est déployé sur la Somme au nord de Roye pour tenir la ligne Weygand. Il combat le 5 juin pour contrer l'attaque de la 4. Panzer Division. Entre le 5 et le 6, le régiment tire 36 heures d'affilée pour soutenir l'infanterie. Le soir du 6 juin, il doit se replier.
Du 9 au 12 juin, il est au nord de la région parisienne notamment dans la forêt de Senlis. Le 13 juin, les restes de l'unité de se replient. Ils traversent de justesse la Loire à Jargeau. Lucien est démobilisé par l’armée française le 10 septembre 1940 après dissolution du régiment.

Le conseil de révision allemand le reforme à deux reprises en 1943. Alors que les événements sont de plus en plus défavorables à l’armée du Reich et que les troupes alliées sont aux portes de l’Alsace, il est finalement incorporé, le 5 novembre 1944 dans la Luftwaffe au Flieger Ersatz Bataillon VII avant de rejoindre la 77e escadre de chasse (Jagdgeschwader 77) à Vienne (Autriche).
Le 2 mai 1945 il est fait prisonnier par l’armée russe en territoire tchécoslovaque, mais il s’évade pour rejoindre les troupes américaines et françaises à Probnitz dans le sud de la Pologne. Remis aux autorités françaises le 7 mai, il est rapatrié le 11 mai et démobilisé le 13 juin par le centre de Strasbourg.
De retour à Barr il reprend d’abord son métier de sellier avant d’ouvrir une épicerie au N°12 de la grand-rue. Engagé dans la vie associative, il sera membre actif de l’accordéon club de Barr.

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Lucien DIEBOLT sous l'uniforme français durant son service militaire au 94e régiment d'artillerie de montagne

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Ernest DIEBOLT, incorporé au RAD à 17 ans

Le 4 octobre 1943, Ernest DIEBOLT âgé de 17 ans, quitte Barr pour Mayence, en compagnie de Frédéric KAYSER et d’une dizaine d’autres jeunes Barrois pour le Reichsarbeisdients où ils restent jusqu’au 3 janvier 44. Ils y retrouvent encore Marcel KRETZ, une connaissance du village voisin de Stotzheim.
Le 1er mars 1944, il est incorporé de force dans la Wehrmacht et affecté en tant que canonnier dans un régiment d’artillerie motorisée à Neuruppin (Brandebourg).
Le 3 mai 1945, il est fait prisonnier dans le nord de l’Allemagne par les troupes anglo-américaines et interné au camp de Lensahn (Schleswig-Holstein).

Libéré le 12 juillet, il est démobilisé le 27 juillet 1945 par le centre du Wacken.
On le retrouve en bonne forme aux côtés des ses amis du vélo-club sur la photo de la « Journée Sportive de la Libération » qui s’est déroulée au stade municipal le 26 août 1945.
De retour à Barr, il reprend son métier de cordonnier-sellier avec son père jusque vers 1970 où il prend un emploi de magasinier au domaine Klipfel. Très impliqué dans la vie associative de la cité, il sera l’un des grands animateurs du vélo-club, des Bangeles du cercle Saint-Martin et fera partie du comité du basket.

Charles GRIMM (1916-1992)

Charles GRIMM est né le 16 juin 1916 à Barr.
Il est le fils d’Auguste GRIMM-FAHRLAENDER, galochier, et Marie Anne MUNSCH.

Avant la guerre, Charles GRIMM est ouvrier-tanneur.


A partir du 20 septembre 1939, sert dans la marine à bord du « Ville d’Oran », un ancien paquebot réquisitionné en 1939, transformé en croiseur auxiliaire, camouflé et armé de plusieurs canons de 105 et de mitrailleuses de 13,2 montées sur des tourelles pour la défense anti-aérienne.

Durant la drôle de guerre, il effectue des patrouilles en mer Méditerranée. Sous le commandement du capitaine de frégate Roqueblave, il est intégré à la force Z et participe au transport du corps expéditionnaire français en Scandinavie sous le nom X54. Le 12 avril 1940, il embarque, à Brest, les chasseurs alpins du 13e bataillon de chasseurs alpins et après une escale à Greenock, en Écosse, il atteint Namsos le 19 avril ou il est endommagé, avec l'Émile Bertin, lors d'une attaque aérienne dans le Namsenfjord.

Par Christian SCHMITTHEISLER

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Charles GRIMM lors d'une cérémonie au monument aux morts de Barr

Revenu en France, il fait partie de la flottille, composée des cinq paquebots et cargos, chargée de transporter l'or français, polonais et belge afin de mettre ces réserves hors de France, à l'abri des envahisseurs allemands. Escortés des contre-torpilleurs Milan, Épervier et du croiseur auxiliaire Victor Schœlcher, le convoi part de Brest le 18 juin, fait escale à Casablanca du 21 au 24 juin et atteint Dakar le 28 juin.
Charles GRIMM, quartier-maître canonnier, s’illustre lors d’une opération menée le 9 juin 1940, lors de l’évacuation des troupes françaises en Norvège, au cours de laquelle « il assure avec calme et précision le tir de sa pièce ». Pour cette action, il est nommé à l’ordre du bâtiment et décoré de la Croix de Guerre.
Il est démobilisé en décembre 1940, lors du démantèlement de l’armée française qui doit être réduite à 100.000 hommes cantonnés en zone libre et dans les colonies.

