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La libération de Barr et de ses environs

par Christian Schmittheisler

Gertwiller 27 et 28 novembre 1944

A l'aube du 27, la colonne du 25e, précédée par le peloton de jeeps et de véhicules blindés M-8 du lieutenant Compton, s'éloigne de Schirmeck.

 

Le temps a changé, le ciel est clair, l'aube gris ardoise est parsemée de rose alors que le soleil se lève à l'Est du côté de l'Allemagne.

 

Derrière les véhicules de reconnaissance se trouvent les énormes chars medium, peints en mat, du 1er peloton de la compagnie A-25 du lieutenant Jesse Tomey (capitaine Thomas H. Lasater), sur lesquels sont montés des fantassins de B-62, puis le reste de la compagnie A-25, les canons d'assaut de la compagnie du quartier général (commandés par le lieutenant John R. Martin), et le reste du bataillon.

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La colonne est entrée dans Obernai et les civils ont indiqué au sergents Edwin N. Winge et Bernard D. Schmaltz, dans la jeep de tête du 94e, que l'ennemi était à Goxwiller, la localité suivante. La colonne avançait lentement vers Goxwiller sur l'étroite route alsacienne, le long des douces collines, entre les champs détrempés et en jachère. Les hommes de la reconnaissance ont repéré un barrage routier à l'entrée du village, et le signalement a été communiqué au lieutenant Tomey. Il envoya le Sgt Nolan P. Wesson, avec une section de chars moyens, pour le détruire. Wesson se heurta à des tirs de mitrailleuses et de mortiers, mais il fit sauter le barrage avec ses canons de chars et le 500e bataillon d’artillerie blindée en soutien commença à tirer sur Gertwiller, le village voisin de Goxwiller, pour couper la retraite aux Allemands.
 

Les chars d'assaut de pointe roulèrent prudemment à travers Goxwiller, puis vers Gertwiller.
A deux cents mètres de Gertwiller, les véhicules de tête arrivèrent sur un autre barrage routier, défendu par des mitrailleuses. Les canons des chars de Wesson firent sauter les nids de mitrailleuses, mais cette fois, le barrage était trop important pour des canons de 75 MM et il ne put le détruire. Martin a posté ses obusiers de 105 MM et a ouvert un passage pour les chars. Les chars progressent dans la ville, tirant au fur et à mesure. Un pont a été détruit, mais Tomey a trouvé une une voie de contournement et a fait passer son peloton.

 

Les hommes du B-62 mirent pied à terre, ôtèrent leurs lourds manteaux et leurs outils de retranchements, se sont chargés de grenades à main et de munitions : lentement, prudemment, la compagnie entrait en ville en colonne de sections, le long de la rue principale. Les éléments avancés ont atteint l'extrémité du village et ont commencé à mettre en place une défense de périmètre.

Les hommes de la 2e section, C-125, les ont suivis pour installer une passerelle. Puis les sapeurs ont découvert que l'ennemi avait inondé une rue qui pouvait servir de voie de contournement et, sous le feu, le Sgt Robert Lewis, Tec/5 Bernard Latowski, Corp. Warren C. Shelley, Pfcs. Ralph Breedlove, Harold I. Stutz, et Ernst Haber commencèrent à déblayer les débris qui bloquaient l'eau. 


Le ciel s'assombrit et au soir juste avant le crépuscule, le 25e a reçu l'ordre de sécuriser Gertwiller pour la nuit. Les Allemands procédaient à des tirs d'artillerie et de mortiers intermittents sur la ville et alors que les chars d'assaut ont reçu l'ordre de se regrouper, dans la lumière déclinante. Juste au crépuscule, un canon antichar allemand à grande vitesse de 88 mm soigneusement camouflé a tiré à bout portant et a touché le char du lieutenant Tomey trois fois en l'espace d'un souffle : le lieutenant Tomey et le Tec/4 Porter C. Tucker ont été tués. Le Sgt Wesson a ordonné au peloton de se retirer et l'enfer a commencé à se déchaîner pour le 25e.


Le char de Wesson a été touché et immobilisé : Wesson et le Tec/4 James W. Mitchell ont été commotionnés, et le reste de l'équipage (Sdt Eloy Ortiz, Sdt Clarence G. Deighton, et le Corp. Eugene Podraza) les a mis en sécurité. Le char du sergent Ray Taylor a été touché par le même 88, mais l'équipage s'est mis à l'abri et le sergent Warren F. Roberson a dévié son char à temps.
Tout Gertwiller était en flammes et en action.

Les fantassins montés sur un char Sherman à Schirmeck

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Obusier automoteur de 105 mm

Le pont sur la Kirneck au bas de la rue principale est rétabli. La Colonne prend la direction de Saint-Pierre

Les Allemands ont dynamité le pont sur la Kirneck. Les charges ont mal été posées : le pont à résisté mais toutes les maisons environnantes ont été soufflées par l'explosion

Les fantassins des B-62 couraient de maison en maison, se précipitant dans les rues sombres et juste éclairées par les explosions, de porte en porte, lançant des grenades et se jetant au sol. Le grondement des canons des chars, trois fois plus fort dans l'obscurité, résonnait dans la nuit.

Gertwiller était plein d'Allemands, cachés dans les maisons et les caves, et maintenant ils commençaient à tirer : les mortiers allemands frappaient sans cesse et les tireurs d'élite abattaient les hommes un par un.

Les tankistes de la section du lieutenant Robert S. Walton tiraient des obus de 75 aussi vite qu'ils pouvaient les charger dans la culasse. Le sergent Levi Wood a repéré un tireur d'élite derrière une cheminée et lui a tiré une salve de HE[1]. Le sniper et la cheminée ont été pulvérisés.

Au bout de quelques heures, la situation s'est calmée.

L'officier de ravitaillement du 25e, le lieutenant Morris Wax, commença à faire circuler du carburant et des munitions dans la ville. Les hommes de la première section épuisés se replièrent et les fantassins se dirigèrent vers les avant-postes. (La 2e section, C-125, a fait ses premiers prisonniers lorsque deux Allemands se sont rendus au Pfc Cleobule Trahan).

Le lieutenant Lloyd T. Sexton, chirurgien du bataillon, à un kilomètre de la colonne avec ses ambulances et ses jeeps, reçut un message radio indiquant que le bataillon subissait des pertes et se retira pour installer son poste de secours dans la cave d'une maison à Obernai. Dans la soirée, le nombre de blessés augmenta tellement que le poste de secours dut être transféré à l'école d'Obernai.

 

[1] HE : obus hautement explosif.

Le calme à Gertwiller n'était que temporaire et à 3 h 30, les tirs d'artillerie qui étaient en train de s'abattre se déchaînèrent soudainement dans une nouvelle sauvagerie. Le "brrrrrrr" caractéristique de la mitrailleuse allemande à tir rapide[1], les "roteuses", fendit l'obscurité. L'infanterie allemande, en grand nombre, s'était infiltrée dans les avant-postes et se trouvait en bordure de la ville et l'enfer se déchaîna à nouveau. (Le soldat Preston Snowden du 125e s'est rendu compte que l'ennemi s'était infiltré alors qu’il était dans la rue pour prendre un bidon d'essence. A cet instant une mitrailleuse lui a tiré dessus par l'arrière et il s'est soudain rendu compte qu'il ne savait pas où était l'ennemi : il était exactement là où il pensait que ses propres troupes se trouvaient). Le char du Sgt Woods a été touché à présent et a été récupéré plus tard sous le feu par le Sgt Dawson D. Hightower et son équipage. L'attaque allemande étant trop forte et l’ordre de se retirer dans les maisons de Gertwiller a été donné.

(Tec/3 Joseph R. Maiorana (*), 62e Medic, est allé chercher une ambulance et est revenu avec l'ambulance et les chars; il a été tué portant secours aux blessés et a été recommandé pour le DSC.

(*) D'après nos recherches, le soldat Maiorana est mort à Philippsbourg lors de l'opération Nordwind. C'est donc plus probablement un autre soldat, le  Pvt Donald L GRIFFETH, du 62e bataillon d'infanterie qui est mort à Gertwiller.

Pour l'infanterie, le retrait fut plus facilement ordonné qu’il ne fut réalisé. Les patrouilles allemandes étaient parvenues à traverser les lignes; les tirs de mitrailleuses ennemies, rasants et meurtriers, coupaient la surface de la terre en une nappe de mort intermittente; les tirs d'artillerie et de mortier augmentaient régulièrement leur intensité. Les hommes étreignaient la terre dans l'obscurité glaciale; on pouvait les entendre pleurer, crier, prier. (Et, au milieu du chaos, le Tec/5[2] Donald Horton se tournait vers le soldat William J. Van Hisa et disait : "Il fait froid, n'est-ce pas ?")

Les hommes attendaient la fin de la rafale d'une mitrailleuse, se levaient et tiraient dans l'obscurité totale à l’endroit où les éclairs de la mitrailleuse avaient jailli, puis replongeaient au sol alors que l'ennemi ripostait à trente mètres à peine. Les mortiers de 60 MM du B-62 tiraient à une distance de 200 mètres; les manutentionnaires apportaient des munitions, les infirmiers parcouraient le front homme par homme. Il a fallu trois heures pour sortir de ce trou infernal, en exfiltrant un homme à la fois, en rampant, dans l'obscurité, pour revenir en ville, en portant des munitions, des armes. Les soldats se sont réfugiés dans les fermes françaises, se sont affalés sur des chaises, sur des tables, sur le sol, ont allumé une cigarette, ont cherché des copains ("Où est Johnny ? Vous avez vu Johnny ?" "Je ne l'ai pas vu depuis...") et passèrent une nuit terrible; les 2e et 3e sections avaient supporté le poids de l'attaque; maintenant les sections antichars et la 1ère section se retranchaient; alors que le premier éclat de grise lumière pointait à l’est, l'ordre vint de se replier sur Goxwiller. Les 2e et 3e sections ont formé des lignes d'escarmouche; les 1ère et 3e sections antichars les ont dépassées (chefs de section : 1ère section lieutenant William Lanier; 2e section lieutenant Bernard McNally, vétéran du théâtre du Pacifique; 3e section lieutenant Robert Peoples; section antichar, lieutenant William Suenkel, également vétéran du Pacifique; commandant en second, lieutenant John Wheeler). L'ennemi s'était complètement infiltré dans la ville, et les hommes de A-25 et de B-62 durent riposter à Goxwiller.

 

Le lieutenant Robert S. Walton de A-25 couvrait le retrait de l'infanterie avec ses chars; ils étaient déployés le long de la route, tirant sur les maisons de Gertwiller où les Allemands s'étaient installés, et tirant sur les flancs où les Allemands avaient installé des mitrailleuses pour arroser les routes. Les mortiers allemands ont pilonné les routes pour piéger les hommes qui battaient en retraite. Les fantassins, peu familiers de la ville, se perdaient dans les ruelles effrayantes et meurtrières; les artilleurs restaient à leurs canons qui claquaient pour couvrir leurs camarades en retraite jusqu'à ce que les grenades ennemies les arrêtent. Un sniper a tiré une salve entre le Tec/5 Basil Devilbiss et le Tec/5 Roland Kaiser du 125e, et un canon de char l'a abattu.

 

[1] La Maschinengewehr 42 allemande, plus connue sous son code de nomenclature « MG42 » est considérée comme l'une des meilleures mitrailleuses de la Seconde Guerre mondiale avec uen cadence de tir de 1200 à 1500 coups/mn.

[2] Le technicien de cinquième grade (abrégé en T / 5 , TEC5 ou TEC-5 ) était un soldat qui possédait une qualification technique particulière. Ceux qui détenaient ce grade étaient qualifiés de caporal , bien que souvent appelés «caporal technologique». Les techniciens possédaient des compétences spécialisées. Les techniciens se distinguaient facilement par le «T» imprimé sur le chevron standard de caporal sans aucune autorité de commandement.

Les dommages causés le dynamitage du pont sont considérables

L'église catholique a subi des dommages et la ferme voisine a été soufflée par le dynamitage du pont par les Allemands

Le 125e Génie installe un pont sur la Kirneck

Le 1er peloton, le dernier à quitter la ville, a été isolé et a fait face à l'anéantissement ; mais dans le 2e peloton se trouvait le Sdt Kenesaw Goheen. Le capitaine James Mohr, commandant la compagnie B déclare :

"Le 27 novembre 1944, après que ma compagnie ait capturé la ville de Gertwiller, en France, les 1ère, 2e et 3e sections de fusiliers ont reçu la mission de progresser dans la ville. Le soldat Kenesaw Goheen était fusilier dans la 2e section.

"Dans la nuit susmentionnée, vers 21h30, l'ennemi a commencé à opposer une forte concentration de tirs de mitrailleuses, de fusils et de mortiers, le 2e peloton recevant l'impact initial de l'attaque ennemie.

"L'ennemi était en excellente position, une mitrailleuse en particulier tirant avec une précision meurtrière. Goheen repéra la position ennemie à environ 200 mètres de distance et, sans poser de questions, sortit de sa position sécurisée et se mit à la recherche de la mitrailleuse. Il a rampé sur une cinquantaine de mètres lorsque les Allemands l'ont repéré et l'ont assailli de leurs tirs. Une pluie continue de tirs de mitrailleuses lourdes, de pistolets mitrailleurs et de fusils a criblé toute la zone et a soulevé la terre à quelques centimètres de lui. Goheen a continué à avancer et, à environ 25 mètres de la position ennemie, a lancé une grenade à main qui a neutralisé la mitrailleuse et tué deux Allemands. L'autre Allemand a levé les mains. Goheen a fait descendre le prisonnier et a rampé devant lui pour le ramener au PC de la section.

 

"Goheen était à peine revenu qu'une autre mitrailleuse avait ouvert le feu sur le peloton depuis une position située à quelque 350 mètres. Goheen s'est de nouveau chargé de faire taire l'arme. Il s'est mis à ramper vers l'avant et a parcouru une centaine de mètres lorsqu'il est tombé sur le soldat Johnson du peloton antichar, qui était blessé et souffrait terriblement. Faisant preuve d'un grand discernement, Goheen décida de revenir avec l'homme blessé. Alors que les tirs nourris se poursuivaient, il a traîné et transporté le soldat Johnson à l'abri. Le soldat Johnson avait été gravement blessé et, à mon avis, il serait probablement mort de traumatisme et des suites de ses blessures si Goheen n'avait pas agi et réfléchi aussi rapidement.

