BARR - 28 et 29 novembre 1944
La situation côté allemand
par Christian Schultz
Le déploiement de la « Kampfgruppe Bäke » dans les environs de Barr
Dans la nuit du 24 au 25 novembre, la Kampfgruppe se met en marche avec ordre de se déployer au plus vite vers Molsheim afin de combler urgemment une brèche créée entre la 1ère et la 19ème armée allemande et stopper l’avancée de troupes américaines en provenance du sud-ouest de Strasbourg. Celles-ci ont pris avec de fortes concentrations de blindés les villages de Lipsheim et Innenheim tout en conduisant une percée vers Molsheim et Schirmeck.
25 novembre
La journée du 25 sera consacrée au déchargement et au regroupement de ces unités.
A 10h42, la 19ème armée reçoit l’ordre de déployer au plus vite la Kampfgruppe Bäke, qui constitue sa réserve, sur la ligne Molsheim-Mutzig avec ordre de mener une attaque en direction de Saverne.
A 13h00 le colonel Bäke revient de son briefing à l’état-major de la 19ème armée et informe son propre état-major du déploiement de ses moyens dans la zone située entre Obernai et Molsheim. Le transport ferroviaire des chars, encore en cours, se terminera à Barr, désignée comme destination finale. Le déploiement du matériel lourd prend toutefois du retard en raison de la collision d’un train avec une voiture au niveau de la ville de Neuchâtel, sur le Rhin près de Freiburg (sap).
26 novembre
L’ordre de déploiement vers Molsheim, où le Bataillon Bittermann est arrivé, est modifié en raison des changements de la situation tactique.
Après l’arrivée du Kampfgruppe Reuter et le retrait de Molsheim du Bataillon Bittermann, le nouvel ordre opérationnel prévoit le positionnement de trois groupes blindés dans les villages de Blienschwiller, Scherwiller et Epfig. L’état-major du colonel Bäke s’installera à Dambach, le bataillon Bittermann à Nothalten. La mission principale du Kampfgruppe est dorénavant de repousser toute tentative de percée alliée survenant sur une ligne Erstein-Barr [1].
Dès 11h30, le groupe blindé de Scherwiller sera engagé dans la vallée de Villé, pour contrer une percée de blindée à Saint-Blaise La Roche où des canons d’assaut allemands affronteront à 17 heures des chars Sherman américains. Des combats se dérouleront également à Villé.
Dans le courant de l’après-midi, une unité de reconnaissance est prise sous le feu d’une unité de reconnaissance adverse, sur la route Obernai-Erstein.
A 22h45, la 19ème armée transmet à l’état-major des armées ainsi qu’à l’état-major du groupe d’armée G le compte-rendu suivant : « une attaque principale de l’ennemi est à prévoir sur l’axe routier Strasbourg-Sélestat. Nous avons déjà positionné à l’arrière du front principal une partie du groupe Bäke. De petites unités de ce groupe sont engagées dans la zone de Villé ainsi que de Sainte-Marie-aux-Mines (Markirch). Le dernier train de transport de Bäke n’est toujours pas arrivé.
[1] Journal de marche de la 19ème armée du 26.11.44, ordre de l’état-major des armées à la 19ème armée.
27 novembre
Au matin, le KTB de la Panzerbrigade 109 nous indique que les villes de Mutzig et Molsheim sont aux mains des Américains, que des bruits de chars américains se font entendre à Obernai, qu’aucun adversaire n’est visible à Innenheim, Barr et Gertwiller, que des chars Sherman sont arrivées à la gare d’Erstein, sans pour autant entrer encore dans la ville. Les hauteurs nord-ouest de Triembach sont également occupées par les Américains. D’après des renseignements obtenus sur des prisonniers, une attaque majeure américaine est prévue le même jour contre Sélestat. La Panzerbrigade est en état d’alerte maximale.
A 13h25 le journal indique une attaque de 28 chars et 40 blindés[1], vers midi, en provenance d’Obernai vers Gertwiller et Bourgheim. Ces poussées sont prises sous le feu de deux lances roquettes allemands.
En parallèle, Le KTB de la 19ème armée allemande indique une forte concentration de blindés ennemis qui provoque une percée significative à l’ouest d’Erstein, contre lesquels des unités de la Panzerbrigade 106 sont engagées. Environ 110 chars américains, appuyés par une forte infanterie mécanisée, menacent dorénavant la ligne Erstein-Barr. L’ennemi arrive à prendre Matzenheim avec 50 chars ainsi que Valff, Bourgheim et Gertwiller avec 60 autres chars, des chars sont en outre signalés au nord-ouest de Barr.
