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La construction du chalet-refuge des éclaireurs
1971-1972


Souvenirs d'adolescence...

par Christian SCHMITTHEISLER 

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En 1971, nous étions une poignée de louveteaux âgés de douze à quatorze ans et les activités proposées ne correspondaient plus trop à nos aspirations : ateliers bougies, macramés et autres jeux de pistes n’étaient plus à notre goût et la compagnie des « petits » devenait ennuyeuse.


Le groupe avait vécu depuis quatre ou cinq ans au fil des réunions hebdomadaires, des camps estivaux (Saint-Rémy-de-Provence en 1968, L’Isle-sur-la-Sorgue en 1969, Ardaillers en 1970) et nous étions atteints par la limite d’âge.


Finis le short en velours bleu marine, la chemise bleue ciel et le béret des louveteaux ! Nous allions endosser notre nouvel uniforme et notre nouveau statut d’éclaireur unioniste (short en velours beige, chemise verte et foulard bleu à liseré rouge), une belle promotion en quelque sorte.

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Mais ce n’était pas suffisant : il fallait donner une nouvelle orientation à nos activités, un nouvel objectif à nos réunions pour que le groupe puisse rester soudé et s’épanouir au risque de voir la troupe disparaître. Pour cette première année, nos réunions du samedi après-midi avaient lieu dans un local du premier étage des usines désaffectées Degermann quai de l’abattoir.

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C’est Marc Koegler qui prit la troupe en main. Il fallait créer un vrai projet et vivre de nouvelles aventures de groupe. 
Le secret était bien gardé par Marc et son père qui avaient déjà travaillé dans l’ombre et engagé les premières tractations auprès de la mairie. 


C’est lors de notre réunion hebdomadaire qu’il nous dévoila les plans du chalet-refuge qui allait devenir notre futur local. La surprise était totale et l’enthousiasme général. Il restait à connaître le lieu de cette réalisation, la clairière du «Turnerhiesel».

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Un chalet refuge au Turnerhisesel


Lors de la séance du Conseil Municipal de janvier 1971, la mairie se déclara favorable à l’érection d’un abri-refuge au «Turnerhiesel».

Pour la petite histoire, cette clairière et sa pinède ombragée au sommet du Kirchberg étaient un lieu de promenade prisé des Barrois et surtout, elle était depuis 1884, le théâtre des exploits sportifs des gymnastes («Turner») puis des premiers footballeurs barrois. Un abri en bois, le «Turnerhiesel» (maisonnette des gymnastes), dont il ne restait plus que les fondations avait été érigé à cette époque et avec le temps le terrain avait partiellement été envahi par les ronces. 
Pour répondre aux autorisations accordées par la mairie, l’emprise du nouveau local devait correspondre à celle de l’ancien édifice. Cependant, pour accueillir les promeneurs en cas d’intempérie ou pour leur pique-nique, une extension fut accordée sous forme d’auvent mi-ouvert. Les plans du chalet revus et corrigés pour répondre à ces exigences furent soumis à la mairie et validés.

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Nous étions parfois une dizaine à l’arrière  du Citroen HY qui nous menait au Kirchberg.

Une fois le projet partagé et adopté par la petite troupe, il restait à trouver quelques financements ce qui fut réalisé à l’occasion d’un spectacle de théâtre et de chants organisé en commun avec les louveteaux et leurs homologues féminines les «petites ailes» au foyer protestant. La salle était comble et la recette nous permettait d’envisager l’avenir avec sérénité.


Comme le voulait notre devise, nous étions «toujours prêts» et il ne nous restait plus qu’à retrousser nos manches pour nous mettre à l’ouvrage avec entrain. Le plus dur restait à faire d’autant que nous étions jeunes et à vrai dire assez inconscients de l’ampleur de la tâche qui nous attendait !
Notre lieu de rendez-vous restait le quai de l’abattoir où Marc venait nous prendre en charge avec le Citroën HY bâché de la FABAR, l’entreprise de ses parents. Quand la camionnette était indisponible, nous montions au Turnerhiesel à pieds ou à vélo.

Les travaux préparatoires

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Dès janvier 1971 nous avons consacré nos premiers travaux à dégager les fondations en granit et nettoyer la petite esplanade. La nature avait repris ses droits et il ne restait qu’un vieux banc rouillé et cerné de ronces sur le petit promontoire qui surplombait la clairière.