"Vers 23h30, la deuxième section avait presque épuisé son stock de munitions pour mitrailleuses. Entre-temps les Allemands s'étaient infiltrés dans la ville par les avant-postes et, de ce fait, le peloton s'est retrouvé coupé du reste de la compagnie. Goheen s'est immédiatement porté volontaire pour retourner au PC de la compagnie à travers les lignes allemandes afin d'obtenir plus de munitions de mitrailleuses. Face aux tirs meurtriers des mitrailleuses et des snipers, il a couru, esquivé et rampé sur environ 800 mètres à travers la ville. Les balles pleuvaient jusqu'au moment où il est arrivé au PC. Miraculeusement, il n'a pas été touché. Il s'est immédiatement chargé de ceintures de mitrailleuses en les accrochant autour de son cou et a commencé le voyage de retour. Goheen est un homme d'environ cinq pieds neuf pouces de haut et pesant environ 150 livres. Je ne sais pas comment il a pu se retrouver à 15 pieds du PC avec toutes ces munitions. Il a dû ramper à travers la majeure partie de la ville, à environ 800 mètres, avec une charge qu'un homme de force physique ordinaire aurait du mal à supporter. Il a rejoint la section juste au moment où la dernière cartouche de mitrailleuse était tirée.

"Grâce à l'action de Goheen, la section a pu tenir la position cette nuit-là.

 

"Le lendemain matin vers 8h00, j'ai ordonné aux sections de se retirer et de se réorganiser. La compagnie s'est rassemblée, y compris le 2e peloton de fusiliers. Cependant la 1ère section était maintenant complètement encerclée sur le côté gauche de la ville et les derniers ordres qu'elle avait reçus étaient de tenir à tout prix. J'ai envoyé trois messagers au 1er peloton. Ils sont tous revenus sans avoir accompli leur mission, à cause de l'intensité du feu ennemi. Le lieutenant William J. Suenkel et le soldat Goheen se sont alors portés volontaires pour passer. Le terrain était découvert. L'ennemi avait un champ de tir dégagé. Le lieutenant Suenkel et le soldat Goheen ont commencé leur mission quasi suicidaire. Sous les rafales de mitrailleuse, de pistolet mitrailleur, de sniper et de mortier, ils rampaient, couraient et se faufilaient vers la section isolée. Nous pensions qu'à tout moment, ils seraient touchés. Se frayant un chemin à travers la ville, ils ont traversé la rue et contourné un emplacement de mitrailleuses ennemies, passant à moins de 25 mètres de la position. Ils ont transmis le message et ont ramené toute la section au PC de la compagnie, à l'exception de deux tués et trois disparus au combat."

Goheen a été décoré de la Distinguished Service Cross.

Avec ces soldats novices, le retrait aurait pu facilement tourner à la déroute; au lieu de cela, ce fut une action acharnée et courageuse.

 

Le Sgt Robert R. McClarren, de la compagnie D du 25e Bataillon de chars, a neutralisé un canon antichar; la section de mortiers du 25e faisait feu. Les hommes du 25e et du B-62, du 125e et du 94e ont établi une position défensive à Goxwiller, les chars se sont retranchés dans les fossés, couvrant les routes et les voies d'approche et l'infanterie a creusé des tranchées, assez profondes avec des marches de tir; l'attaque ennemie n'a jamais eu lieu.

Le 25 renouvelle son attaque sur Gertwiller. La section de reconnaissance du bataillon (dirigée par le capitaine J. J. Scanlon, S-2, et le lieutenant John W. Day) réussit à entrer dans la ville, trouve quelques hommes blessés du 62e et les renvoie vers l’arrière. Lors de l'attaque, le char du lieutenant A. R. Hyde a été mis hors service, mais personne n'a été blessé; le 1er peloton de la compagnie B, 25e commandé par le lieutenant Homer L. Swager, a commencé à se déplacer vers la ville. Le char du Sgt Edward Thomas a été touché; la section s'est retirée et le feu le plus intense que le bataillon ait pu tirer a été dirigé sur la ville. Une fois de plus, le bataillon s'est avancé, cette fois-ci le peloton de la compagnie B du lieutenant William A. Geneser avec le peloton du lieutenant Compton du 94e en tête, ont couvert les hommes du 125e alors qu'un pont était mis en place là où le lieutenant Tomey l'avait trouvé détruit; la ville a été déclarée libérée.

La compagnie B de la 62e revint au contrôle de son propre bataillon et la 25e passa en réserve du CCA.

Le clocher du temple protestant a été endommagé par les tirs d'artillerie

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Les libérateurs de Gertwiller de la 14e Division Blindée s'installent dans la cour dîmière)

Une section de soldats français du 1er RCA en cantonnement à Gertwiller juste après la libération.

Source : Traduit d'après "History of the 14th Armored Division"

BARR - 28 et 29 novembre 1944
Le point de vue américain

par Christian Schmittheisler

Source : History of the 14th Armored Division

Photos Antoine Heller - post-colorisation Ph. S

Le 28 novembre, la colonne est arrivée à Barr.

 

Le 48e a été divisé en compagnies distinctes, chacune ayant un secteur assigné, et une section de A-62 a été affectée à chaque compagnie de chars, la reconnaissance et les ingénieurs ont été répartis.

 

Barr était un point de résistance, un secteur fortement défendu, occupé par l'infanterie et les grenadiers ennemis de la 10ème Volksgrenadier division (appelée plus tard « 4F »), soutenue par des chars et des canons antichars et des bazookas, des tireurs d'élite et des mitrailleurs, des barrages routiers, de l'artillerie et des mortiers. L'Allemand y avait du potentiel, une puissance qu'il devait immédiatement libérer et sa force avait été sous-estimée.

 

La compagnie B-48 du capitaine Menefee E. Blackwell avait le secteur central; le lieutenant Lawrence F. Doyle dirigeait la colonne, en surveillant les maisons qui se rapprochaient de plus en plus, puis il y eut le fracas sourd et violent d'un canon antichar de gros calibre qui tirait de près, et le char de Doyle fut touché en plein centre lors du dernier tir. Le Tec/4 Mike Bellish a sauvé la vie de tout l'équipage, alors même que l'obus frappait, avant que le véhicule lourd ne soit immobilisé, il a tiré de toutes ses forces sur son levier de direction, a fait déraper son char dans le fossé et au même instant, le canon du second char, celui du sergent Hubert V. Summers, a libéré sa traînée de flammes livides, et le canon antichar ennemi et tout son équipage ont été pulvérisés.

Un autre char B-48 a fait feu position fixe, un autre et puis un autre, et toute la section était en mouvement, progressant lentement. Le char du caporal Raymond T. O'Donnell a fait exploser un dépôt de carburant et de munitions allemand qui s'est volatilisé dans un tonnerre d'explosions et de feu, dispersant une nuée de débris sous une épaisse colonne de fumée noire. Les tirs d'armes légères se déchaînent dans un vacarme hystérique continu, et l'artillerie déferlait, encore et encore, et anéantit tout sur plus de cent mètres. (Le lieutenant Doyle, à pied, courut au char de Roland E. Albright, y monta et reprit le commandement de son peloton).

 

Des hommes du 62e ont été touchés et abattus par l'artillerie et gisent dans les fossés. Les hommes de la 94e section du lieutenant John Kraker (le lieutenant Kraker fut décoré plus tard de la Bronze Star pour cette action) avaient été dispersés et ils localisèrent un canon antichar près de Heiligenstein, mais les chars parvinrent à passer, et plus tard le canon AT (avant qu'il ne soit lui-même mis hors service) détruisit un médium américain. Le troisième escadron de C-125 était en train de déminer.

La férocité, l'intensité des combats qui se sont déroulés à Barr sont impossibles à décrire; comme un combattant blessé, saignant et meurtri, la colonne de chars s'est frayé un chemin pouce par pouce dans ce brasier infernal.

 

Le 2e peloton de B-48, en tête, a réussi à traverser la ville (ce n'est que plus tard qu'il a commencé à essuyer des tirs antichars de tous les côtés; chaque char a été touché, encore et encore), mais le 1er peloton s'est heurté aux canons et aux bazookas plus tôt et les hommes dans les chars saignaient maintenant, criaient, mouraient, et pourtant les canons du peloton tiraient et tiraient encore sur cet ennemi qui se défendait férocement, aveuglément.

 

Un par un, ils s'enflammaient et les équipages en sortaient, en rampant de la mort certaine du feu à la mort probable du tir, et traînaient leurs blessés avec eux. Le char du lieutenant Doyle est revenu en ville pour combattre avant d'être détruit, et le lieutenant Doyle gisait dans la rue, sa jambe déchiquetée. Son chargeur (Sdt Barry D. Greer) lui a posé un garrot sur la jambe. Doyle a été décoré de la Distinguished Service Cross.

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Un Sherman du 48 Bataillon de chars et un half-track du 62e bataillon d'infanterie blindée (carrefour de la Poste)

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Carrefour avenue des Vosges - rue de l'Hôpital (maison Bossert) où fut touché le char du colonel Ferris.

Le char du colonel Ferris, qui se dirigeait vers la ville, fut touché à un barrage routier.

 

Le colonel Ferris est gravement blessé (le major George W. England, Jr. l'avait prévenu par radio de la présence du canon et il s'est avancé jusqu'à l'intersection de la route, sa tourelle étant en travers, son artilleur a tiré et a manqué sa cible et le canon AT a riposté et n'a pas manqué son tir.

 

La 2e section a été bloquée. Le lieutenant George H. Herbert vit qu'il ne pouvait pas passer, fit pivoter ses chars pour emprunter une autre rue et l'enfer se referma sur lui. Ses chars furent touchés et prirent feu jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un seul, et Herbert fut tué. Le Sgt William Winslow était en train de mener la 3e section, il a franchi deux barrages routiers et s'est arrêté pour faire une reconnaissance par le feu, faisant exploser une maison juste devant lui, un canon antichar a tiré trois obus sur son char et celui-ci s'est immédiatement embrasé.

 

Le capitaine Blackwell a vu neuf de ses chars brûler en une heure, et dix d'entre eux ont été mis hors service. La compagnie B a reçu l'ordre de se retirer de la ville, abandonnant ses chars et ses blessés, ses morts et ses disparus. (Cette nuit-là, le capitaine Blackwell fut nommé au bataillon S-3, et le lieutenant Robert E. Elder de la compagnie A prit la relève.

 

Le compte-rendu officiel dit : "La compagnie était en piteux état.

Il n'y avait plus que cinq chars en état de fonctionnement et le moral des hommes était au plus bas.

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Témoignage du colonel Ferris.

Le Sergent Forest Gable

L'histoire de la compagnie A est aussi héroïque, pénible et sanglante.

Le Sgt Forest Gable était en tête de la colonne; une jeep de reconnaissance et un véhicule blindé ont été touchés et mis hors de combat avant qu'ils n'arrivent en ville; Gable s'est avancé.

 

Il a tiré sur une maison suspecte bien située, et a découvert plus tard qu'il avait neutralisé un canon antichar allemand et son équipage; il s'est installé sur la large place du centre ville et un canon antichar a ouvert le feu, à 100 mètres en face de la rue pavée grise, depuis la fenêtre d'un hôpital; il a riposté et a neutralisé ce canon; un bazooka ennemi est apparu et le soldat Dennis L. Hennessey, chargeur et opérateur radio, l'a abattu avec une mitraillette. A ce moment, le char a été touché par deux tirs successifs de bazookas ennemis.


Le rapport officiel détaille les faits :


"La Distinguished Service Cross a été décernée à titre posthume au sergent Forest Gable pour son héroïsme extraordinaire le 28 novembre 1944.

Alors qu'il progressait dans la ville de Barr, en France, sous un intense feu d'artillerie et de mortier ennemi, le char du sergent Gable a été touché à deux reprises par des tirs de bazooka ennemis qui ont mis le char hors d'état et blessé trois membres de l'équipage.

Le sergent Gable a immédiatement dirigé ses tirs d'artillerie contre la position ennemie, permettant ainsi aux blessés de s'échapper. Lorsque ses munitions de 75 MM ont été épuisées, il a rampé vers l'arrière du char et, malgré les tirs intenses d'armes automatiques, il a continué à tirer avec sa mitrailleuse de calibre 50 couvrant la retraite, il a tenu sa position jusqu'à ce qu'il soit tué par le feu ennemi.

Par son héroïsme extraordinaire et son sacrifice désintéressé, le sergent Gable a permis à trois camarades blessés de s'échapper et a réussi le retrait de sa section".

P 83-1 Caporal Knott Rankin  - St Avold.

Le caporal Knott Rankin.

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Le 48e Bataillon de chars a signalé la perte d'un seul char léger le 28 novembre.  Selon l'un des membres de l'équipage, le char a été touché par un Panzerfaust.

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Le Sgt Gable, tué au combat et décoré à titre posthume de la Distinguished Service Cross.

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Barrois se recueillant devant la dépouille d'un tankiste américain, supposée être celle du Sgt Forest Gable, après y avoir déposé quelques fleurs.

Le caporal Knott Rankin, artilleur dans le char, est resté à son poste de combat jusqu'à ce qu'il ait épuisé toutes ses munitions de 75 mm et qu'il ait été tué alors qu'il tentait de se sauver (il a été décoré de la Silver Star à titre posthume.

La confusion s'est intensifiée. La section du lieutenant Edgar Woodward s'était déplacée vers l'ouest de la ville, en talonnant la compagnie B; puis les chars reçurent l'ordre de quitter la ville. Le Sgt Elmer J. Newness était en tête et suivait la compagnie B, mais les chars ont emprunté une mauvaise route et se sont retrouvés au milieu de la ville.

Au centre de la ville, les quatre chars du lieutenant Woodward ont rencontré des hommes de la 103e division d'infanterie qui arrivaient[1], et le major England (bataillon S-3 à ce moment-là) et un commandant de bataillon du 411e régiment d'infanterie ont décidé de former une équipe de chars d'infanterie. Le major England, le commandant du bataillon d'infanterie, un de ses commandants de compagnie et le sergent Joseph J. Costa du B-48 ont fait une reconnaissance avec un groupe de fantassins.