20h00 : Le Bataillon Bittermann reçoit l’ordre de reprendre Gertwiller. L’infanterie est à cet effet appuyée par des canons d’assaut. La résistance américaine ne permet toutefois pas de reprendre le village dans un premier temps et le Bataillon Bittermann reste bloqué à l’entrée Ouest du village (probablement à Barr).
Le « groupe Benfeld » réussi à repousser les percées US au nord de Matzenheim. La compagnie du génie de la brigade pose des mines dans le secteur de Molsheim et fait sauter plusieurs ponts (sap)[2]. Les pertes américaines sont estimées à 9 Sherman dont quatre détruits par Panzerfaust, ainsi que 1 halftrack. La météo est claire.
[1] Le journal désigne ces véhicules de SPW soit des « Schwere Panzerspähwagen ». Compte-tenu des équipements en usage dans l’armée US, il s’agit probablement des véhicules semi-chenillés de type half-track utilisés pour le transport de l’infanterie mécanisée américaines. Des véhicules similaires furent également utilisés coté allemand pour les même besoins.
[2] Dont probablement celui de la Kirneck à Gertwiller
28 novembre - combats à Barr
Au matin de ce jour qui marquera l‘histoire de Barr, Gertwiller est attaqué par des éléments de la Panzerbrigade 106 avec deux canons d’assaut et 6 véhicules semi-chenillés transportant 70 hommes. Vers midi, le village est repris entièrement par les Allemands, sans pertes significatives.
Au même moment, des chars américains sont aperçus faisant route vers Blienschwiller en provenance de l’ouest. Sous le feu de l’artillerie allemande positionnée dans le village, ceux-ci rebroussent chemin en direction du nord. La reconnaissance allemande indique l’occupation, par les américains, des hauteurs 305 et 256, à 2km au Nord-ouest de Blienschwiller.
A partir de l’ouest de Barr, de l’infanterie US est signalée s’approchant de la ville[1]. 50 chars provenant de Heiligenstein se dirigent en outre vers Barr. Une partie d’entre eux se dirigeront par la suite vers Stotzheim, en contournant Zellwiller [2].
Le KTB de la 19ème armée nous livre en parallèle les informations suivantes : Les américains apparaissent au sud d’Obernai à partir de Valff et Bourgheim, avec un total de 50 chars, pour se diriger vers Zellwiller et Stotzheim. Après des combats changeants, Gertwiller reste entre mains allemandes. Un colonne US traverse Barr jusqu’au nord de Eichhoffen avec 24 chars et une forte infanterie mécanisée. Grâce à une contre-offensive énergique, Barr sera toutefois reprise.
Si les informations dont nous disposons de cette « contre-offensive énergique » sont assez succinctes, elles n’en demeurent pas moins capitales pour la compréhension de l’action allemande à Barr.
Le KTB de la Panzerbrigade nous précise que le capitaine Paul Te Heesen, commandant la Panzerbateilung de la Panzerbrigade, se trouve ce jour vers 11h30 à Barr. Au regard de la menace imminente, il décide immédiatement de prendre le commandement du faible nombre de chars allemands qui s’y trouvent.
Son propre char détruit 4 Sherman dans la contre-offensive[3].
Après la mise hors d’usage de son propre canon par le feu adverse, il détruit encore personnellement deux autres chars par l’usage de Panzerfaust[4]. Avec sa petite unité, le capitaine Te Heesen réussira à mettre 13 Sherman hors de combat et à repousser énergiquement l’adversaire hors de Barr.
D’après le témoignage de Friedrich Bruns, le capitaine Te Heesen était assisté ce jour, durant les combats à Barr, du Oberfähnrich Gerhard Keil qui lui apporta une assistance majeure en termes de renseignement. Parfaitement anglophone, Keil réussit en effet à intercepter les communications entre les chars de la 48ème Tank Bataillon US, conférant aux faibles effectifs blindés allemands présents à Barr un avantage tactique certain[5].
Toujours d’après le KTB de la Panzerbrigade, Barr et Gertwiller seront déclarés en cette fin d’après-midi du 28 novembre de « feindfrei », soit libre de présence ennemie.
Au soir du 28 novembre, le général commandant la 19ème armée allemande adresse sa pleine reconnaissance à la Panzerbrigade pour son comportement exemplaire dans le soutien des autres unités présentes sur zone. Il mentionnera cette action dans le compte rendu quotidien à destination de l’état-major des armées[6].
Les pertes infligées à l’ennemi par la Panzerbrigade s’élèveront ce jour à 21 chars, dont 7 par panzerfaust, et un blindé semi-chenillé. Un Sherman intact sera en outre capturé[7].