Ensuite, nous nous sommes rendus dans le massif du Mont Sainte-Odile où une coupe de bois avait été réservée par la mairie à notre attention. A l’aide du tracteur piloté par M. Ferrenbach, nous avons regroupé les grumes d’une dizaine de mètres de long et les avons chargées sur le camion de Jean-Claude Gloeckler (lui-même ancien éclaireur) qui les a transportées jusqu’à la scierie de la vallée.

Avant d’entreprendre la construction à proprement parler, nous avons procédé à la consolidation et à l’extension des fondations. Les tiges filetées auxquelles l’ancienne structure était fixée furent récupérées et remises en état par Christian Koell spécialiste en la matière dans la forge de son père. Les préparatifs du chantier avançaient doucement à raison d’un samedi après-midi par semaine.

Désormais, le travail de scierie nous attendait chez Ferrenbach afin de procéder au sciage en long des grumes au gabarit de 15 cm afin les rendre utilisables pour leur empilage et leur assemblage final un peu à la manière d’un chalet suisse. Les chutes furent précieusement conservées pour confectionner diverses huisseries et les planchers.

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Les fondations sont prêtes

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Le gros oeuvre

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La pose du premier tronc eut lieu à la Pentecôte, opération cruciale puisque chaque rangée supplémentaire allait en dépendre.


Les tâches étaient bien réparties : les uns écorçaient les grumes à la «plane» puis les traitaient au xylophène, les autres s’occupaient de la pose et du sciage à mi-bois pour emboîter les troncs. En peu de temps, les deux premières rangées étaient posées et boulonnées aux fondations à l’aide des tiges filetées préparées par notre maître forgeron Christian Koell. 


La construction et l’empilement des troncs avançaient petit à petit, mais un peu trop lentement à raison d’un après-midi par semaine. Pour accélérer la cadence, nous avions décidé de planter la tente et poursuivre le chantier le dimanche. 

L'élévation

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A partir de la troisième rangée, les grumes étaient taraudées et chevillées afin de les solidariser entre elles et au fil de quelques semaines, l’ouvrage s’était élevé jusqu’au niveau du premier étage. Les embrasures de la porte et des fenêtres avaient été fixées par mortaises et tenons de sorte qu’elles étaient solidement intégrées aux pans de murs. 
En juillet, nous partons en camp à Thilay dans les Ardennes : deux semaines sous la tente en sédentaire puis une semaine mémorable de navigation en radeaux sur la Meuse (d’autres avaient choisi la randonnée ou le vélo). Les troupes de Chelles, Cronenbourg, Barr et Lingolsheim avaient participé à cette aventure originale qui s’est achevée prématurément par le chavirage de l’un des radeaux après un passage d’écluse, heureusement sans dommage et tout le matériel avait pu être sauvé du naufrage.
Mais dès notre retour, nous reprenons le travail pour terminer la couverture avant l’hiver.


Et ainsi, au fil des week-ends le gros-œuvre progressait à vue d’œil et nous poursuivions l’ouvrage avec enthousiasme jusqu’à la pose de la poutre faîtière dont l’installation couronnait l’achèvement de la charpente. C’est avec fierté, à la manière des compagnons charpentiers, que nous avons décoré le pignon Est d’un sapin. Jusqu’à la pose de la charpente, nous n’avions utilisé ni clou ni vis, le tout étant assemblé et solidarisé par chevillage. Il devenait urgent de s’attaquer à la couverture, ce qui fut réalisé par le lattage puis la pose des tuiles de récupération en provenance des anciennes tanneries barroises en cours de démolition et d’un stock offert par la mairie. Le pan Sud fut couvert de tuiles violon mécaniques du plus bel effet et le pan Nord de tuiles plates de type «Bieberschwantz» posées en double couverture. Fin novembre, la toiture était terminée et nous pouvions attaquer les travaux intérieurs.

Pentecôte 1971 : nous posons les premiers troncs.

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La scie passe-partout qui devait nous donner quelques ampoules...