Un homme en civil a couru devant eux ; les fantassins ont crié "Halte !" et comme il ne s'est pas arrêté, ils ont ouvert le feu. L'homme a été tué et deux mitrailleuses allemandes au bout de la rue ont pris le groupe de reconnaissance en tenaille. Les fantassins ont été touchés et le groupe a été cloué au sol jusqu'à ce qu'un char détruise les mitrailleuses.

La nuit tombée, les chars et l'infanterie ont établi des positions défensives autour de la place de la ville; l'artillerie allemande continuait de se faire entendre, mais les troupes allemandes se repliaient. Le lendemain les hommes de la 103e ont inspecté la ville maison par maison. Le 48e y revint également, et retrouva 19 de ses propres hommes, dont beaucoup de blessés, qui s'étaient réfugiés au milieu des lignes ennemies durant toute la nuit.

[1] Le 28 novembre à 10h10, la 103e division d’infanterie qui venait de libérer le Hohwald, est prévenue par téléphone que la 14e division blindée a été repoussée à Barr et que les unités se repliaient vers Goxwiller en raison d’une forte résistance ennemie. Les 1er et 3e bataillons du 411e régiment d’infanterie sont dépêchés en renfort et entrent à Barr par la vallée Saint-Ullrich à 11h24 où ils font la jonction avec les éléments égarés du major England. A 16h55, les rapports de la 103e division signalent que la ville a été capturée.

Le 48e reprit son attaque, un avec nouveau commandant de bataillon (le major John C. Cavin avait été désigné comme commandant), sans son commandant de compagnie, avec moins d'hommes et moins de chars.

 

A la périphérie de Barr, deux chars légers ont heurté des mines et ont été mis hors service (Sgt. John Dyjek, Corp. J.D. Taylor et le soldat Marien Douglas furent blessés et le sergent Othello Comprino, qui reçut plus tard une promotion sur le champ de bataille, obtint la Bronze Star pour avoir pris la tête des opérations lorsque les chars furent détruits. 

Source : Traduit d'après "History of the 14th Armored Division"

St-PIERRE - ANDLAU - EPFIG - SCHERWILLER
Libération des communes au Sud de Barr

Le 29 novembre, le 62e se déplace à nouveau. Le village de Saint-Pierre devait être pris et le 62e devait être prêt à poursuivre l'attaque vers le sud.


Les hommes du 62e dormirent peu la première nuit du nouveau transfert; l'artillerie arrivait et il devait y avoir une attaque. Des patrouilles ont passé la nuit dans les vergers environnants, en collaboration avec les troupes françaises; Goheen et Pvt. Ralph Bellville se sont portés volontaires pour sortir et tôt le matin, ils se sont glissés à Saint-Pierre, ont localisé des positions de défense allemandes et ont reconnu le ruisseau devant Saint-Pierre. Les sentinelles allemandes ont failli les obliger à rebrousser chemin.


L'attaque devait avoir lieu à 5h30, B-62 à gauche et C à droite avec l'appui de C-48. Auparavant, deux patrouilles de combat d'infanterie avaient été envoyées pour sécuriser deux passerelles sur l'étroit et profind cours d'eau en face de Saint-Pierre. La patrouille de la compagnie B a sécurisé le pont; deux sections ont traversé, mais elles ont été bloquées par le volume cinglant des tirs d'armes légères ennemies provenant des maisons de Saint-Pierre et ont demandé des tirs de soutien d'artillerie. (Goheen et Pvt. James Albrecht, éclaireurs avancés, ont été touchés, tous deux blessés. Goheen audacieux et courageux rentra en Amérique à cause de ses blessures; Albrecht est retourné au combat).


La patrouille de la Compagnie C a également sécurisé son pont, mais alors qu'elle commençait à progresser, des tirs d'artillerie ennemis ont commencé à s’abattre et elle a dû renoncer. Il a été décidé de faire passer les sections sur le pont aussi vite que possible; à l'arrivée de la 1ère section, l'artillerie a commencé à tirer. Le pont a été détruit. La compagnie a reçu l'ordre de se retirer, de traverser le pont de la compagnie B puis de revenir vers son propre secteur. T / sergent. Robert L. Warbritton et S/sergent. Albert J. Gancarczyk exécutèrent les ordres. Le tir de barrage d'artillerie en préparation de l'attaque a été installé. Les canons d'assaut de la Compagnie du quartier général tiraient sur l'observation du sergent. G. W. Willis; T / sergent. Elmer Krug, Segt. Fred Harshberger, Corp. Walter Jankowski, Pfc. Clifton Thrasher et Pvt. Arthur Fisher sont allés en avant pour mettre en place un autre poste d'observation et ont été repoussés par un feu nourri, Thrasher a été blessé et un canon d'assaut s'est enlisé. Au moment où le tir de barrage s'est arrêté, un barrage d’artillerie allemand a commencé à frapper exactement au même endroit.

 

Au fur et à mesure que le volume du feu allemand diminuait, les hommes de la compagnie C atteignirent les premières maisons (contournant le feu qui retenait la compagnie B); et après que la compagnie C eut pris position, la compagnie B est entrée dans son propre secteur. Les Allemands se retirèrent et la ville apparut. La compagnie C-48 est revenue au son contrôle de son bataillon à Melsheim.

Le 48e avait quitté Barr pour Eichhoffen, où il avait été arrêté par un pont détruit; et il a été décidé de passer par Andlau, et cela s’est déroulé sous un feu nourri[1]. Le camion d'escouade du sergent Robert R. Lukin du C-125, et les camions-ponts ont se sont engagés sur la route d'Andlau : ils se sont frayé un passage à travers des tirs d'artillerie et d'armes légères. Sur le site du pont, le sergent Lukins, le Pfc. Gordon Hall, Pfc. Daniel. J. Mancino, Tec/5 John J. Mosser et Pfc. James E. McKane ont sécurisé la zone, tandis que Corp. Frank M. Lorene, Tec/5 George R. Bennett, Tec / 4, Earl T. Stockman et Pfc. Ernest E. Stratton ont déployé le pont. Après qu'il fut terminé, le feu était si intense qu'ils ne pouvaient pas revenir; Lukins a établi son avant-poste et a gardé sa position pour attendre la colonne. Elle est arrivée, a traversé le pont et poursuivi sa route vers Scherwiller où elle s’est arrêtée.

[1] le 28 novembre à 18h, les rapports de la 103e division d’infanterie signalent une forte résistance avec tirs de mortiers et de mitrailleuses dans les secteurs de Mittelbergheim et Andlau obligeant les unités à se replier vers Barr. Le 29 à 4h30, le 103e régiment d’infanterie entre à Andlau en venant du Hohwald et prend le contrôle de son secteur. Le 48e bataillon de char se heurte toujours à la résistance allemande du côté de Mittelbergheim mais opère la jonction avec la 103e division d’infanterie à Andlau à 11h30.


Les hommes du 125e Engineers témoignent :


« Le 3e peloton du Lt Tilly, était toujours rattaché au 48 Tk Bn. Cette colonne était censée se diriger vers le sud, au bord des montagnes, pour prendre Sélestat, et ainsi isoler les troupes allemandes encore présentes dans les collines. Ils se sont dirigés vers l'est jusqu'à Molsheim, puis vers le sud en passant par Obernai. Le soir venu, le peloton se trouvait sur la route de Barr; une section de la route était soumise à de lourds tirs d'obus ennemis, et il était donc jugé plus réaliste de faire demi-tour.
La troisième escouade a été appelée pour déminer la route de Barr. La ville elle-même était le centre d'un bombardement intense. C'est là que beaucoup de garçons ont entendu leur premier "screaming meemie", comme on a si bien qualifié les fusées allemandes.

Les progrès ont été beaucoup plus lents que prévu, le déplacement vers le sud s'est fait à un rythme d'escargot, en raison du retrait nécessaire des mines de la route.

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Un half-track du 62e bataillon d'infanterie blindée en route pour Saint-Pierre (photo 14e AD)
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La route est minée à la sortie de Barr en direction d'Eichhoffen. Deux chars sont mis hors de combat. 
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La colonne de chars route du Hohwald (photo 14e AD)

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Un char Medium 76mm endommagé avenue Marcel Krieg. Le blindage est percé, la tourelle est carbonisée et sa chenille gauche a été détruite. (photo 14e AD)

Il a été décidé de construire un pont à Andlau (*). Le convoi de camions-passerelles, et le camion de l'escouade du Sgt Lukin, transportant le tablier, a commencé à descendre la route Barr-Andlau. A mi-chemin du pont, le détachement de pont a subi les tirs de l'artillerie "Jerry" (**) et des armes légères. L'escouade a riposté alors que le véhicule traversait à toute vitesse la poche de résistance ennemie. Arrivé sur le site du pont, le Sgt Lukins a dispersé quatre de ses hommes, Hall, Moncino, Mosser et McKane, pour se mettre en sécurité. Le chef de l'équipe, Lorenc, Stratton, Bennett et Stockmann ont travaillé sur le pont, l'équipe s'est efforcée de transmettre les informations au commandant de la colonne. Cependant, tous les efforts déployés pour faire face aux tirs ennemis sont restés vains. Le Sgt Lukins a donc placé le reste de ses hommes en sécurité et a attendu l'arrivée des éléments de tête. La colonne est arrivée en trente minutes, et les blindés ont traversé. Bien que les véhicules aient été touchés, il n'y a eu aucune perte parmi les hommes. En se dirigeant vers le sud, la colonne a rencontré un champ de mines ennemi. Le troisième peloton s'est à nouveau mobilisé pour intervenir et a ouvert une brèche. Une fois de plus, la colonne a accéléré pour harceler et détruire les "Huns"  qui se retiraient. Le jour suivant, le peloton rejoignit le reste de la compagnie à St-Pierre.
C'est là que la compagnie a été réorganisée. Le 4 décembre, le CCA se retira pour rejoindre la division dans la région de Hochfelden. La compagnie "C" s'est dirigée vers le nord, vers une zone de rassemblement à Bossendorf, où elle est revenue sous le contrôle du bataillon et a eu l'occasion de panser ses premières blessures de combat. »

La colonne se dirigea vers Scherwiller, où elle fut arrêtée sur ordre du CCA.

(*) Selon les témoignages, le pont détruit est celui qui se trouve à l'entrée d'Eichhoffen, en face de la tannerie Haas.

(**) "Jerry" et "Huns" sont des surnoms habituellement utilisés par les alliés pour désigner les Allemands

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Les dommages subis par le char permettent de supposer qu'il pourrait s'agir de celui commandé par le colonel Ferris 

(photo 14e AD)

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Un camion de pontage du Génie

Le 62e continue d'attaquer vers Sélestat.

 

L'objectif intermédiaire suivant est Epfig ; mais alors même que les plans de l'attaque étaient établis, le bataillon fut informé que la 103e division avait pris Epfig, il devait se diriger vers Ebersheim, aux côtés de la 103e. La compagnie B-62 était en tête; l'ennemi avait installé de nombreuses mines et barrages routiers, et il faisait nuit quand la compagnie arriva à Ebersheim où la compagnie B se heurta au barrage routier lourdement défendu par des tirs d'armes légères et d'artillerie.

La compagnie B débarqua et commença à marcher sur la ville; la compagnie C devait se trouver au nord de la ville, la 103e au sud. L'escadron du S/Sgt William F. Maier de la compagnie C fit sortir deux prisonniers d'une maison; ils les ramenèrent et ils en reprirent quatre autres; l'escadron du S/Sgt Carl Wymore captura huit sous-officiers allemands cachés dans un champ. Pendant que le capitaine Trammell interrogeait les prisonniers, l'artillerie a commencé à tirer et les prisonniers se sont enfuis dans toutes les directions, Trammell les retenaient par les pans de leurs de manteaux.

 

Le lieutenant Joseph H. Lloyd, officier motorisé de la compagnie, a remonté les véhicules pendant le barrage. Le 62e reçut l'ordre de rester à Ebersheim jusqu'à ce qu'il soit relevé par un bataillon du 103e; il passa son temps à débusquer les tireurs d'élite. Le Sgt John W. Pleacher se mit en route à pied à la poursuite d'un tireur d'élite qui avait tiré sur le Pfc William J. Evans au niveau de la tête (Evans devait s'en sortir indemne avec un éclat de la taille d'un demi-dollar dans son casque). Pleacher a remarqué que le sniper, dans un trou, se relevait, tirait et se rebaissait à intervalles réguliers. Pleacher a contourné le trou et a attendu que le sniper se relève.

 

L'artillerie tirait toujours; le soldat de deuxième classe Leslie E. Prieb fut blessé lorsqu'un obus atterrit à côté du PC. 
Le 62e resta trois jours à Ebersheim, puis reçut l'ordre de se rendre à Wickersheim. Le 500e, avec un record de 2281 obus tirés pour le mois, 13 prisonniers capturés et deux blessés, se rend à Gertwiller, puis à Epfig.

 
Le 25e quant à lui, s'était retiré à Saint-Pierre; il reçut son premier repas chaud en onze jours et le courrier fut distribué. Le capitaine Grenville T. Emmet, Jr. (commandant de la compagnie B depuis les Etats-Unis), devient S-2 ; le capitaine J. F. Scanlon prend le commandement de la compagnie A et le Lt Homer L. Swager, de la compagnie B; le 25e est envoyé à Riedheim. Le CCA avait avancé jusqu'à l'objectif du corps d'armée Scherwiller-Ebersheim; le 1er décembre à 10 h, le CCA fut rattaché à la 103e division d'infanterie et à 21 h 15, il fut relevé de son affectation et placé en réserve du corps d'armée. Le 3 décembre, il reçut l'ordre de se rendre à Hochfelden. 

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Les chars du 25e bataillon de tank entrent à Epfig par la rue Sainte-Marguerite
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La colonne du 48e entre à Scherwiller par la rue de Dambach

TEMOIGNAGES - Les libérateurs parlent...
BARR, 28 et 29 novembre 1944

par Christian Schmittheisler

Le colonel Ferris témoigne 
 

« Je vais maintenant vous raconter ce que je peux sur les événements qui ont conduit à la libération de Barr.
Nous avions ordre d'avancer vers Strasbourg mais nous avons été déroutés à plusieurs reprises vers le sud - tout en rencontrant des barrages routiers défendus par l'infanterie légère et toujours minés. Il a fallu l'aide du génie pour passer. Les bazookas ennemis sont également intervenus et le Bataillon a subi ses premières pertes. Un repos à Schirmeck dans un ancien hôpital allemand - les villages de Valff et Obernai étaient sur le chemin vers Barr – avant les événements survenus plus tard le 28 novembre.
La reconnaissance a fait état d'une situation "calme". Les abords extérieurs l'ont confirmé. Nous avons avancé lentement dans la ville - en fait, nous avons traversé le centre ville (je me souviens de l'hôtel de ville lorsque nous sommes passés). Le mouvement n'a pas été entravé jusqu'à la sortie de la ville, juste en face de la maison Bossert !