Le capitaine Paul Te Heesen sera décoré de la croix de chevalier de la croix de fer à la suite de son action à Barr[8].
[1] Il s’agit certainement de la vallée de Barr.
[2] Source : KTB de la Panzerbrigade
[3] KTB de la Panzerbrigade
[4] Arme portative anti-char allemande, décrite dans le KTB sous le terme « Faustpatrone ». Lors de sa constitution, la brigade en reçu une dotation de 126, au titre des munitions spéciales, répartie dans les différentes compagnies.
[5] Le grade d’Oberfähnrich correspond au grade d’aspirant dans l’armée française, décerné aux élèves officiers. Fils d’un pasteur allemand émigré aux USA, Keil est né en 1920 et a grandi aux Etats-Unis avant de rejoindre l’Allemagne avant la guerre. Oberfähnrich depuis 1943, il porta ce grade pour une durée anormalement longue dans la mesure où il aurait dû être lieutenant au moment des combats de Barr. L’ironie du sort voulue que son passage à ce grade fût constamment retardé en raison de sa double nationalité Germano-américaine. Il fut l’objet de moqueries amicales pour cette raison au sein de la Panzerbrigade.
[6] Korps-Befehl des LXIV.AK vom 28.11.44 et Tagesmeldung des LXIV.AK vom 28.11.44
[7] Les sources américaines mentionnent l’abandon de chars durant les combats de Barr.
[8] Elle lui sera décernée à titre posthume. Te Heesen sera tué le 9 janvier 1945 dans des conditions mystérieuses à Colmar, possiblement en se suicidant. Il fut également récipiendaire de la croix allemande en or.
29 novembre
Un ordre est donné par le corps (d’armée ?) aux unités d’infanterie de la 19ème armée de mener une attaque sur Itterswiller et Blienschwiller avec pour direction Reichsfeld[1]. Y participent en renfort la première compagnie du bataillon Bittermann ainsi que des canons d’assaut de la Panzerbrigade.
La brigade « renforcée » (par l’arrivée du dernier train ?) se positionne en outre, avec l’aide de canons d’assaut et de chars Panther, à Stotzheim, à Saint-Pierre, à Eichhoffen, à Epfig ainsi qu’à Barr avec la 3ème compagnie du Panzergrenadierbataillon à Barr [2]…
Les Américains, signalés arrivant du Hohwald, prennent Andlau. Une contre-offensive menée par la capitaine Bartel, chef du Bataillon d’infanterie de la Panzerbrigade, réussit à stabiliser le front au prix de pertes élevées de 200 hommes. Peu de temps après, une poussée américaine est signalée en provenance du nord d’Eichhoffen (probablement à partir de Barr) qui sera également rejetée par les panzergrenadiere du capitaine Bartel. Par son action énergique, l’adversaire sera repoussé d’Eichhoffen vers Mittelbergheim. Les pertes américaines sont estimées à 100 morts. L’action allemande est soutenue par des mortiers et des lances fusées. En raison des fortes pertes subies, les Américains ne lanceront plus d’offensive dans ce secteur du front.
Des attaques américaines en provenance de Thanvillé en direction de Scherwiller/Sélestat sont repoussées à l’aide des canons d’assaut stationnés dans le secteur.
30 novembre
Sur ordre du corps, les éléments de la brigade renforcée se regrouperont dans le secteur d’Ebersheim pour se constituer en réserve d’intervention de la 19ème armée.
Pour renforcer la ligne de front, plusieurs canons d’assaut et véhicules semi-chenillés sont déployés vers Eichhoffen.
Quelques canons d’assaut et de véhicules semi-chenillés restent stationnés dans la vallée de Villé et permettront de repousser au petit matin une attaque dirigée vers Scherwiller.
A 3h30 du matin, de violents combats sont signalés à Gerstheim, qui sera perdu, puis à Obenheim. 3 chars adverses et 2 chars allemands seront détruits. De violents combats se dérouleront à Boofzheim.
Au soir, Saint-Pierre sera perdu par les Allemands, mais Epfig pourra être tenue toute la journée durant. Le génie de la brigade procède à des destructions dans les zones Epfig, Boofzheim et Ebersmunster.
10 chars Sherman seront détruits ce jour. La Caporal Fink aura détruit le 28 et le 30 novembre à lui tout seul 7 chars dans des conditions de combat rapproché. Il fera partie des huit récipiendaires de la croix de chevalier de la Panzerbrigade.
Notre déroulé chronologique de la Panzerbrigade s’arrête ici pour les raisons évidentes que la suite n’aurait plus de rapport avec les combats qui se sont déroulés à Barr.
[1] Il s’afit de la 708ème VGD et du 305ème IR.
[2] L’infanterie mécanisée de la Panzerbrigade