Le 25 novembre 1943, il est incorporé de force dans la 5. Marine Ersatz Abteilung sur l’île de Sylt sur la Mer du Nord avant d’être muté dans la 1. Marine Lehr Abteilung.
Par la suite, il intègre l’armée de terre (Heer) au Grenadier Ersatz und Ausbildungs Bataillon 457, puis le Grenadier Feldausbildungs Regiment 639 déployé en Lettonie.
Alors qu’il est affecté à la Divisions-Füsilier-Bataillon 215, il est blessé par éclats d’obus le 27 novembre 1944 en territoire letton. Pour cette blessure, il est décoré du Verwundetenabzeichen.
Transféré successivement à Neustrelitz, Rheine, Neunkirchen, il est fait prisonnier le 1er avril 1945 et interné par les américains à Neunkirchen.
Remis aux autorités françaises le 27 juillet 1945, il est démobilisé le 16 août 1945 à Strasbourg.
Après la guerre, il intègre la police municipale dont il devient le brigadier chef principal.

Edouard MOCK (1915-2005)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Edouard MOCK est né le 25 novembre 1915 à Barr.
Il effectue son service militaire du 01/09/06 au 01/09/38 et exerce le métier d’ouvrier-tanneur.
Il est rappelé au service actif une première fois du 24 sept 38 au 3 oct 38 lors de la crise des Sudètes, puis une 2e fois le 23 mars 1939 au 155e Régiment d’Artillerie de Position à Strasbourg dans le secteur de la Meinau. 


Comme de nombreux soldats français, il gardera la frontière sur la ligne Maginot. Il est fait prisonnier le 6 juin 1940 et libéré en tant qu’Alsacien-Lorrain le 14 juillet 40.

Incorporé de force le 19 avril 1943 dans la Wehrmacht.
Il est hospitalisé au Reserve Lazarett  de Kielce (Pologne) du 24 mai au 6 juillet 1943.
Le 3 septembre 1944, il s’évade en se rendant aux Russes.
Interné au camp de Tambov, il est libéré le 28/08/1945 et rapatrié par le centre de regroupement de Chalon-sur-Saône qui le démobilise le 15 octobre 1945.

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Edouard MOCK sous l'uniforme français au 155e Régiment d'artillerie

Henri BRUMPT (1921-2013)

Par Christian SCHMITTHEISLER

Henri BRUMPT est né le 21 février 1921 à Barr. Il est le fils de Joseph BRUMPT et Stéphanie KIRRMANN.
En 1943, il habite rue des pèlerins et exerce la profession de préparateur en pharmacie.
Du 07/10/42 au 10/04/1943, il est contraint au RAD à Rodewald et Neustadt am Rübenberge (Basse-Saxe).


A peine une semaine après son retour à Barr, Henri est incorporé de force à Leipzig à la Stamm Kie d’un bataillon de réserve de grenadiers.
Par la suite, il est successivement muté à la Marsch Kie 2. Grenadier Ersatz und Ausbildungs Btl., la 2. Marsch Kie / Grenadier Ersatz Btl 102, la 5. Kie Marsch Btl 14/9, pour être finalement versé dans l’artillerie à la Stabsbatterie I / Artillerie Regiment 187. 
Les combats le mènent dans les secteurs de Vitebsk (Biélorussie), Riga (Lettonie), Courlande, Libau, Dunaburg.
Le 22/04/1945, en pleine débâcle, il s’évade à WURZEN (district de Leipzig) déguisé en prisonnier de guerre français.
Nos recherche nous ont permis de retrouver le récit de son évasion :
Ayant combattu sur le front russe depuis le 12/1/45 (jour de mon arrivée à Witebsk) nous avons été du front Est, jetés sur le front ouest vu que les Américains avançaient plus vite que leurs alliés russes.
Là, j’ai fait la connaissance de soldats prisonniers français (de la campagne 39-40) qui m’ont donné les effets nécessaires pour me faire passer comme un prisonnier français. Comme j’étais le seul alsacien dans ma batterie, je n’ai aucun témoin de mon évasion. Ceci s’est passé le 22/04/45 près de Wurzen, entre Torgau et Leipzig.
Les Américains nous ont transportés par camions au Flugplatz Pöltzen (*) où avec 4000 soldats prisonniers français j’ai attendu le jour « J » de notre retour en France.
Le 15/5/45 j’ai passé au Centre de rapatriement de Metz
Le 16/5/45 j’étais chez moi, sain et sauf !


De retour à la vie civile, après 734 jours d’incorporation de force, Henri BRUMPT a repris son emploi de préparateur en pharmacie, métier qu’il a exercé avec passion à la pharmacie Stahl jusqu’à sa retraite.


(*) il s’agit plus certainement du Flugplatz Brandis près de Polenz qui a servi de centre de rapatriement de prisonniers de guerre à partir d’avril 1945

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