Il y avait un barrage routier qui a dû nécessiter deux jours de construction. Il a fallu que la section d'obusiers le démolisse à ce moment-là, permettant le passage d'un seul véhicule à la fois. Le char S-3 est passé et m'a signalé par radio qu'il y avait un canon A/T sur la gauche. A ce moment-là, notre canon principal (75mm) était orienté vers la droite. Avant que nous puissions orienter la tourelle à gauche, le char a été touché par deux obus qui ont pénétré le blindage du bouclier et sont entrés dans le véhicule. J'étais debout et le tir a pénétré dans ma jambe gauche. L'autre coup a tué le Lt Kaufman. Le véhicule a immédiatement pris feu. J'ai donné l'ordre d'évacuer, mais je ne pouvais pas bouger d'un pouce. J'étais coincé. Mon artilleur m’a poussé de l’épaule vers le haut, puis m'a en fait jeté en bas du char. Petit miracle, je n'ai pas subi de graves fractures à cause de la chute de 8 à 9 pieds). Nous nous sommes retrouvés dans une cour clôturée, et pendant tout ce temps, des armes légères nous tiraient dessus. (Nos armes de poing sont restées dans le char.) L’artilleur, Sgt Kiley, a vu une fenêtre de sous-sol qui semblait accessible. Il a poussé et tiré dessus et, par chance, il y avait un toboggan à charbon jusqu'au niveau du sol. Une poussée rapide et nous roulions tous les deux dans la goulotte. Nous avions à peine retrouvé notre souffle quand nous avons trouvé tout le sous-sol occupé par des soldats allemands en uniforme. J'ai dit "au revoir" à Kiley, mais les soldats ennemis m'ont ensuite tiré plus loin à l'intérieur. Ils ont appelé un médecin ennemi qui a pansé mes blessures et m'a offert un antiseptique oral que j'ai refusé. Cela a duré pendant ??? heures, ??? jours. Les soldats allemands ont évacué la maison, et deux très jeunes adolescents, JJ Bossert et son frère, m'ont transporté dans un chariot à l'hôpital du village. De nombreux blessés, allemands, français et américains, étaient soignés. Ils m'ont emmené à un étage supérieur où l'on pouvait entendre les tirs de mortier qui se produisaient en fait des deux côtés de l'hôpital. Une fois le village sécurisé, nos propres médecins du 48e Tank ont pris la relève et m'ont placé dans le système d'évacuation sanitaire. Le reste, c'est de l'histoire que vous connaissez.

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Maison Bossert 29 novembre 1944.jpg

Rétrospectivement, je ne peux que relater et décrire la férocité et l'intensité des combats qui se sont déroulés à Barr. Comme un blessé, saignant et sanglant, la colonne de chars s'est frayée un chemin pouce par pouce dans cet enfer brûlant, infernal.

Avec du recul, cela nous amène à nous interroger sur le fait que lorsque nous sommes entrés dans la périphérie du village au moins un des habitants (qui était adolescent à l'époque et maintenant septuagénaire) nous a indiqué  que la ville était un bastion fortifié au-delà de toute imagination. C'est d'ailleurs ce que le résultat final a démontré. »

Lettre du Colonel Ferris du 20 novembre 2004

UNE AMITIÉ DE LONGUE DATE

 

par Howard Knapp

 

« Le 28 novembre 1944, lorsque le char du colonel Ferris fut détruit à Barr en Alsace, j'avais 19 ans, j'étais le chargeur et l'opérateur radio. Le lieutenant Kaufman était assis sur mes genoux et des flammes nous enveloppaient alors que je le poussais hors de l'écoutille. Je me souviens du moignon de sa jambe qui est passé devant mon visage. Puis, il y a eu une explosion et j'ai été soufflé hors du tank.

Je me suis réveillé avec des brûlures aux mains et au visage, une hanche gauche disloquée, deux genoux cassés et trois fractures à la jambe droite, qui présentait également de multiples blessures par éclats.

Alors que nous étions allongés sur le sol, j'ai parlé au lieutenant Kaufman. Il était conscient de la perte de sa jambe, mais je n'ai pas pu l'aider car j'étais momentanément aveugle à cause des brûlures faciales et mes mains étaient également gravement brûlées. Aujourd'hui encore, je regrette de n'avoir pas pu lui poser un garrot sur la jambe pour lui sauver la vie.

La bataille a fait rage autour de nous. Nous avons parlé de temps en temps, puis il s'est tu.

Quelques heures plus tard, des soldats allemands sont venus me demander mes papiers. J'ai dit : "Ils sont tous dans le char." Je leur ai demandé de l'eau qu'ils ne m'ont pas donnée. En partant, ils m'ont dit, également en allemand, "Pauvre garçon, pauvre garçon."

La bataille a continué pendant de nombreuses heures. Longtemps après, un brave Alsacien m'a porté à l'hôpital local. Là, le Dr Marcel Krieg, un autre brave Alsacien, m'a donné les premiers soins et m'a caché des Allemands jusqu'à ce que les Américains libèrent la ville de Barr. Mon service actif était terminé !

Je fus envoyé dans divers hôpitaux en Europe et aux États-Unis pour une longue convalescence.

Mon amitié de toujours avec la famille Krieg a été pour moi un souvenir précieux de cette bataille. Aujourd'hui encore, je fais partie de leur famille et ils sont une partie très chère de la mienne. »

Le GI Howard Knapp a été nommé citoyen d'honneur de la Ville de Barr à titre militaire le 25 février 1976.

 

Source : Memories of the 14h armored division

Le soldat Hugh Warren West du 94e escadron de reconnaissance témoigne

 

"Barr était le prochain objectif de notre parcours à travers l'Alsace. Notre unité a reçu l'ordre de reprendre la tête du convoi, suivie de près par le 48e bataillon de chars. Mais avant d'atteindre Barr, nos véhicules de tête ont essuyé des tirs juste à l'extérieur d'un petit village[1]. Comme d'habitude, nous nous sommes mis à l'abri et avons laissé les chars passer pour éliminer l'ennemi.

J'ai regardé la colonne de chars ramper lentement vers le premier bâtiment, mais la progression s'est arrêtée lorsque le char de tête a été frappé par un Panzerfaust. Alors qu'il était en feu, un seul homme est sorti de la trappe et a commencé à courir pour se mettre à l'abri. Pour une raison inexpliquée, il s'est retourné et a couru vers le char endommagé. Je me suis dit qu'il devait essayer d'aider le reste de son équipage à s'échapper. Mais alors qu'il montait à bord du Sherman, un obus d'artillerie allemand a explosé à côté du char, et il est tombé mort.

Le reste des chars de la colonne a poursuivi l'attaque, les hommes de l'infanterie se sont accroupis derrière les tourelles avec leurs fusils en joue. Le nouveau char de tête s'enfonça dans le hameau, mitraillant un peloton allemand sur son passage, jusqu'à ce qu'il rencontre un barrage routier. Le char n'a jamais ralenti, mais il a tourné pour tirer sur le barrage routier par le côté. J'ai vu des soldats allemands se disperser, la plupart d'entre eux se réfugiant derrière une grande croix de pierre. Le canon de 75 mm a rapidement fait feu et la croix, ainsi que les soldats derrière elle, ont disparu.

Quand les chars ont terminé leur ratissage du village, nous avons continué vers Barr. En chemin, nous avons rencontré quelques autres barrages routiers. Certains d'entre eux n'étaient pas défendus, mais nous devions quand même faire attention. D'autres barrages routiers n'étaient défendus que par des tirs d'armes légères allemandes, si bien que nous mettions rarement plus d'une demi-heure pour les éliminer de notre chemin. La résistance relativement légère ne nous a pas préparés à ce qui nous attendait.

L'armée allemande occupait Barr en embuscade, avec la ferme intention d'y arrêter notre avancée. En plus de l'infanterie régulière, des grenadiers de panzer de la 10e Volks Division étaient sur place, soutenus par des chars, des canons antichars, des barrages routiers soigneusement conçus, de l'artillerie et des mortiers. Bien sûr, nous ne le savions pas à notre approche. C'était la première des nombreuses fois où notre service de renseignement avait grossièrement sous-estimé la force de l'ennemi. Mais nous savions qu'il y aurait des combats à Barr, alors nos unités blindées ont ouvert la voie. Dans ce qui allait devenir une triste litanie répétée encore et toujours, notre char de tête a été frappé par un 88 bien camouflé. Il a fait une embardée et s'est arrêté net, dégageant de la fumée puis un feu dévastateur. Son équipage n'a jamais réussi à atteindre les écoutilles.

Toute la colonne de chars s'est mise en action, se déployant vers la périphérie et tirant rapidement. Un de leurs obus a atterri dans un dépôt de munitions allemand à l'intérieur de Barr, et l'explosion a provoqué un tel choc qu'on aurait dit qu'une mule m'avait donné un coup de pied à la poitrine. Les explosions ont continué dans un vacarme ininterrompu, dégageant une fumée noire vers le ciel et faisant pleuvoir des débris dans toute la zone alentour. Les hommes de l'infanterie se sont jetés dans les fossés pour se mettre à l'abri, alors que les tirs d'armes légères déferlaient des bâtiments.

Le lieutenant John Kraker nous a ordonné d'avancer. Nous respections déjà Kraker comme un bon officier, car il voulait toujours être au cœur de l'action, et il ne demandait jamais à ses hommes de faire quelque chose qu'il ne faisait pas lui-même. Il protégeait ses hommes, et savait comment les sortir des situations difficiles. Il était toujours en retrait pour vérifier les arrières, et il était courant de le voir s'aventurer dans le no man's land pour ramasser nos blessés alors que personne d'autre ne voulait de ce devoir presque suicidaire. Tout le monde admirait Kraker.

Nous nous sommes précipités vers la ville dans nos véhicules, mais avons dû bientôt nous arrêter lorsqu'un 88 allemand a pointé sur nos chars de soutien. L'un d'eux a explosé suite à un coup direct. Kraker a dirigé notre attaque vers le 88, et une de nos équipes de bazookas a fait le tour pour un tir de dégagement, et l'a détruit. Pour cette action, et pour ce qui allait suivre ici, notre lieutenant Kraker, né à New York, allait recevoir la Bronze Star. Il a ensuite été décoré de la Silver Star.

Mais nous étions loin des accolades lorsque nos unités se sont installées à Barr. Ce qui s'ensuivit fut un affreux combat, nos chars se faufilant dans les rues, tirant avec leurs canons et subissant les salves des unités antichars ennemies dissimulées. Un peloton de chars a réussi à traverser la ville, mais il a essuyé des tirs d'artillerie antichars des deux côtés une fois arrivé à l'extérieur de la ville. Chacun des chars a été touché, certains à plusieurs reprises. Un par un, ils ont pris feu. Leurs équipages sont sortis en courant par des écoutilles fumantes, avant d'être abattus par des tirs d'armes légères.

La bataille à l'intérieur de Barr s'est intensifiée en un maelström de flammes, de tonnerre et de cris de douleur. Presque chaque endroit était criblé de fragments d'acier, de maçonnerie et de verre qui déchiraient la chair des hommes comme si c'était du beurre mou. Les soldats étaient allongés à côté de leurs chars, les bras ou les jambes manquaient. Certains étaient  méconnaissables. Les tirs sont devenus si intenses qu'une de nos compagnies a dû se retirer de la ville, laissant derrière elle ses blessés. C'était quelque chose qui n'arrivait que dans les combats les plus violents.

Chaque maison représentait un potentiel d'embuscade meurtrière, et c'est pourquoi chaque maison devenait notre cible. Cela a été confirmé lorsque nous nous sommes approchés de l'hôpital de la ville le long d'une rue pavée, et que nous avons essuyé des tirs d'un canon antichar depuis l'une de ses fenêtres. L'un de nos chars a immédiatement riposté et a fait voler l'hôpital en éclats. Dans ce combat, il n'y aurait pas de bâtiments protégés. Les subtilités chevaleresques sur les hôpitaux avaient été mises de côté.

Quelques instants plus tard, ce même char a été touché par deux Panzerfausts, tuant l'équipage. Son commandant recevra à titre posthume la Distinguished Service Cross pour être resté à l'intérieur et avoir continué à tirer jusqu'à épuisement des munitions de 75 mm. Alors, il a rampé hors de la tourelle et, de l'arrière, a tiré avec une mitrailleuse de calibre 50 jusqu'à ce que des tirs d'armes légères l'aient abattu. Il s'appelait Gable. Il n'était pas le seul héros ce jour-là.

Des décorations posthumes ont été décernées à un certain nombre d'hommes qui se sont comportés de la même manière, tirant depuis leurs chars d'assaut endommagés jusqu'à ce qu'ils soient à court de munitions. Leurs actions ont permis aux médecins d'évacuer les blessés et ont également fait des ravages sur les positions des Allemands. Un autre officier exceptionnel s'est distingué ce jour-là. Le Major George England, alors commandant en second du 48e Bataillon de chars, a mené sa colonne blindée dans la ville.

Mais Barr sera une plaie dans l'histoire du 48e. L'unité a perdu dix-sept chars moyens en quelques instants. Le char du Major England fut parmi les premiers à être touché, et il passa toute la nuit à éviter les patrouilles allemandes tout en essayant de retrouver ce qui restait de sa propre unité. Les chars rescapés ont dû se retirer pour éviter l'anéantissement.

Dans la soirée, nous avons établi des positions défensives sur la place de la ville, en étant sûrs d'être protégés du feu continu de l'artillerie ennemie. On aurait dit que les troupes allemandes se repliaient. C'était surtout dû aux efforts du Major England. Il avait trouvé certains de ses chars restants et les avait associés à un bataillon d'infanterie qu'il avait croisé. Puis il a ramené cette unité de chars d'infanterie à Barr et a procédé au ratissage des troupes ennemies.

 

Le jour suivant, une de nos unités a confirmé que les Allemands étaient partis en fouillant maison par maison. Beaucoup de nos hommes blessés qui avaient passé toute la nuit derrière les lignes ennemies étaient ravis de voir nos visages affreux et sales.