Soldat allemand muni d'un Panzerfaust

Le colonel Franz Bäke, commandant la 106ème Brigade

Le capitaine Paul Te Heesen, commandant le groupe blindé de la Panzerbrigade

Insigne de la 106ème Panzebrigade Feldherrenhalle

bande de bras avec inscription "Feldherrnhalle", portée sur le blouson noir des équipages de chars

Soldat allemand utilisant un Panzerfaust


Des unités allemandes en déroute et désorganisées traversent Barr, le 27 novembre 1944, en direction du Rhin.
Panzerbrigade 106
Kampfgruppe Bäke - Battalion Bittermann
Les unités allemandes engagées à BARR
par Christian SCHULTZ
L’histoire des unités de la Wehrmacht impliquées dans les combats de Barr mérite un éclairage nouveau issu d’un ensemble de documents provenant des archives militaires allemandes.
Pour l’essentiel, ces sources seront les « journaux de marche et des opérations[1] » du groupe d’armées G[2], de la 19ème armée allemande et surtout de la Panzerbrigade 106[3]. Ces journaux seront mentionnés sous l’acronyme KTB, désignant leur terme allemand de Kriegstagebuch-KTB.
Les unités allemandes engagées dans les combats de Barr les 28 et 29 novembre 1944 sont la Panzerbrigade 106 Feldherrnhalle et le Bataillon Bittermann alors aux ordres de la Panzerbrigade durant le temps des combats autour de Barr.
Ces plus de 700 pages rassemblées dans un document commémoratif destiné aux anciens combattants de la Panzerbrigade 106, constituent donc une source historique de première main. Elles seront complétées par un témoignage que l’auteur de cet article a pu recueillir en 2002 auprès de Monsieur Friedrich Brunns, alors secrétaire de l’association des anciens membres de cette unité.
[1] Le Journal des marches et des opérations est un document relatant les événements vécus par chaque état-major et corps de troupe au cours d’une campagne.
[2] Le groupe d’armée G regroupe les 1ère et 19 ème armées allemandes durant la campagne de Lorraine et d’Alsace.
[3] 106ème Brigade blindée
Création de la Panzerbrigade 106
La Panzerbrigade 106 (PzBrig 106) fut constituée le 28 juillet 1944 à Danzig, dans l’actuelle Pologne, à partir d’éléments survivants de la Panzergrenadier-Division "Feldherrnhalle", décimée dans les combats du front de l’est, ainsi que de diverses unités de réserve. L’appelation « Feldherrnhalle » donnée presque accessoirement à la nouvelle brigade ne permettait pas pour autant de qualifier cette formation d’unité d’élite. Ses vétérans se considérèrent eux-mêmes d’ailleurs comme d’anciens membres d’une unité régulière de la Wehrmacht.[1]
Dès la fin août 1944 l’unité fut envoyée à Trêves en vue d’être engagée sur le front de l’ouest. A partir de septembre 1944, et jusqu’à l’abandon par les Allemands en février 1945 de la poche de Colmar, elle sera déployée et engagée en différents endroits situés entre le Luxembourg et la frontière Suisse.
[1] Le nom Feldherrnhalle rencontre un écho particulier dans l’histoire du mouvement national-socialiste. Il fait référence à un monument de Munich à proximité duquel une tentative de puch de Hitler échoua en 1923. Durant le Troisième Reich, ce lieu servit de coulisse à la célébration des martyres du régime. Outre une SA-Standarte Feldherrnhalle crée en 1934, composée de l'élite des SA, pas moins d’une demi-douzaine d’unités de la Wehrmacht portèrent successivement, ou parfois même conjointement, cette appellation qui permit à leurs membres de porter sur le bras gauche une bande comportant l’inscription « Feldherrnhalle».