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Une tuile violon mécanique

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« Bieberschwantz » en double couverture

Les travaux intérieurs

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L’hiver arrivant, nous pouvions à présent travailler à l’abri et nous attaquer au confort du chalet en maçonnant une cheminée en pierres à feu ouvert et un poêle en briques réfractaires (toujours du matériel de récupération provenant de la démolition d’une cheminée d’usine) avec plaque de cuisson en fonte pour notre popote.
Les planchers et les huisseries posés en décembre avaient été façonnés dans les ateliers FABAR où nous nous sommes familiarisés avec les raboteuses et autres dégauchisseuses.
Le chalet étant chauffé et parfaitement habitable, nous n’avons pas manqué l’occasion de fêter le nouvel an sur place.
Au printemps, nous avons construit des toilettes à l’orée du bois selon le même système de construction du chalet : il nous restait du bois et des tuiles, autant utiliser le matériel disponible à bon escient. Malheureusement l’édifice qui était pourtant solide, ne résista pas bien longtemps : vandalisme ou défaut de conception, personne ne connaîtra jamais la cause de l’écroulement, mais nous avions bien notre petite idée sur la question, d’autant qu’une première effraction du chalet avec vol de matériel avait été constatée.
Simultanément, les travaux intérieurs se sont achevés au printemps avec l’installation de bancs-coffres pour ranger notre outillage et notre matériel de campement, une grande table et un banc pour nos repas, et une échelle fixe pour accéder au dortoir. Il restait enfin à réaliser le pavage en rondin de l’auvent, d’installer les bancs extérieurs pour les promeneurs et procéder à un dernier nettoyage des abords. 

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Novembre 1971 : la toiture est terminée

L'inauguration

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Tout était fin prêt, jusqu’à la plaque de bois marquée au pyrograveur qui portait fièrement la mention «Chalet-refuge des éclaireurs unionistes de Barr». En un an seulement, nous avions relevé le défi !
L’inauguration officielle s’est déroulée le 4 juin 1972 lors d’une kermesse en présence du maire Marcel Krieg et de nombreux anciens éclaireurs. 
Les Barrois qui s’étaient déplacés nombreux pour découvrir notre réalisation dont nous étions tous très fiers, se sont longuement attardés dans la pinède ombragée pour s’y désaltérer et échanger leurs souvenirs de jeunesse, heureux eux-aussi que ce lieu de promenade tant prisé retrouve une seconde vie. De l’aveu même de M. Degermann qui représentait les anciens éclaireurs il ne croyait guère à l’aboutissement de notre projet : Les faits devaient lui donner tort et cette remarque nous rendit d’autant plus fiers de notre succès.

Nos autres projets

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Durant l’année suivante nos projets d’amélioration du confort des lieux foisonnaient. 
Nous voulions remédier au manque d’eau : Il fallait remplir les jerrycans à la maison forestière du Moenkalb et gérer le stock avec parcimonie. Qu’à cela ne tienne, Marc s’est mué en sourcier et à l’aide de sa baguette de coudrier, nous désigna l’endroit où nous allions creuser notre puits. Nous avons creusé et trouvé de l’eau à peine un mètre sous le niveau du sol, mais la fosse se remplissait au fur et à mesure du creusement, et nous avons abandonné notre entreprise qui pourtant prenait le bon chemin. 
Enfin, nous avons projeté d’installer un système d’éclairage avec toujours une vision écologique du projet. L’idée consistait à positionner une éolienne et un alternateur au sommet d’un grand sapin (un mât avait même été installé sur le plus grand sapin derrière le chalet), pour charger des batteries, puis alimenter le chalet pour un éclairage en 12 volts des 2 étages. Mais là encore, le projet fit long feu pour des questions techniques que nous n’avons pas su résoudre… (le système d’éclairage avait été installé et il fonctionna plus tard avec des batteries et un petit groupe électrogène)

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Parmi nos autres réalisations, nous avions réintroduit la tradition du feu de la Saint-Jean dès juin 1972. Là encore, nous avions chargé un camion de rondins dans la forêt afin d’ériger notre bûcher sur les flancs du Kirchberg. Pour une première, ce fut une réussite et les Barrois furent assez nombreux à nous rejoindre dans la soirée.


L’année suivante, nous avions opté pour un camp pédestre itinérant autour du massif de la Chartreuse et nous nous sommes retrouvés une dernière fois au courant de l’été 1973 pour une semaine de randonné dans les Vosges, mais l’envie n’y était plus trop et peu après, chacun s’en est tourné vers ses propres horizons.