J'ai rejoint un groupe de nos hommes pour aider à transporter les blessés vers l'hôpital en ruines où les Allemands avaient placé leur canon antichar. Il était rempli d'hommes blessés, américains et allemands. Il y avait des gémissements et des bruits de fond qui se combinaient pour ressembler à un enclos à bétail. Les médecins et les aides-soignants se déplaçaient rapidement de lit en lit, parfois pour administrer des injections, parfois pour couper des membres. Ils se déplaçaient avec une vivacité et un désarroi qui me rappelaient les insectes.

Je faisais partie du groupe chargé de garder les blessés allemands. La plupart d'entre eux avaient l'air aussi pathétiques que nos gars, couchés avec des regards ternes et des expressions douloureuses, couverts de sang séché sur des bandages croûtés. Beaucoup d'entre eux n'étaient pas loin de l'enfance. Cela m'a fait réaliser que même les enfants peuvent être meurtriers avec des armes à la main.

Nous étions dans ce qui était un hôpital civil avant la guerre. Il était toujours dirigé par le même médecin[2], qui a dû être bouleversé par le changement soudain de la routine de son hôpital. J'ai discuté avec lui. C'était un Alsacien intelligent qui s'intéressait à un large éventail de littérature et de musique. Aujourd'hui, il rafistole des jeunes hommes brisés, déchirés par une guerre qui l'a laissé engourdi. Mais la guerre me conduisait vers des moments qui étaient loin d'être apaisants.

[1] Valff

[2] Le Dr Marcel Krieg.

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Hugh Warren West
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Lieutenant John Kraker
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Un véhicule blindé de reconnaissance M8

Source : Recon Trooper - A Memoir of Combat with the 14th Armored Divison in Europe, 1944-1945 par John Scura

Mon unité est restée à Barr pendant tout ce temps, en assurant principalement la sécurité. J'ai remarqué qu'un nombre croissant de prisonniers allemands arrivait dans la ville. Nous devions les garder. Bien qu'il soit interdit de fraterniser avec ces prisonniers de guerre, j'ai utilisé mes quelques bribes d'allemand et quelques cigarettes pour apprendre comment les choses se passaient de leur côté de la guerre. C'était un groupe de prisonniers à l'air pitoyable, sales, mal rasés et décharnés. C'était comme regarder le visage de la défaite. Mais je savais qu'un jour ou deux auparavant, ils nous avaient combattus avec une férocité que peu d'armées ont jamais eue. 
L'un des prisonniers de guerre m'a fait part de son étonnement quant à la condition de notre armée. 
"Vous n'avez pas de chevaux", m'a-t-il dit avec étonnement. 
L'armée allemande comptait beaucoup sur les chevaux pour déplacer son équipement. Ils utilisaient même les chevaux pour tirer leurs chars lorsqu'ils se déplaçaient vers de nouvelles positions de combat, car l'essence était devenue si précieuse sous le Troisième Reich. Mais même lorsque l'essence était abondante au début de la guerre, la Wehrmacht a fait un usage abondant de la puissance des chevaux. 
"L'armée américaine roule", lui ai-je dit. "Nous ne trottons pas." 
Il semblait comprendre ce que cela signifiait vraiment. Son armée était désespérément surclassée par notre mobilité. 
Malgré toutes les pénuries, la Luftwaffe continuait à nous rendre visite. Leurs attaques étaient généralement de petite envergure, mais leurs chasseurs, Stukas et bombardiers légers effectuaient des sorties contre nos lignes de front et nos zones arrières. Généralement, nos P-51 les chassaient ou les abattaient avant qu'ils ne puissent faire beaucoup de mal. Mais ils continuaient à tuer nos hommes, et parfois nos propres chasseurs n'étaient tout simplement pas là pour les arrêter. 
Nous n'étions au combat que depuis peu, même si cela nous semblait une éternité à tous. J'étais prêt à faire une pause et mes prières ont été exaucées. 
Le 3 décembre, nous avons reçu l'ordre de rejoindre le reste du Commandement de combat A (CCA) en réserve du corps d'armée à Hochfelden. C'était une bonne nouvelle, surtout après avoir appris que le CCA avait atteint l'objectif de notre corps, une ligne entre Scherwiller et Ebersheim. Les gradés nous ont tous accordé un court repos avant de nous jeter à nouveau dans le chaudron." 

En 1990, un groupe de vétérans de la 14th Armored Division est revenu sur les lieux des combats de 1944. Le soldat Hugh Warren West faisait partie du voyage et a pu s'entretenir avec le Dr Krieg qu'il avait rencontré à l'époque à l'hôpital. Il relate par ailleurs que l'un des vétérans du groupe avait chaleureusement remercié le Dr Krieg de l'avoir soigné plus de 40 ans auparavant et la population barroise de l'avoir protégé. Ce dernier a ensuite révélé qu'il avait baptisé son fils aîné du prénom de Barton (contraction de Barr et Town) en mémoire de son passage dans notre cité. 

Si la libération de Barr m’était contée…

 

Un heureux hasard a voulu que nous rencontrions le jour du 25e anniversaire de la libération de Barr un ancien soldat ou plutôt, caporal-chef de l'armée libératrice américaine, qui a participé en personne à la libération de notre ville.


M. Mahoney Georges, actuellement attaché en qualité d'ingénieur civil à l'Armée d'occupation U.S.A. à Stuttgart, est venu ce jour-là, avec son épouse et ses trois fils, disons en pèlerinage et en même temps en reconnaissance et en mémoire de ses nombreux camarades qui ont dû laisser leur vie pour que nous autres soyons de nouveau libres.


Après nous avoir présenté sa petite épouse, d'ailleurs une Alsacienne native de Schleithal dont il avait fait connaissance en arrivant dans son char à Wissembourg où ce fut la première Alsacienne qu’il avait vue et rencontrée, et ce fut le coup de foudre. M. Mahoney nous raconte, en faisant des petits croquis, avec son accent bien de chez lui et que nous avons tant de difficultés pour l'imiter, mais pour cela nous avons le nôtre. Mais laissons-lui la parole :


« Nous faisions partie de la 7e Armée de la 14e D. B., dont le 48e Bataillon était stationné à Obernai, où nous avions tout notre matériel et toutes nos provisions, munitions et autres.
« Le 27 novembre, nous sommes arrivés avec nos chars, après avoir traversé Goxwiller, jusqu'à l’entrée de Gertwiller. Là nous avons trouvé une forte résistance et je me rappelle qu'il y a eu de sérieux dégâts à l'entrée de ce village. Notre passage étant barré, nous sommes retournés à Obernai. 


« Le lendemain, donc le 28 novembre, nous sommes revenus, évidemment plus par le même chemin, mais on nous avait dit que certainement il n'y aura plus beaucoup de soldats allemands. Je ne peux pas dire d'où on avait eu ce renseignement, mais il s'est avéré par la suite fort trompeur. 


Notre 48e bataillon, commandé par le lieutenant-colonel Ferris, est donc venu cette fois-ci par Heiligenstein et après avoir détruit un barrage assez costaud à l’entrée de Barr de ce côté, nos trois compagnies sont entrées dans la localité. L’une avait pour mission d'y entrer par l’aile droite, en venant de Heiligenstein, l’autre par le centre en passant par la Place de la Mairie et la troisième par l'aile gauche, donc en tournant tout de suite à gauche en entrant. 
« Moi-même je me trouvais dans le char du commandant de compagnie, le capitaine Blackwell et nous nous trouvions, après avoir traversé des petites rues étroites de Barr, près de l'Hôpital. Mais croyez-moi, ce ne fut pas une promenade. Nous trouvions beaucoup plus de résistance que nous avions cru. Et vous savez ce que c'est, un soldat se trouvant dans un char est comme celui qui se trouve bloqué dans sa tranchée, il ne sait pas très bien ce qui se passe tout autour. Toujours est-il que nous nous trouvions avec notre char dans la ligne de tir d'un nid de mitrailleuses lourdes quelque part dans un jardin aux environs de l'Hôpital. Nous avons vu quelques-uns uns de nos chars complètement détruits par des Panzerfaust et pendant plusieurs heures le combat à l'intérieur et aux abords de Barr faisait rage.

 
« Nous n'avancions guère et après avoir épuisé nos munitions, près d'une centaine d'obus, et aussi notre essence, nous avons dû faire demi-tour et nous sommes retournés à Obernai. Là nous avons constaté que des 17 chars qui étaient partis pour Barr, 4 en sont revenus intacts. Tous les autres ont été détruits et à part quelques camarades rescapés des chars, tous sont restés, la plupart tués et d'autres gravement blessés. 
« C'est ainsi que je me rappelle que le lieutenant-colonel, commandant notre 48e bataillon a été gravement atteint et a été soigné et opéré à l'Hôpital de Barr, on m'a dit que c'était par le Dr KRIEG. Deux autres officiers, le lieutenant Georges Herbert et le lieutenant Doyle ont été tués.
« Mais nous sommes revenus, le lendemain 29 novembre, vers 8 heures du matin. A ce moment tout, sauf le tir d'artillerie, était tranquille. L'ennemi s'était retiré de la localité pour se retrancher dans les bois environnants et pour bombarder la ville avec son artillerie, qui brûlait à beaucoup d'endroits. 


« Voilà en gros ce que je peux vous dire. Mais vous en saurez certainement d'avantage, car dans la première quinzaine du mois de juillet 1970, les anciens de la 14e D. B. viendront en avion et rendront alors visite à Obernai et à Barr. J'espère bien être de la partie, cette fois-ci aussi. »
 

Nous lui avons fait savoir que lors du 20e anniversaire de la Libération, une plaque commémorative a été apposée à l'Hôtel de Ville en souvenir de ce grand jour du 28 novembre 1944 et en reconnaissance aux soldats de la 7e Armée, commandée par le Général PATCH, en présence d'une délégation de l'Armée Américaine. 


M. Mahoney a signé le livre d'or de la Ville en faisant précéder sa signature des paroles suivantes : «Je suis très heureux d'avoir pu retourner dans la belle Ville de Barr à l'occasion du 25e anniversaire de sa Libération. Ma reconnaissance aux citoyens de Barr pour leurs sentiments chaleureux et à mes camarades tombés au champ d’honneur.»

(Source : Journal de Barr du 20 décembre 1969)

Hommage au Lieutenant Bob KAUFMAN (1917-1944)

Robert James Kaufman est né le 6 Nov 1917, Barbeton, Ohio, USA. Il est le fils de Monroe Hipsley Kaufman Jr. et Emma Jane Fobes.


Son frère cadet, Frederick Monroe Kaufman, né en 1918 a servi dans la “Navy“ dans la Pacifique jusqu’à la fin de la guerre.


Robert est diplômé du lycée de Barberton et a fréquenté l'université d'Akron. C'est sur les bancs de l'université qu'il a rencontré sa future épouse Katherine “Kay” Albert. 
Bob et Kay se sont mariés en 1941. Il s'est engagé dans l'armée juste après l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais. Ils ont vécu dans différentes bases militaires tout au long de la période 1941-1944 dont le Camp Chaffee dans l’Arkansas où il intègre la 14e Division Blindée.

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Le couple ne voulait pas avoir d’enfant dans les pires moments de la guerre, mais vers la fin du printemps 1944, ils ont compris que la guerre allait être gagnée et Kay est tombée enceinte.
Bob Kaufman a embarqué dans le port de New-York le 14 octobre 1944 pour une destination inconnue. Juste avant son départ, fit part à son épouse de son souhait d’appeler son futur enfant Jean. Comment savait –il qu’il aurait une fille ? Personne ne le sait, sans doute une intuition. Au fil de la traversée, la destination s’est précisée : ce sera la France !
Débarqué à Marseille, son unité prend la direction de l’Est de la France ou la Division se rassemble sur les bords de la Moselle, à Portieux dans les Vosges le 14 novembre pour former le « Combat Command A », constitué des 25e et 48e bataillons de chars, du 62e bataillon d’infanterie, du 500e bataillon d’artillerie de campagne, d’une compagnie du 125e bataillon de génie et d’une partie de la compagnie B du 94e escadron de cavalerie de reconnaissance.
Après une révision complète du matériel et les derniers préparatifs, la colonne s’ébranle le 20 novembre 1944 pour franchir la rivière Meurthe dans le secteur de St-Quirin. Les premiers combats et les premières pertes ont lieu dans les forêts vosgiennes ou les Allemands avaient miné les routes, installé de nombreux barrages routiers défendus par des nids de mitrailleuse et des panzerfaust, pour retarder autant que possible l’avancée des alliés. Le 24 novembre la colonne atteint Schirmeck en passant par le col du Donon et s’engage dans la plaine d’Alsace avec pour objectif d’atteindre Sélestat.
Après une première incursion le 27 novembre à Valff et de premières pertes, la colonne se retire à Obernai, sans doute pour contourner Gertwiller où le 25e bataillon de chars rencontre une forte résistance allemande et doit livrer de rudes combats.

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Le Lieutenant Bob Kaufman embarqué en tant qu'observateur à bord du char partageait le siège du GI Knapp.

Cette photo nous a été confiée par sa fille Jean Everman en 2024, 80 ans après la libération de Barr. 

Le 28 novembre, vers 14h, le convoi atteint Barr en passant par Heiligenstein. Le plan prévoyait de traverser Barr sans combattre et de poursuive la route en direction de Sélestat, objectif principal de la mission.
La Reconnaissance n’ayant pas signalé la présence d’un fort contingent allemand, la journée devait être calme, et Bob Kaufman fut autorisé à prendre place en surnombre en tant qu’observateur à bord du char commandé par le lieutenant-colonel Ferris.
La traversée le la ville s’est déroulée sans trouble majeur, jusqu’à la maison Bossert où un puissant barrage avait été érigé. Il fallut faire appel à un obusier pour y frayer un passage. Les premiers chars se sont engagés route du Hohwald. Le char N° 3 signale par radio la présence d’un canon anti-char allemand camouflé au-delà de la barrière de chemin de fer.
Lorsque le char de Ferris s’engage à son tour, il est touché par deux obus qui pénètrent le blindé. Ferris est touché à une jambe, Kaufman est frappé de plein fouet et le feu se déclare à bord : Ferris donne l’ordre d’évacuer.
Le soldat Knapp, chargeur et opérateur radio, pousse Kaufman hors du tank et une explosion les projette à hors du char. Allongés au sol, Kaufman était conscient de la perte de sa jambe, mais Knapp, gravement brûlé aux mains et aveuglé par des brûlures au visage ne peut lui poser un garrot sur la jambe pour lui sauver la vie. Ils se sont parlés de temps en temps, au milieu des tirs ennemis, puis Kaufman s’est éteint le 28 novembre 1944 lors des combats de la libération de Barr. 
Bob Kaufman a été décoré du Purple Heart à titre posthume.
Le 6 mars 1945, son épouse Kay donne naissance a une petite fille qu’elle appellera « Jean », comme son défunt mari l’avait souhaité.
Kay, qui s’est remariée plus tard, est venu se recueillir sur la tombe de Bob Kaufman en 1972 au cimetière militaire d’Epinal.
Jeanie est venue à son tour se recueillir sur la tombe de son père en 1990.
Aujourd’hui, 80 ans après la libération de Barr, nous voulons honorer la mémoire du Lieutenant Robert Kaufman, tragiquement disparu à l’âge de 27 ans.