Le colonel Franz Bäke, commandant la 106ème Brigade
Parcours de la brigade préalablement son engagement à Barr
Son déploiement illustre la forte mobilité d’une unité blindée. Fraichement engagée sur le front de l’ouest elle est d’abord déployée vers la mi-septembre 1944 au sud de Metz et impliquée dans un engagement significatif à Château-Salins.
Du 1 au 12 octobre 1944, elle se retrouve déployée à Héricourt, au sud de Belfort, puis sera engagée du 13 au 21 octobre dans des combats entre Gérardmer et La Bresse, notamment au col de la Grosse. Puis, déploiement au nord de Saint-Dié, avec des engagements dès le 26 octobre jusqu’au 9 novembre à Clairefontaine, Badonviller et Pierre Percée.
Le 19 novembre, elle reçoit l’ordre de rejoindre Saarbrücken, où elle restera trois jours pour se rassembler et se restructurer. Dans la nuit du 22 novembre, elle reçoit l’ordre d’embarquer son matériel dans les gares de Brebach et Blickweiler[1] pour faire route vers Mulhouse.
Les compagnies seront regroupées à 20 km au nord-ouest de Mulhouse, à Soulz puis Guebwiller, où elles arrivent dans la nuit du 23 novembre.
La prise de Strasbourg par la 2ème DB française est évoquée lors du point de situation de son état-major. Les unités reçoivent ordre de se déployer entre Baldersheim et Ottmarsheim pour s’opposer aux avancées des Américains à partir d’Altkirch.
Le 24 novembre elle est engagée dans des combats autour de Mulhouse, entre Rixheim et Habsheim, avec pour ordre de reprendre l’ile Napoléon. Une ligne d’arrêt provisoire est constituée dans la forêt de la Hardt, le long du canal du Rhin au Rhône, et ce jusqu’à Thann.
Vers la fin de l’après-midi du 24 novembre 1944, le front sud de l’Alsace étant provisoirement consolidé, et face à l’évolution de la situation dans la partie nord de la future poche de Colmar, le groupe d’armées G[2] ordonne à la 19ème armée allemande de désengager trois unités dont la Panzerbrigade 106, afin de redéployer cette dernière au sud d’Obernai…
A 15h47 le chef du groupe d’armées G informe l’état-major de la 19ème armée que la Kampfgruppe Bäke est considérée comme disponible pour être engagée dans la région de Molsheim, mais que la décision finale de son engagement reste subordonnée au Führer.
A 16h45 le colonel Bäke reçoit l’ordre de se désengager immédiatement de toute action pour se mettre en route au plus vite vers le nord de Sélestat. Une forte réplique d’artillerie allemande doit favoriser son désengagement.
A 17h22 le BvTO[3] de la 19ème armée informe de l’arrivée à la gare de Bantzenheim de trains servant à transporter la brigade à destination de Sélestat.
A 22heures, le chef d’état-major de la 19ème armée allemande transmet au BvTO : « je souhaite que le transport par voie ferroviaire puisse se faire plus loin que Sélestat, de préférence jusqu’à Barr ». Le BvTO lui réplique que les conditions de déchargement seront plus compliquées là-bas mais qu’il s’efforcera de diriger le transport ferroviaire aussi loin que possible (vers le nord) [4].
Deux trains sont mis à disposition à cet effet.
[1] Ce chargement peut se réaliser de jour en raison du temps pluvieux et de l’absence de menaces aériennes
[2] L’état-major de ce groupe d’armée se trouve alors à l’hôtel Westernhöher à Bergzabern dans le Palatinat.
[3] BvTO : Bevollmächtigter Transportoffizier, l’officier chargé des transports
[4] Fernsprechprotokoll der 19. Armee vom 24.11.44
Constitution de la « Kampfgruppe Bäke »
Tout au long de ses différents engagements décrits précédemment et afin de donner à sa mission les meilleures chances de réussite, la Brigade reçoit régulièrement des renforts ponctuels mis à la disposition de son chef de corps.
Renommée « Kampfgruppen », ces formations de circonstance prendraient aujourd’hui le nom de « Task force ». Composées de différentes unités, il est fort probable que ces formations ne disposaient plus, au moment de leur engagement à Barr, de l’ensemble de leurs effectifs, en raison des pertes subies et de la situation critique du front allemand à ce moment.
Au soir du 24 novembre la brigade ne dispose ainsi plus que d’une douzaine de chars[1]. Pour renforcer l’action du colonel Bäke, la PzBrig 106 devient l’ossature d’une « Kampfgruppe Bäke » constituée de :
- la PzBrig 106
- la brigade de canons d’assaut 280[2], commandée par le major Kühne
- la seconde compagnie d’une unité d’infanterie mécanisée provenant du WK V[3], commandée par le capitaine Bittermann, dit « Bataillon Bittermann »
- deux autres compagnies d’une Kampfgruppe Reuter (SaP)
- une compagnie de reconnaissance
Cette présentation de la Kampfgruppe Bäke mérite que l’on s’attarde sur le Bataillon Bittermann, largement mentionné dans les divers récits existants sur les combats de Barr. Nous disposons en fait de peu d’informations à son sujet, sauf qu’il fut constitué au sein du
« Wehrkreis V - WKV », soit la 5e région militaire allemande qui contrôlait le pays de Bade, le Wurtemberg et l'Alsace. Il s’agit donc d’un recrutement local.
Le KTB de la 19ème armée allemande nous indique que c’est la seconde compagnie mécanisée qui fut intégrée dans la Kampfgruppe Bäke. Commandée par le capitaine Bittermann, cette compagnie devint le Bataillon homonyme de son commandant[4]. Une compagnie d’infanterie de la Wehrmacht était constituée d’environ 200 à 300 hommes.
[1] Fernsprechprotokolle der 19. Armee vom 24.11.44
[2] StuGeschBrig 280 ou Sturmgeschützbrigade
[3] Wehrkreis V.
[4] Et non la « Sturmbrigade Bittermann » comme parfois mentionnée dans certains récits.