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C’est avec une certaine émotion que j’ai découvert qu’en 2006 puis 2015, le groupe des éclaireurs de Barr s’est attaché à la restauration de notre chalet qui selon ce que j’ai pu constater, a assez bien résisté aux outrages du temps mais a malheureusement beaucoup souffert d’actes de vandalisme…

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La dernière tentative de restauration a été réalisée en 2019 par le Lions-Club de Barr avec la réfection du toit du chalet alors que la commune a aménagé d’une aire de loisirs.

Les lieux et ce refuge ont retrouvé l’usage auquel ils avaient été destinés en 1884 et que nous avions réhabilités il y a près de 50 ans : il est à espérer qu’ils resteront encore longtemps le cadre de la traditionnelle « Maycür » du 1er mai au «Chalet-Waldel».

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Une bouteille contenant la liste complète des participants à ce projet a été enfouie sous le plancher du rez-de-chaussée, à l’aplomb de la trappe d’accès au 1er étage : Elle aura probablement disparu avec les vicissitudes du temps et par la faute des dégradations perpétrées par des vandales de toutes sortes !

1998 - Quinze ans après son inauguration, le chalet est entièrement pillé, les bancs, portes, volets et le dallage de l'entrée en rondins sont arrachés et ont été brûlés. 

La troupe locale entreprend la première campagne de réhabiliation.

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Le chalet-refuge dans son état final, quelques semaines avant son inauguration. Le chalet est fin-prêt et les abords sont nettoyés.

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Nous avions de 12 à 14 ans, avec 2 encadrants âgés de 16 ans et un seul responsable âgé de 19 ans:

Marc Koegler, Jean-Paul Stoquert, Jean-Philippe Eissen, Claude Cossutta, Philippe Amé, Thierry Bostetter, Jean-Louis Ferrenbach, Ralph Grohens, Christian Genez, Marc Herrbrecht, Daniel Koch, Christian Koell, Michel Liebau, Christian Schmittheisler et d’autres encore qui ont occasionnellement apporté leur soutien comme Roland et Daniel Lange, Marc Schambach, René Colas, Kaya… sans oublier Marianne Willm qui était comme il se doit notre infirmière attitrée.

En tout, nous avons dépensé 1500 Frs ! Tout le reste a été réalisé avec des matériaux offerts par la ville, d'anciens éclaireurs, des parents d'éclaireurs et beaucoup d'huile de coude ...!

Nous n'avons acheté que le ciment, le sable, les planchers et payé la location de la scierie avec un ouvrier.

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Avec une pensée particulière pour Marc, Michel et Christian qui nous ont quittés.

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En 2005, le chalet est dans un état pitoyable

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Squatté pendant quelques années, puis laissé à l’abandon, il a subi des nombreuses dégradations: tuiles cassées, bancs, porte et fenêtres arrachés et brûlés. Une partie du plancher au sol manque, ainsi que la quasi-totalité de l’étage. Le toit, aux ouvertures béantes, ne protège plus la charpente et l’intérieur du chalet contre les intempéries.

Tout a été méticuleusement pillé, détruit et brûlé...

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Heureusement que les différents groupes qu'ils soient scouts ou éclaireurs sont restés attachés à ce lieu et n’ont jamais cessé de venir camper le WE sur le terrain attenant au chalet.

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Ils ont au moins engagé trois campagnes de réhabilitations pour essayer de sauver ce refuge.

Mais à chaque fois, les vandales se sont chargés de réduire leur travail à néant ! 

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En 2015, la toiture est entièrement refaite !
Les éclaireurs au chevet du chalet


Les scouts du groupe des éclaireurs du Piémont de Barr se rendent chaque samedi au chalet situé dans une clairière près du Monkalb pour le restaurer.

 

Le Lions club local les aide, avec notamment un ancien président Jean-Pierre Seckler, à la tête d’une entreprise de couverture à Andlau.

Il leur a offert une journée pour la mise en route du chantier, a fourni le matériel nécessaire et donné des conseils.

 

Le toit est posé, un étage a été aménagé au sec. Samedi vers 17 h, les 17 éclaireurs, sous la responsabilité de Flavie Oesch et de Rosine Ludwig, ont invité les familles pour constater le travail accompli.

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(Article DNA du 02/07/2015)

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Novembre 2019 : Le Lions Club de Barr pose la nouvelle toiture

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Le chalet après sa réhabilitation de 2019 (photos de juillet 2021)

Combien de temps résistera-t-il ?

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