Biographie rédigée avec le concours et l'aimable autorisation de la fille du Lieutenant Kaufman, Jeanie Everman.

Hommage au Lieutenant George Hess HERBERT (1917-1944)

George H. HERBERT est né le 6 septembre 1917 à New-York. Avec ses parents George et Edith et son jeune frère Robert, il passe ses premières années au 1337 Meriam Avenue dans le quartier du Bronx.

 

En 1930, sa mère Edith se remaria avec le Docteur TITSWORTH. En 1935, la famille déménagea à Teaneck.  

 

George se distinguait par son caractère avenant et sociable, avec un brin de nonchalance, comme le relèvent ses camarades du lycée (Teaneck High), et qu'il traduisait bien dans sa façon plutôt posée de se déplacer et de parler. 

 

Dans le journal interne de son collège, il est décrit comme ingénieux et serviable. Au vu de sa dévotion pour sa voiture, une Ford, ses camarades estiment qu'il ferait un parfait vendeur ! C'est d'ailleurs dans la vente qu'il s'orientera après ses études, mais n'y trouva pas la satisfaction recherchée.

Le 11 août 1941, il s'engage dans l'armée, au centre de recrutement de Trenton, dans le New Jersey et suit une formation d'officier à Fort Knox. En juin 1943, il est nommé Premier Lieutenant et affecté au Camp Chaffee, dans l'Arkansas. 

Le 21 juillet 1942, il épouse Lillie Lucille WHEDBEE ELLIOTH, dite "Lucy", née dans l'Arkansas. Elle a juste 21 ans, alors qu'il en a 25.

C'est le 14 octobre 1944 que George embarque vers la France, sur le Santa Rosa. Il est affecté au 48ème Bataillon de Chars de la 14ème Division Blindée. Il débarquera à Marseille et remontera, avec son unité, vers l'Est de la France. 

Jusqu'au 28 novembre 1944, son parcours se confondra avec celui des ses camarades du 48ème Bataillon, décrit dans les articles qui précèdent.

Le 28 novembre 1944, George H. HERBERT se trouve à bord de son char, au centre de Barr. Il fait partie de la compagnie B. Les rapports du 48ème Bataillon indiquent qu'il est contraint, à un moment donné, de prendre une autre direction, la voie étant bloquée. Tout porte à croire qu'il s'agisse de l'avenue du Dr KRIEG (ancienne avenue de la Gare), qui se trouva impraticable, en raison du char du Lt-Colonel FERRIS et du Lt KAUFMAN qui était bloqué à hauteur du carrefour de l'avenue des Vosges (maison BOSSERT), empêchant la colonne qui suivait de sortir de Barr. 

 

HERBERT décida donc de faire demi-tour, ce qu'il fit vraisemblablement en direction de la poste, où il essuya un tir qui immobilisa et incendia son char.

 

Sans que cela ne puisse être formellement prouvé, tout porte à croire que le char détruit devant la poste et dont on connait de nombreuses photos, est bien celui dans lequel se trouvait Georges H. HERBERT. On relèvera, sur cette photo, un tankiste mort, probablement après avoir tenté de s'extraire de l'engin par l'écoutille. 

Georges H. HERBERT fut tué en ce 28 novembre 1944, à Barr, à l'âge de 27 ans. Il fut décoré de la Purple Haert.  

 

Sources:https://fr.findagrave.com/memorial/56372954/george_hess-herbert/photo

Lt George H. HERBERT et sa femme Lucy 

George H. HERBERT au lycée, en 1936

sa tombe au cimetière

d'Epinal (Vosges)

Original Caption: "American half-track passes smoking hull of knocked out American tank in street of Barr, France. The M-4 was put out of action by German Tiger tanks the night before. 48th Tank Battalion, 14th Armored Division." Original Field Number: ETO-HQ-44-27804. Photographer: Clifford O. Bell

Hommage au Sergent Forest Gable (1920-1944)

Forest Gable est né le 19 mars 1920 à Losantville, Randolph County, Indiana
En 1942, il s’engage dans l’armée des Etat-Unis et intègre la 14e Division blindée forte de plus de 10000 hommes, qui rejoint à la France à l’automne 1944.qui rejoint la France.
Lors des combats pour la libération de la ville de Barr (Alsace, France), il fait preuve d’un courage et d’un héroïsme particulier.

Voici le texte du rapport officiel : "La Distinguished Service Cross a été décernée à titre posthume au sergent Forest Gable pour son héroïsme extraordinaire le 28 novembre 1944.
Alors qu'il progressait dans la ville de Barr, en France, sous un intense feu d'artillerie et de mortier ennemi, le char du sergent Gable a été touché à deux reprises par des tirs de bazooka ennemis qui ont mis le char hors d'état et blessé trois membres de l'équipage.
Le sergent Gable a immédiatement dirigé ses tirs d'artillerie contre la position ennemie, permettant ainsi aux blessés de s'échapper. Lorsque ses munitions de 75 MM ont été épuisées, il a rampé vers l'arrière du char et, malgré les tirs intenses d'armes automatiques, il a continué à tirer avec sa mitrailleuse de calibre 50 couvrant la retraite, il a tenu sa position jusqu'à ce qu'il soit tué par le feu ennemi.
Par son héroïsme extraordinaire et son sacrifice désintéressé, le sergent Gable a permis à trois camarades blessés de s'échapper et a réussi le retrait de sa section
".
Le sergent Forest Gable est mort au combat le 28 novembre 1944 à Barr.
Sa sépulture se trouve au cimetière Riverside de Losantville, Randolph County, Indiana

 

Hommage au Caporal Knott Rankin Jr.

Caporal Knott Crockett Rankin Jr. (1924-1944)

Knott Rankin est né le 27 mai 1924 à Rockland, Knox County, Maine est diplômé de l'école secondaire de Rockland en juin 1942. Il entre à l'université du Maine en 1946.
Il est le fils de Knott Rankin, vétéran de la 1ère guerre mondiale, et de Lucy Young.
Célibataire, il s’engage dans l'armée le 18 février 1943, rattaché au 733e régiment d'artillerie de campagne et formé au camp Maxey, Texas.

Il a suivi le cours ASTP[1] à l'Université de Cincinnati, le 4 mars 1944. Il est ensuite attaché en tant que caporal à la compagnie A du 48e bataillon de chars de la 14e division blindée.

Il est envoyé en mission à l'étranger le 4 octobre 1944 et débarqué à Marseille, France, le 29 octobre 1944.

Le 20 novembre 1944, il prend part aux premiers combats et s'est battu dans les Vosges.

Knott Rankin a été tué au combat à Barr, France, le 28 novembre 1944 alors qu’il était âgé d’à peine 20 ans.

Décoré à titre posthume de la Silver Star Medal, pour sa bravoure au combat à Barr, le 28 novembre 1944. Alors qu'il avançait dans la ville sous le feu nourri de l'artillerie et des mortiers ennemis, le char du caporal Rankin fut touché à deux reprises par des tirs de bazooka qui mirent le véhicule hors d'état de marche et blessèrent trois membres de l'équipage. Il a immédiatement orienté les tirs d'artillerie contre la position ennemie, permettant ainsi aux blessés de s'échapper. Refusant de se replier, il a tenu sa position jusqu'à ce qu'il soit mortellement blessé. Le grand courage et le sacrifice désintéressé du caporal Rankin sont conformes aux plus hautes valeurs militaires.

Sa sépulture se trouve au cimetière et mémorial américain de Saint-Avold (Moselle, France).

[1] Le programme de formation spécialisée de l'armée (ASTP) était un programme de formation militaire institué par l' armée des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale pour répondre aux demandes en temps de guerre d' officiers subalternes et de soldats possédant des compétences techniques. Mené dans 227 universités américaines, il proposait des formations dans des domaines tels que l'ingénierie, les langues étrangères et la médecine.

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P 83-1 Caporal Knott Rankin  - St Avold.

Le sergent Gable et le caporal Knott Rankin ont péri à bord de ce char, juste en face de l'hôpital.

Le caporal Knott Rankin.

VICTIMES 1939 - 1945

Les GI de la 14 Division Blindée et de la 103e Division d'Infanterie

Nos recherches nous ont permis d'identifier la plupart des soldats américains de la 14e division blindée qui ont sacrifié leur vie pour libérer notre ville. 

Cette liste n'est certainement pas exhaustive d'autres unités étant impliquées comme la 103 division d'infanterie US dont nous ne disposons pas des listes nominatives. 

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Sgt Gregory LLOYD

411th Infantry Regiment

Tué au combat à Barr le 29/11/1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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2nd Lt James Douglas SYKES

411th Infantry Regiment

Tué au combat à Barr le 30/11/1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Lt Ralph L TINDALL

411th Infantry Regiment

Tué au combat à Barr le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Sgt Paul B GREEN

500th Armored Artillery

Tué par un tir d'artillerie allemande à Niedernai le 27 novembre 1944 alors que son unité couvrait la zone de combat de Gertwiller et Barr

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Clifford E VIERLING

94th Reconn Squadron

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec5 James W Mc HUGH

94th Reconn Squadron

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Sgt Donald S LAKE

94th Reconn Squadron

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec5 Lyle E KUBITE

94th Reconn Squadron

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré de la Silver Star et du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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2nd Lt. Willard G BOWSKI

94th Reconn Squadron

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré de la Silver Star et du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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S/Sgt Frederick G SHERIDAN

62nd Armored Infantry

Tué au combat à Gertwiller le 27novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Thomas A MOLLOY

62nd Armored Infantry

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Donald L GRIFFETH

62nd Armored Infantry

Tué au combat à Gertwiller le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Ray L LISCOW

62nd Armored Infantry

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec 4 Porter TUCKER

25 Tank Battalion

Tué au combat à Gertwiller le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Lt. Jess TOMEY

25 Tank Battalion

Tué au combat à Gertwiller le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Charles CALER

62nd Armored Infantry

Tué au combat à Gertwiller le 29 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Ronald O'DONNELL

25 Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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2nd Lt. Vincent DARZBACH

62nd Armored Infantry

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Olon E DAVIDSON

62nd Armored Infantry

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Louis R EGNAL

62nd Armored Infantry

Tué au combat dans le secteur de Barr le 30 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Walter WEIDNER

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt William VISCOMI

48th Tank Battalion

Tué au combat dans le secteur de Barr le 30 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Lt Russell WATSON

48th Tank Battalion

Tué au combat dans le secteur de Benfeld le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Arnold TRAUGOTT

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Sgt Charles SMALL

48th Tank Battalion

Tué au combat à Valff le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Corp. Knott RANKIN

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Artilleur dans le char, il est resté à son poste, jusqu'à ce qu'il ait tiré toutes ses munitions de 75 MM; il a été tué alors qu'il tentait de s'échapper

Décoré de la Silver Star

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec5 Raymond POLANOWSKI

48th Tank Battalion

Tué au combat à Valff le 27 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Ray KITCHEN

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Paul Edward KEUPER

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Lt. Robert KAUFMAN

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944 par un obus anti-char allemand qui a frappé le tank du colonel Ferris

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Corp Ralph M JACOBS

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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1st Lt. George H HERBERT

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec4 John D HOOVER

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pvt Vernon HANHEIDE

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Sgt Forest GABLE

48th Tank Battalion

Le sergent Gable a immédiatement dirigé des tirs d'artillerie contre la position ennemie, permettant ainsi aux blessés de s'échapper. Lorsque ses munitions de 75 MM ont été épuisées, il a continué à tirer avec sa mitrailleuse de calibre 50 jusqu'à ce qu'il soit tué par le feu ennemi. Par son héroïsme extraordinaire et son sacrifice désintéressé, le sergent Gable a permis à trois camarades blessés de s'échapper

Décoré de la Distinguished Service Cross

Lt. Robert KAUFMAN
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Tec5 Howard C DEMPSEY

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Corp. Charles M CRAWFORD

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Corp. David BALL

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

Lt. Robert KAUFMAN
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Pfc Gordon BRYANT

48th Tank Battalion

Tué au combat à Barr le 28 novembre 1944

Décoré du Purple Heart

La 14e Division Blindée US
Des Etats-Unis vers Barr...

par Christian Schmittheisler

Source : History of the 14th Armored Division

L’activation de la 14e Division Blindée

2 Octobre – 28 Décembre 1942

 

En 1940, l’opinion publique américaine est divisée quant à une entrée en guerre et le président Roosevelt et son gouvernement se retranchent derrière la neutralité des Etats-Unis pour éviter de s’engager dans un conflit qui après-tout, concerne l'Europe...

Ce n’est qu'au lendemain de l’attaque japonaise de Pearl Harbor du 7 décembre 1941, que le président Franklin Roosevelt tient un discours devant le Congrès américain qui annonce l'entrée en guerre des États-Unis contre l'empire du Japon.
En réponse à cette déclaration, l’Allemagne et l'Italie déclarent la guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941.

C’est le 28 août 1942 qu’une note émanant du quartier général des forces blindées basé à Fort Knox ordonne la création de la 14e Division Blindée qui s’installera au Camp Chaffee dans l’Arkansas et sera placée sous le commandement du « major general »[1] V. E. Prichard.

Le camp a été construit en 1941, baptisé du nom du major-general Adna Romanza Chaffee Jr., surnommé le père des forces blindées, décédé cette année-là. Il se trouve au sud de l'Arkansas River et à quelques miles à l'est-sud-est de la ville de Fort Smith.