Insigne de la 106ème Panzebrigade Feldherrenhalle

Char Panther

Doctrine d’emploi
Successivement aux ordres de la 1ère puis de la 19ème armée allemande[1], elle sera utilisée comme unité mobile autonome blindée, en capacité d’être déployée rapidement à un endroit du front qui risquait de connaitre une percée menaçante de la part des alliés.
Selon le document cadre de sa création signé par l’inspecteur général des troupes blindés allemandes, ses atouts résideront « dans la mobilité, la puissance de feu et la protection blindée. Les conditions de succès de son emploi reposeront sur la capacité de mener des attaques surprises et audacieuses par l’ensemble des éléments qui la compose »[2].
[1] La 19ème armée allemande sera par la suite encerclée dans la poche de Colmar du 20 janvier au 9 février 1945. Son état-major sera situé à Gebwiller.
[2] Der Generalinspekteur des Panzertruppe - Vorläufige Richtlinien für Führung und Kampf der Panzer-Brigade, Abt.Ausb.Nr.9657/44 geheim, OKH, 26. Juli 1944
Constitution
Commandée par le Colonel Franz Bäke[1], la Panzerbrigade 106 comptera un effectif total d’environ 2000 hommes.
Les unités qui constitueront seront :
- une compagnie de commandement.
- un groupe blindé (Panzer-Abteilung) de 4 compagnies de chars dont une compagnie de chasseurs de chars, commandée par le capitaine Paul Te Heesen[2]
- un bataillon de 8 compagnies d’infanterie mécanisée (Panzergrenadiere Bataillon),
- une compagnie de génie,
- une compagnie de réparation
Les trois compagnies de chars seront équipées chacune de 11 chars de combat de type « panther » (et non des « tigres » comme parfois mentionné dans certains récits).
La compagnie de chasseurs de chars est équipée de « Sturmgeschütze », des canons d’assaut motorisés qui seront largement utilisés comme chasseurs de chars.
[1] Franz Bäke, vétéran de le Première guerre mondiale, exercera le métier de dentiste entre les deux guerres. Reprenant du service dès 1939 dans une unité de chasseurs de chars, il se forgera une réputation d’as et de spécialiste des panzers. Il sera décoré de la croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chêne et glaives et finira la guerre comme général.
[2] Le Capitaine Paul Te Heesen tiendra un rôle décisif dans les combats de Barr.

Le colonel Franz Bäke et l'Etat-Major de la 106ème Brigade

Le capitaine Paul Te Heesen, commandant du groupe blindé de la Panzerbrigade

Char Panther