En septembre et octobre 1942, les premiers officiers et hommes du 14e commencèrent à quitter leurs affectations d’origine pour se rendre au camp : près de 400 officiers et 3.500 soldats sont arrivés octobre et novembre. Ils formeront l'ossature et l’encadrement des 10.000 soldats qui les rejoindront jusqu’en décembre pour former la 14e division blindée, faite des terribles nouvelles armes de guerre, l'une des forces de frappe les plus puissantes de toutes les armées, de tous les temps.

Le contour et le squelette de la Division, avaient été déterminés :

Le major-general Prichard commandait la division. Le général de brigade A. C. Smith prendrait le commandement de combat A; Le général de brigade E. W. Piburn avait le commandement de combat B.

Peu a peu les hommes et la vie s’installaient dans les baraquements en pin à deux étages du camp et une cérémonie inaugurale publique fut organisée le 15 novembre avec défilé des troupes, présentation des couleurs et démonstrations de chars avec bataille simulée pour officialiser l’activation de la nouvelle division.

C'est le 3 décembre que les premières nouvelles recrues, fraîchement sorties de la vie civile arrivèrent, des hommes tout droit sortis des centres de recrutement, qui avaient passé six jours dans l'armée avec de nouveaux uniformes vert olive qui s'ajustaient tant bien que mal.

En l’espace de 2 semaines, les 10.000 nouveaux arrivants avaient subi les tests d’aptitude, les visites médicales et avaient été affectés dans leur différentes unités.

Chaque nouvel arrivant était emmené faire un tour en char et le jour de cette première randonnée était mémorable. De près, le tank, était une masse d'acier énorme et impénétrable, étrange et formidable : l'intérieur était en acier, peint en blanc et sentant la cordite[2], la graisse et le gas-oil, une odeur étrange et vivifiante. C'était un labyrinthe de gadgets, de tubes, de commandes, de cadrans. Les mots peints à l'intérieur donnaient une idée succincte et sinistre des événements futurs : «Munitions de calibre 30», «périscopes de rechange», «grenades à main»…

[1] Major general : équivalent de général de division.

[2] Cordite : Charge explosive qui est composée de nitrocellulose et de nitroglycérine.

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Général de brigade A. C. Smith  - Major General Vernon Edwin Prichard - Général de brigade E. W. Piburn

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FORMATION

28 décembre 1942 - 29 mai 1943

Le 23 décembre, le dernier contingent de nouvelles recrues arriva. La Division avait atteint ses pleins effectifs : 706 officiers et 15.490 hommes. L’entraînement et la formation individuelle des nouvelles recrues pouvaient commencer dès le lendemain.

 

Entraînement physique et marches, lecture des cartes et usage de la boussole, formation à la conduite et à l’entretien des engins, aux soins de premier secours, au démontage et au maniement des armes, la formation était devenue la seule occupation de la 14e Division blindée et elle le restera pendant près de deux ans.

 

Pour se battre, un homme doit connaître une multitude de choses et celles-ci ont été définitivement établies au cours des longues années d'existence de l'armée :

 

Il doit connaître son arme, car c'est avec son arme qu'il atteindra l'objectif de l'armée. Il doit être entraîné à marcher dix, vingt, trente miles, portant sur son dos tout ce dont il a besoin pour vivre et se battre.

 

Il doit connaître la lecture des cartes, l’usage de la boussole, la défense contre les attaques chimiques ou aériennes, la reconnaissance des avions.

Il doit connaître le terrain et l'hygiène personnelle. Il doit savoir creuser, comment déplacer un corps d'homme, connaître la courtoisie et la discipline militaires.

 

Pour qu'une armée puisse fonctionner comme une seule force de frappe, pour atteindre un seul but, elle doit apprendre à exécuter la volonté d'un seul homme. Et dans une unité blindée, il faut connaître son véhicule, comment le conduire et comment l'entretenir.

 

Le détail de toutes ces formations avait été minutieusement codifié et quantifié par l’armée américaine afin que chaque soldat puisse bénéficier de la même quantité de la même matière, et de la même manière et au même moment de sa carrière militaire. De cette manière, chaque soldat pourrait parler de la même chose avec les mêmes mots.

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Les baraquements du Camp Chaffee

La formation était délivrée par tranches successives suivies d’exercices pratiques de mise en application sur le terrain pour en vérifier à chaque étape la bonne assimilation, le but ultime de tout entraînement militaire étant l'assurance de la victoire en cas de guerre...

Quinze mille hommes devaient « apprendre le soldat » du premier jusqu'au dernier homme d'une compagnie d'infanterie.

Les formations, les inspections se succédaient à un rythme effréné. Les hommes avaient été initiés à la courtoisie et la discipline militaires, à leurs armes, le fusil, la carabine, la mitraillette. Ils avaient procédé à des tirs de familiarisation et maintenant, la Division devait non seulement s'assurer que chaque homme pouvait tirer avec son arme, mais aussi qu'il était capable d’atteindre sa cible.

Tirer, planter la tente, creuser un « foxhole »[1], lire des cartes, était un entraînement à la technique de la guerre. Il n'y avait pas encore de tactique - ou très peu de tactique.

La Division a été dotée de 3300 véhicules : 390 chars, 706 half-tracks, 550 véhicules de reconnaissance, 883 camions de deux tonnes et demie, sans compter 194 canons antichars, 2000 mitraillettes, 5600 cents carabines, 4000 pistolets-mitrailleurs et 1600 fusils.

A présent il convenait d’appendre à chacune des unités à s’approprier, à utiliser et à entretenir ce précieux matériel.

 

[1] Foxhole : trou de renard ou trou individuel.

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ENTRAINEMENT, REORGANISATION ET MANOEUVRES
29 mai 1943 – 13 janvier 1944

 

Les hommes avaient acquis une bonne partie de leur formation individuelle et avaient travaillé au sein de leurs unités respectives. Il était temps maintenant de faire évoluer les différentes unités ensemble, en organisant des manœuvres inter-armes.

Les entraînements allaient devenir de plus en plus exigeants et le parcours du combattant s’effectuait désormais sous le feu des balles réelles qui sifflaient au-dessus des casques. Des formations au combat de rue furent réalisées dans une petite ville abandonnée baptisée « Hitlerburg ». Des silhouettes surgissaient au passage des soldats et il fallait qu’elles soient criblées de balles avant de disparaître.

Les chars évoluaient sur le terrain de manœuvres en soulevant un nuage de poussière, une poussière rougeâtre, brunâtre, blanchâtre qui s'élevait épaisse dans l'air en pénétrant le nez, la bouche et la gorge, les vêtements... Les tankistes, vivaient et mangeaient cette poussière, même le tank se remplissait de poussière.

 

Les chars ont commencé à travailler sous le feu - des cartouches d'explosifs puissants programmées pour exploser dans les airs à quelques mètres au-dessus des tourelles, pulvérisant les vrac d'acier sans danger, mais frappant le sol autour où se trouvaient les fantassins; et l'infanterie a commencé à travailler de plus en plus près des rafales de leurs tirs d'appui.

 

L'inspection de commandement a eu lieu le 7 août, les chars et les half-tracks et les camions, les peeps et les tanks en rangées ordonnées, les hommes alignés devant eux sous le chaud soleil d'août, attendant le coup d'œil du général Prichard.

L’entraînement inter-armes se poursuivait entrecoupé de rares mais bons moments de détente dans les foyers du camp au cours des soirées de spectacles ou de danse et encore au cours des nombreuses compétions sportives de base-ball, basket-ball, volley-ball, des combats de boxe organisés entre les unités.

 

Au mois de septembre, la Division fut réorganisée pour prendre sa configuration opérationnelle. Ce changement a touché les régiments de chars et d'infanterie, le bataillon de reconnaissance et le bataillon du génie. Les 47e et 48e régiments blindés sont devenus les 47e, 48e et 25e bataillons de chars (chacun avec une compagnie de quartier général, une compagnie de service, trois compagnies de chars moyens (A, B et C) et une compagnie de chars légers (compagnie D)

Le 62e régiment d'infanterie blindé était divisé en 19e, 62e et 68e bataillon d'infanterie blindée; le 94e Armored Reconnaissance Battalion devient le 94th Mechanized Cavalry Reconnaissance Squadron; le 125th Engineers perdit sa compagnie D et sa compagnie de pont.

Trois commandements de combat – Combat Command - ont été mis en place et l’effectif fut ramené à un peu plus de 10000 hommes et 700 officiers.

Les grandes manœuvres débutèrent en novembre et la Division vivait sur le terrain, en bivouac. Elle opérait tactiquement dans le cadre d'une armée, contre d'autres divisions. Toute la Division a déménagé dans la zone de manœuvres du Tennessee pour y réaliser une série de 8 manœuvres tactiques. Les unités étaient réparties en Force Rouge et Force Bleue toujours de forces inégales pour donner plus de réalisme à l’exercice et chaque scénario fut réalisé sous le contrôle des « umpires », sortes d’observateurs et juges-arbitres qui validaient les différentes phases et jugeait si elles avaient été réalisées selon les concepts et normes déterminées.

 

Les différents scénarios et les conditions de combats étaient aussi réelles que possible. Entre chaque manœuvre, les Forces étaient recomposées pour s’adapter à un nouvel objectif ou une nouvelle situation de combat. Toutes les situations possibles furent envisagées, en utilisant la complémentarité des unités de reconnaissance, des chars de combats, de l’artillerie de campagne, du génie, y compris les services médicaux, les unités chargées de la logistique et du ravitaillement… tout ceci dans des conditions climatiques qui se dégradaient au fil du temps avec l’arrivée de l’hiver et de la neige.
 

A l’issue de cette série de manœuvres les 10000 hommes de la Division, avaient démontré qu’ils formaient une force de frappe puissante, capable d’une grande mobilité et de frapper comme un seul poing armé. Le 13 janvier, la Division s’est installée au  camp Campbell pour l’entraînement final avant le combat.

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Le Général de Division

Albert Cowper Smith

commandant de la 14e division blindée

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L'USS James Parker

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L'USS Santa Rosa

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Le transporteur de troupes "Le Jeune"

Fin janvier 1944, la 14e prend ses quartiers au camp Campbell dans le Kentucky pour la formation post-manœuvre pour le perfectionnement de la technique des individus et des unités, pour corriger les lacunes constatées lors des manœuvres. C’est la préparation finale avant la bataille avec notamment des exercices dits de « durcissement. » Les artilleurs tiraient maintenant (sous calibre 30 seulement) sur des chars en mouvement modifiés en soudant des protections en acier pour protéger les hommes à l'intérieur des éclats des projectiles.
 

Toutes les unités sont testées et tous les tirs d'armes seront effectués. L'endurcissement physique sera continu et progressif et le perfectionnement des hommes sera intensifié dans les domaines de la communication et la transmission d'informations, de l'entretien, du tir au canon, du repérage, de l'observation, des premiers secours…
 

Pour s’approcher au plus près des conditions réelles, les exercices et manœuvres sont effectuées au cours de bivouacs de six jours.
Courant juillet, le général Prichard quitte la division "pour les exigences de la guerre". Il est remplacé au commandement par le général de brigade A. C. Smith qui allait guider la vie et la fortune de dix mille hommes dans les longs mois qui suivirent.

 

En août, vint le point culminant de l'entraînement, un exercice de tir de la Division. L’exercice de tir a duré trois jours entiers et la Division a bivouaqué sur le terrain. Le mois d'août s'achève. Il y avait des congés et des permissions - les derniers congés et les dernières permissions - chaque homme qui n'en avait pas eu au cours des six derniers mois devait avoir une permission et tous devaient avoir rejoint le camp avant le 20 septembre. La Division partait à l'étranger !

Du 15 août jusqu'à l’embarquement pour l’outre-mer, le camp a été nettoyé et remis en état, les véhicules ont été chargés et calés sur les wagons plats et le 13 octobre, les hommes en uniformes, chargés de leur équipement personnel, armés et casqués, se rendent aux trains bondés qui les ont conduits au terminal à Weehawken, Jersey. Les hangars de chargement de Staten Island se remplissaient avec l'équipement et des longues files de soldats en tenue de combat. Homme par homme, ils étaient contrôlés à l’embarquement du navire alors que des femmes de la Croix-Rouge distribuaient du café et des beignets.

À BORD DES NAVIRES, MARSEILLE ET LES ALPES
14 octobre - 20 novembre 1944

La division prit la mer le 14 octobre. Les hommes avaient embarqué sur quatre navires, le "Santa Rosa", transportant les hommes des bataillons de chars, le général Smith et son état-major; le "Jeune" (anciennement le paquebot allemand "Windhoek"), avec les hommes des bataillons d'infanterie, la fanfare de la Division, un bataillon de chars et un bataillon de destroyers de chars; le "General James Parker", avec la reconnaissance, le génie et l'artillerie; et le "Sea Robin" (un navire de guerre tout neuf), transportant l'artillerie, le 84e régiment de médecins et la police militaire. Quatorze cargos et Liberty[1] surchargés de matériel accompagnaient le convoi.

Le samedi après-midi ensoleillé, le convoi s'est déplacé lentement le long du port, les hommes s'alignant sur les ponts après que les navires passaient la Statue de la Liberté, pour regarder le port de New York s’éloigner lentement devant eux.

 

Les bateaux étaient bondés. Les cabines pour deux personnes comportaient neuf couchettes qui se balançaient si près qu'on pouvait tout juste y entrer, étagées par quatre, dans chaque cabine et sur chaque pont, de la cale jusqu'au pont supérieur du bateau, et partout où il n’y avait pas de hamac, on empilait du matériel, des sacs musette et des sacs à dos, des fusils et des manteaux.

Il n'y avait pas beaucoup d'inquiétude au sujet des sous-marins. Le temps était beau et le navire se dirigeait vers le sud, le convoi s'étendait sur l'océan, les destroyers loin à l'horizon renvoyaient des signaux.

 

Les jours passèrent, et toujours pas d'annonce quant à la destination de la Division. L'Angleterre ? La France ?

La destination du convoi fut enfin dévoilée : ce sera Marseille et la nouvelle a mit fin aux spéculations. Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre.

 

Le convoi traversa le détroit de Gibraltar le 26 octobre, sous le soleil éclatant d'une chaude matinée d'automne longeant la côte africaine et ses eaux bleues calmes, et la ville blanche de Tanger, puis la côte française, le promontoire gris du château d'If et la statue de la Vierge sur la cathédrale et enfin la courbe tentaculaire des bâtiments de pierre qui longent la baie alors que le convoi s’engageait dans le chenal du port de Marseille.

 

[1] Le terme Liberty ship désigne les quelque 2 710 cargos construits aux États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale

Le navire se déplaçait lentement naviguant dans les eaux douces et scintillantes, se faufilant entre les destroyers français au départ, les cargos et les bateaux de pêche ancrés, les épaves des coques coulées. Des avions de guerre, bourdonnaient dans les airs et des ballons de barrage aérien flottaient immobiles dans le ciel. 
Pour la première fois, les dégâts de la guerre devenaient visibles : des navires coulés dans le port, des entrepôts en ruine et le premier immeuble d'habitation, frappé par une bombe, dont un côté était complètement éventré, laissant les escaliers suspendus dans le vide, une table vacillant au bord du néant et un évier suspendu dans les airs.
Les énormes grues le long du quai étaient des enchevêtrements tordus d'acier; les murs et les toits des entrepôts étaient éventrés par les bombardements.

 

Engourdis par le long voyage, les hommes du 14e se déversent lentement des navires à travers les docks et dans les rues pavées du grand port. La longue file d'hommes a traversé la ville pour rejoindre la zone de bivouac sur les collines dénudées des environs de Marseille, dans les vignobles et dans les champs. Les hommes frissonnaient dans leurs deux couvertures, blottis près du feu.
Le travail de la Division à Marseille consistait à se rééquiper, à décharger les chars et pièces d'artillerie et autres équipements des navires, à rassembler les camions et les chars légers et à se préparer à partir au combat. Les officiers et les hommes étaient détachés à Marseille pour décharger le matériel pour assembler les "peeps", qui étaient arrivés dans des caisses en pièces détachées.
 

Le matériel commençait à arriver (les chars léger provenaient d’Afrique) et les hommes de la Division travaillaient jour et nuit : distribution de vêtements et d'équipement, entretien des véhicules, nettoyage des armes, prélèvement de charges de munitions. Arrimage des chars avec neuf millions de pièces d'équipement, des batteries de lampes aux obus. Les nouvelles armes ont fait l'objet de tirs d'essai. 
Deux semaines exactement après le débarquement, les hommes de la Division devaient aller au combat; Après tout l'entraînement, les manœuvres, le port, la traversée, l’heure était venue ! 
Les premières patrouilles et combats eurent lieu dans la vallée de la Roya sur la frontière franco-italienne.

Après ces premiers combats les trains quittèrent la gare de Septemes près de Marseille et la gare de Cannes pour le long voyage vers le nord. Les hommes voyageaient sans le moindre confort dans les wagons à bestiaux français et les véhicules à chenilles étaient chargés sur des wagons plats. Les véhicules sur roues ont pris la route, voyageant de jour, bivouaquant de nuit, serpentant le long de la belle vallée du Rhône, Avignon, Valence, Dijon, Lyon. La campagne était belle, soignée et les traces de guerre peu nombreuses.

La colonne passait par Charmes où la septième armée avait livré bataille. Ici, l'infanterie et l'artillerie de la 7e Armée avaient tiré sur les positions défendues et les maisons avaient été anéanties, réduites à des tas de décombres par le pilonnage de l'artillerie, les murs étaient criblés de rafales de mitrailleuses. Il n'y avait que quelques civils, regardant les troupes en mouvement avec des yeux hagards, c'était la ruine et la destruction totale.

 

Le CCA a s’est établi à Portieux le 14 novembre - 25e char, 48e char, 62e infanterie, 500e d’artillerie de campagne, une partie de la compagnie B du 94e.

Il fait plus froid maintenant, dans le pays plat et légèrement vallonné d'Epinal, un pays de basses collines, fortement boisé. Il pleuvait et la pluie tombait des arbres, éclaboussant les tentes pyramidales des PC et les bâches érigées au-dessus des chars. Les camions surchargés ravitaillement s'embourbaient jusqu’aux marchepieds quand ils sortaient des routes étroites encombrées par la circulation.

 

Les hommes de la 125e ont reçu un nouveau type d'entraînement : ils sont envoyés dans des zones d'où les nazis ont été chassés et s'exercent à nettoyer de véritables champs de mines : mines Teller[1], mines Shu, mines Regal[2], mines Schrapnel[3].

Les hommes du Commandement de combat A finirent de passer en revue leurs véhicules pour la dernière fois, de les armer, de vérifier leurs moteurs, la radio et les canons; et la composition de la colonne de marche fut annoncée. Les chars d'assaut ont été conduits pour voir comment ils pouvaient de déplacer sur ce terrain détrempé; les commandants de compagnie et les officiers d'état-major sont allés au front en peep pour avoir leur premier aperçu du terrain.

 

La nuit, on pouvait entendre le faible tonnerre lointain des canons de l'artillerie lourde, et à l'horizon lointain au nord et à l'est, on pouvait voir de faibles éclats de lumière.

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Les mines allemandes

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[1] Tellerminen : mines rondes antichars.

[2] Riegel minen en allemand : mine rectangulaire antichars à enveloppe d'acier.

[3] Schrapnel minen : mines antipersonnel

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COMBAT COMMAND A GERTWILLER, BENFELD et BARR

21 novembre – 4 décembre 1944

 

La colonne s’ébranle le 20 novembre, franchit la Meurthe et part à la conquête des Vosges et de la plaine d’Alsace. Très rapidement, ces soldats qui dans leur très grande majorité n’ont aucune expérience du combat, sont confrontés à la dure réalité de la guerre. Le convoi rencontre ses premiers barrages antichars, ses premières mines et déplore ses premières pertes dans la traversée des Vosges sur la route de St-Quirin à Schirmeck où la division arrive le 24 novembre 1944.
 

Le 27, le Command Combat A débouche sur la plaine d’Alsace, vire au sud vers Obernai avec pour objectif prendre possession et défendre la ligne Erstein-Benfeld-Sélestat.
Les différentes unités de la Division engageront le combat à Valff, Gertwiller, Barr, Saint-Pierre, Benfeld, Andlau, jusqu’à Epfig et Scherwiller.

 

Une fois le secteur libéré, la division se regroupe près d’Hochfelden pour libérer le nord de l’Alsace et poursuivre l’ennemi en territoire allemand, après avoir résisté à la contre-attaque allemande de l’opération Nordwind.

Pour faciliter la lecture des récits qui vont suivre, voici la liste des principales unités qui composaient le "Command Combat A" de la 14e Division Blindée, et qui ont opéré dans Barr et ses environs :

48th et 25th Tank Battalion

62nd Armored Infantry Battalion

94th Cavalry Reconnaissance Squadron

125th Armored Engineer Battalion

500th Armored Field Artillery Battalion

84th Armored Medical Battalion

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48e Bataillon de chars - Compagnie A

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48e Bataillon de chars - Compagnie D

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500e Bataillon Blindé d'Artillerie de Campagne - Compagnie C

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62e Bataillon d'infanterie Blindée - Compagnie du Quartier Général

Source : History of the 14th Armored Division

Le monument provisoire

Le premier monument inauguré en 1922 fut détruit par les nazis en 1940 : l’occupant qui s’était installé pour 1000 ans, avait décidé que tout ce « bazar français » devait disparaître une bonne fois pour toute.

 

Fort heureusement, le règne nazi prit fin avant l’échéance des 1000 ans avec la capitulation de l’Allemagne et un monument provisoire fut immédiatement érigé en lieu et place de l’ancien monument dès la fin des hostilités.

L'une des dernières cérémonies au monument aux morts provisoire en 1953

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Le nouveau Monument aux Morts

En février 1948 fut constitué un comité en vue d'un nouveau mémorial pour les deux guerres qui prendrait place dans le square « Jardin Kohler », Avenue des Vosges. Ce comité pléthorique groupait 38 notabilités.

Le projet mis au concours fut doté de trois prix de 40,000, 30.000, 20.000 francs. Le sujet ne devait pas être militaire. Le coût de 3 millions serait couvert par souscription publique et le produit de fêtes champêtres.

Les 14 projets furent exposés à la mairie et soumis à un référendum où la participation fut médiocre: 438 votants, soit 19 % des inscrits, Le projet n° 8, présenté par l'architecte Caspar et le marbrier Méon recueillit le plus de voix. Le comité l'adopta définitivement en juillet 1949.

Il fut exécuté tel qu'il est aujourd'hui : dominant une sorte de vasque, une pyramide tronquée en granit poli, portant les mots PAX - A nos morts.

L'inauguration eut lieu le 29 novembre 1953 en présence de : du Préfet Paul Demange, du sous-préfet Grettner, du général Pique-Aubrun gouverneur militaire de Strasbourg, du Dr. Gillmann vice-président du conseil général et maire d’Obernai, du conseiller général Léon Naegell maire de Nothalten, du Maire Paul Degermann, du conseil municipal et de nombreuses personnalités et représentants des associations.

Après les discours des officiels, la flamme du souvenir fut allumée par le Préfet, la Sonnerie aux Morts retentit et la Marseillaise fut jouée. L’harmonie chorale chanta et les enfants des écoles déclamèrent des poèmes.

Un détachement et la clique du 152e R.I., la Musique municipale et le Corps des sapeurs-pompiers ont également participé à l’émouvante cérémonie inaugurale et au défilé qui s’est achevé par un vin d’honneur servi dans la grande salle des fêtes de la mairie avec la participation des «poilus» de 14-18.

Sa valeur artistique est assez faible et une notabilité du Comité, Mme Degermann-Simon, le dit à l'époque en regrettant que Barr ait manqué l'occasion d'accueillir une oeuvre d'art.

Mais un tel monument est riche d'autres valeurs: il concrétise la piété reconnaissante à l'adresse de pauvres innocents immolés pour le bien de tous et l'aspiration des générations postérieures à vivre et à travailler dans l'honneur et la paix.

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La contruction des fondations du nouveau monument

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L'inauguration le 29 novembre 1953

Un référendum populaire pour le Monument aux Morts

 

Le projet d’érection d’un nouveau monument aux morts fit couler beaucoup d’encre et de salive dans le landernau barrois !

Tout d’abord nous relevons que le conseil municipal de l’époque s’est largement dédouané de cette épineuse question lors de sa séance du 3 février 1948 en confiant le projet à un comité chargé de piloter le projet.

Ce comité pour le moins pléthorique, placé sous la présidence du Maire Degermann, regroupait 38 membres représentatifs du microcosme barrois (industriels, commerçants, représentants des cultes, représentants des associations patriotiques, etc…), et qui de part leur représentativité aurait dû être en mesure de proposer et conduire un projet susceptible de recueillir l’assentiment d’une large majorité de la population.

Le choix de l’emplacement se fit de concert entre l’architecte urbaniste Caspar chargé du nouveau plan d’aménagement de la ville, la municipalité et le Comité.

Après un an de réflexion, le Comité proposa au conseil municipal d’organiser un concours ouvert à tous les artistes et hommes de l’art, et de soumettre l’ensemble des projets à la population qui se prononcerait sur le choix final du projet à l’occasion d’un référendum à valeur consultative.

Le référendum eut lieu le samedi 9 juillet de 14h à 18h et le dimanche 10 juillet 1949 de 8h à 12h de 14h à 18h et les maquettes des 14 projets furent exposées anonymement dans la grande salle de la Mairie.

Après dépouillement, le projet N°8 intitulé « Pax I » avait recueilli la majorité des suffrages au référendum (137 voix / 438 bulletins), mais le jury du Comité avait une préférence pour les projets N°7 (Le classique) et N°9 (Vision) qu’il avait classés 1er ex æquo, devant les projets N°10 (Pax II) et N°11 (Liberté), une mention « honorable » étant décernée au N°8 qui n’entrait pas dans le quatuor de tête !

Rappelons à cet égard que seulement 3 projets devaient être primés par le jury selon le règlement du concours !

En outre, le bulletin municipal N°28 de juillet révèle que le choix de l’emplacement lui-même a fait l’objet de vives critiques, certains préférant le voir ériger à son emplacement initial devant l’hôpital, alors même que ce choix avait été communiqué aux Barrois dès le mois de janvier 1949 sans soulever la moindre observation de leur part.

Finalement c’est lors de la séance du Conseil Municipal du 15 juillet 1949 que le Comité du Monument aux Morts a choisi le projet qui serait finalement retenu.

En premier lieu, le Maire a déploré la trop faible participation des Barrois à cette consultation populaire et l’absence de 14 de membres du Comité alors même que le sujet principal de la séance était le choix final du projet.

Visiblement, le comité, n’était pas très enclin à accepter le verdict de la consultation populaire et les discussions se sont éternisées avant qu’il soit décidé de procéder à un scrutin à bulletins secrets à 4 tours.

Au premier tour, c’est le projet N°7 qui arrive en tête mais il ne recueille que 12 voix.

Un second tour est donc nécessaire auquel les projets N°7 et N°8 obtiennent chacun 12 voix.

C’est finalement au troisième tour, que le projet N°8 recueille la majorité absolue des suffrages avec 13 voix contre 11 pour le projet N°7.

Le Maire ouvrit ensuite les plis cachetés qui contenaient les noms des participants au concours révélant que le projet N°8 avait été proposé par l’architecte Caspar et le marbrier Méon.

 

Un heureux hasard s’il en est, puisque d’une part le choix de la population a fini par l’emporter et que d’autre part c’est un marbrier barrois et l’architecte départemental en charge de l'aménagement de la Ville de Barr qui ont été retenus pour la réalisation du monument, mais il s’en est fallu de peu !

 

La question du financement n’étant pas encore entièrement résolue, il fallut encore attendre 4 années pour que le monument soit érigé avec quelques modifications mineures et c’est le 29 novembre 1953, date anniversaire de la libération de Barr, qu’il fut officiellement inauguré par le Maire Paul Degermann.

 

En 2009, le site fut réaménagé et le monument a été réorienté vers la ville et le Kirchberg. Une plaque commémorative rappelle également le sacrifice des tankistes du 48e Bataillon de chars US.

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Cérémonie au Monument aux Morts en 1984 en présence du Maire Marcel Krieg et du Conseiller Général Guy Sautter 

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Le monument réorienté en 2009

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La plaque commémorative des combats de la libération

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